Et ainsi, à la demande de l’Hokage des Kirishitan, le jeune Genin sécha ses larmes, et tenta d’expliquer ce qu’il avait bien pu comprendre de l’histoire, sous son point de vu. Mais cette fois, comparée à avant, il allait à l’essentiel. Il ne perdait que peu de temps avec les détails. L’hokage était une femme importante, et elle lui prêtait déjà son oreille, ce qui n’était en soit pas rien. Alors le jeune Genin s’arma de courage et commença.
« Comme d’habitude, je suis allé m’entraîner sur les terrains d’entraînement tôt le matin, puis je suis parti manger un bol de ramen à midi. J’ai vu qu’il y avait de l’agitation vers les portes, quelque chose clochait. Je suis parti vérifier. Il y avait beaucoup de monde. Trop de monde. J’ai eu du mal à me faire une place. En montant sur une caisse, j’ai pu voir plusieurs ninjas, mais je n’avais pas vu le Hokage. Mais j’ai vu Kanashisaa… C’est un membre de mon clan, et une amie. On pensait qu’elle était morte. J’ai rarement été aussi heureux de ma vie de revoir une personne disparue. C’était comme un rêve qui devenait réalité. Sa disparition nous avait beaucoup attristés. »
Et il baissa les yeux, avant d’annoncer d’un ton solennel.
Non, il devait assumer. Il était devant l’Hokage, pas devant sa mère. Il était un Shinobi, bon sang. Ça, personne ne pouvait lui enlever.
C’était dur, mais il avait dit. Cela lui avait coûté le peu d’image positive qu’il avait encore de lui-même, mais il ne pouvait pas éviter l’inévitable.
« J’étais si heureux de la revoir que j’ai négligé les informations. J’ai foncé dans le tas, et j’ai bousculé l’Hokage. Il m’a frappé de toute ses forces, je pense. Lui aussi, il ne s’est pas maîtrisé. C’était très rapide, trop rapide, et trop violent. Je n’ai rien vu venir. J’ai juste senti une énorme douleur dans ma poitrine, et je me suis évanouie. Je pense qu’il a dit quelque chose, mais j’ai eu si mal que je n’entendais plus rien. J’avais peur… Il n’y avait que le noir… Et le noir. J’allais mourir. »
Il frotta de nouveau ses yeux. Le souvenir était extrêmement pénible à raconter.
« Je me suis réveillé dans un endroit étrange, en sous-sol je crois. Il y avait Kano, des médecins, dont une Uzumaki, et l’hokage. Il m’a dit que cela « me servirait de leçon ». Je l’ai haï. J’ai eu envie de le tuer. Mais je n’avais plus de force. Puis je me suis réveillé à l’hôpital. Et depuis, je n’ai que ça en tête. Son faux sourire, cet air presque satisfait, sans remords ni regret. Je n’arrive pas à m’enlever cette image de ma tête. À chaque fois que je ferme les yeux, je l’entends dire « Que cela me serve de leçon ». Sa voix, ce faux-sourire… J’ai l’impression que j’avais affaire à un criminel impunissable, et qui se sentait invincible. Je déteste ça. Je le hais. »
Il serrait les poings, qui devenait blanc et tremblait de rage.
« Je le maudis. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi il m’a fait ça. J’ai envie de tout détruire. Parce que je le hais, mais c’est mon Hokage. Parce qu’il a failli me tuer et que c’est un membre de mon clan. Je me sens humilié, comme si ma vie ne valait au final, rien du tout. Et maintenant, ma vie est détruite… Mais au fond, je sais que ça ne me ressemble pas… Je suis perdu, Maître Hokage… J’ai peur. J’arrive à peine à marcher, je ne sais plus quoi faire… »
Il ferma les yeux. De nouvelles larmes, qu’il chassa d’un revers de la main. Il devait tenir. L’heure n’était pas aux pleurs. L’heure était au verdict de l’aveugle. Qui lui raconta une histoire, en réponse à la sienne. Qui faisait écho à sa haine. Qui donnait sens à sa quête de vengeance. Il ne s’agissait pas d’un discours du Hokage à l’un de ses ninjas, mais de quelque chose de plus personnels. Quelque chose qui résonna dans le cœur noircit du jeune Genin.
Ainsi, elle aussi avait vécu cette humiliation intérieure.
Elle aussi avait vécu la destruction imposée de son être, de sa vie par quelqu’un a qui elle faisait confiance. Elle parlait directement de sa blessure, elle arrivait à l’atteindre là ou personne n’était vraiment capable d’aller, puisque seul elle avait eu un vécu similaire. Le Genin buvait ses paroles, l’écoutait attentivement, la regardant droit dans les yeux, s’identifiant à son histoire, cherchant à mettre du sens sur sa propre expérience. Il se nourrissait du cheminement de Risako. Elle lui transmettait la sagesse de ses méditations, et lui, il ouvrait grands ses oreilles pour ancrer au plus profond de son être le moindre de ses enseignements.
Elle avait été naïve, faible, et imprudente. Il l’avait été. Il se reconnaissait en elle. Coup du sort, ou réelle intervention divine, Risako avait chassé d’un revers de main le Genin. Tel un apôtre du divin portant la bonne parole, elle était venue, et lui avait offert une nouvelle voie du ninja. Elle lui avait transmis un sens nouveau à son engagement de shinobi. Rien d’incompatible avec son caractère, ou avec sa vision du Ninjas, qui était pour lui un héros fort qui protégeait les faibles et qui rassurait le monde sous sa protection. Non. Elle y ajoutait simplement des règles.
Des règles claires, limpides, et qui donnait sens à son erreur.
Elle entama alors un discours sur les séquelles. Et sa démonstration impressionna le Genin. Même s’il n’en doutait point, là, il en était persuadé. Elle n’avait pas usurpé sa réputation. Même aveugle, l’Hokage voyait bien plus que lui. Elle avait, avec une dextérité impressionnante, plaqué son Kunaï sous la gorge du garçon. Une pression parfaitement contrôlée. Seitô déglutis. C’était ça, un grand Shinobi ? Un chef de clan ? Oui. C’était un héros. Devant ces yeux. Différent de son père, mais complémentaire. Retravailler sa faiblesse ? Renforcer ces forces tel un arbre ? La métaphore faisait sens pour le Genin. Il n’était encore qu’un petit arbrisseau, alors qu’il avait devant lui un énorme chêne robuste. Aujourd’hui, plus que jamais, il avait encore énormément à apprendre. Bien plus qu’il n’avait jamais eu à apprendre de toute sa vie.
Elle revenait ensuite à la fameuse leçon de Kimino. Et sur son regard. Elle ne lui en tenait pas rigueur. Elle lui pardonnait son erreur de jeunesse. Elle explicitait alors la fameuse leçon que Kimino avait soi-disant tenté de lui inculquer : les conséquences de nos actes sont parfois dévastatrices. Et encore une fois, elle avait raison. C’était le principe même de l’effet papillon.
Et l’hokage lui offrit un choix.
Le choix était simple : la route ardue, ou celle de la facilité. Il pouvait soit faire preuve de force, de courage et de sagesse, pour faire régner la paix. Respecter sa hiérarchie, même si elle lui assurait implicitement que les actes de Kimino, même Hokage, n’allait pas être sans conséquences. Ou alors, il pouvait choisir d’errer dans cette haine, qui semblait n’avoir aucune limite, jusqu’à qu’il se consume.
Seitô ne répondit pas tout de suite à ce choix. Il regardait l’Hokage, non pas avec un regard empli de haine ou de tristesse, mais un regard de réflexion intense. Il ne prenait pas cette décision à la légère. Car une fois qu’il avait choisi de renoncer à la vengeance pour s’améliorer, il ne pouvait faire machine arrière. Puis, il ferma les yeux, et inspira profondément.
Il repensa à son parcours. Aux dires de l’Hokage. Puis, il ouvrit de nouveau les yeux. Son regard avait changé. Il était clair, limpide, empli de cette nouvelle vérité. De sa nouvelle vérité.
Seitô avait autrefois des qualités précieuses : un sens aigüe de la justice, ainsi qu’une volonté aussi puissante que l’acier. Il l’avait perdue, et avait sombré dans le désespoir, mais l’histoire de la Kirishitan lui avait permis de retrouver son chemin. Dans ses yeux, il y avait une flamme : sa flamme de volonté, impitoyable et déterminée. Moins envahissant qu’auparavant, plus concentrée, plus précise, plus calme et plus intense. Il allait se nourrir de cette énergie. Lui aussi, avait sa propre métaphore d’épéiste.
« Mon épée s'est peut-être brisée, mais je vais la reforger. Elle sera plus grande, plus solide. Je vais corriger ses défauts, je vais l’aiguiser jusqu’à ce qu’elle puisse trancher n’importe quel obstacle. J’y passerais mes jours et mes nuits s’il le faut, mais je vais réussir. Et je prouverai à tous que moi aussi, je suis un vrai Ninja. Et je vais commencer maintenant. »
L’Uzumaki se concentra, et prit fortement appuie sur ses mains. Il regardait avec la rage de vaincre ses jambes, et rassembla ses forces nouvelles. « Bouge… Bouge… ! Bouge ! Écoute-moi, je t’ordonne de bouger ! » Se martelait intérieurement le flamboyant Genin. Et il se souleva. Seul. Difficilement. Il haletait, il tremblait, mais il allait réussir. Il devait réussir. Debout, il se tint droit devant la Hokage.
« Je ne suis peut-être qu’un petit arbrisseau, mais je vais devenir un grand chêne aussi puissant que vous. Je vais développer mes forces, et combler mes faiblesses… »
Puis, il s’inclina, avec toujours autant de difficultés.
« Merci, Maître Hokage… Je suis désolé. Je vous prouverai que vous pouvez être fier de moi. Je ne suis peut-être pas encore le meilleur des épéistes, surtout maintenant mais je le deviendrai. Je vous le jure. »
L’Uzumaki chancelait, mais tenait bon. Envers et contre-tout, il ne s’effondrerait pas. Il repartait à la conquête d’une nouvelle vie, et cela commençait par son corps meurtris.