Un début ?

La pendule accrochée au-dessus de la porte de sa chambre sonna le début de cette nouvelle journée mais Rurina avait déjà les yeux grands ouverts. Cela faisait déjà plusieurs heures qu’elle fixait, dans l’obscurité offerte par la nuit, le plafond. Elle n’avait pas réussi à dormir, trop tourmentée par ses pensées mais aussi ses rêves. Aujourd’hui était un grand jour. Sa nouvelle vie, celle qu’elle espérait depuis toute petite, commençait.

Sans trop tarder, elle sortit de son lit et laissant tomber ses draps sur le sol, se dirigea nue vers la salle de bain. Devant le miroir, elle s’attarda sur un examen de son corps. Il y a encore quelques mois, elle pouvait passer des heures à le contempler. Aujourd’hui, elle ne ressentait que dégoût : poitrine pas assez grosse, muscles trop développés, abdominaux saillants, elle était loin de l’image parfaite de la femme selon les critères du nouveau continent. Pourtant, pour les Kirishitan, cette puissance physique apparente était une qualité certes commune mais très appréciée. Le choc des cultures était difficile.

Une fois douchée, elle enfila sa tenue habituelle – un haut sans manche bleu et doré avec un short assorti – et se dirigea vers la cuisine. Sur la table à manger se trouvait encore la convocation qu’elle avait reçu hier. Celle-ci lui demandait de se rendre au petit matin au terrain d’entraînement pour rencontrer son nouveau senseï, une dénommée Mako Uzumaki. Rurina ne la connaissait pas mais d’après ses parents, la femme qu’on surnommait « la Dame de Fer » avait fait entendre parler d’elle ces dernières semaines à la suite de l’hospitalisation de son fils. Seitô, la genin le connaissait. Le tempérament flamboyant du garçon avait marqué son esprit lorsqu’ils partageaient tous les deux les bancs de l’Académie.

Elle jeta un dernier coup d’œil à l’horloge de la cuisine et se décida à partir. Elle aurait une heure d’avance sur le rendez-vous, mais rongée par le stress, elle ne pouvait plus rester chez elle. Dehors, le soleil levant inondait petit à petit les rues du quartier Kirishitan. La fraîcheur du matin hérissait les poils de ses bras nus.

Une fois arrivée sur le terrain, elle s’assit en tailleur. Sur ses genoux étaient posés Neptune, le trident que ses parents lui avaient offert après son diplôme. D’une certaine manière, le métal froid de l’arme lui réchauffait le cœur. Elle ferma les yeux et se concentra sur la nature qui l’entourait, inspirant et expirant méthodiquement. Un esprit sain est la meilleure arme d’un Kirishitan.

Au bout d’une heure, un bruit l’extirpa de sa méditation. Quelqu’un s’approchait. Sans se lever ou ouvrir les yeux, Rurina demanda simplement :

La liste d’élèves potentiels était grande, mais il n’y aurait que trois élus. Et la Quadragénaire comptait bien veiller que ses petits élèves soient du meilleur cru, car avec ces nombreuses activités pour le village et sa réputation les impacteraient forcément. Il fallait donc qu’ils aient les épaules suffisantes pour accueillir cette pression, et progresser sereinement avec elle.

Le test commençait immédiatement, à l’arrivée. L’horaire était une information importante. Trop tôt, et cela trahissaient une angoisse importante, trop tard, une négligence dommageable. Pourtant, sa potentielle future élève arrivée plus d’une demi-heure à l’avance semblait méditer sans une once d’angoisse sur son visage. Elle dénotait de la plupart des prétendants à devenir sa pupille, car elle dépassait ses attentes concernant les Genin.

Cachée, elle attendit patiemment, et arriva à l’heure prévue.



Peut-être qu’avec elle, l’entretien de base, classique, ne serait pas suffisant. Il lui fallait devoir innover, mais rien n’empêchait de mettre à l’épreuve son calme.



Le regard de la Dame de fer se durcit.



Elle fit une pause.


Elle leva un premier doigt.


Elle leva un second doigt.



Des questions classiques, mais qui en révélait beaucoup sur la personnalité de la jeune Kunoichi.

La jeune se releva, ouvrant les yeux. Elle fut d'abord frappée par la ressemblance de Mako avec son fils. Les chiens ne faisaient vraisemblablement pas des chats. Mais la femme qui lui faisait face avec quelque chose de plus que Seitô : il émanait d'elle un calme redouble qui se mariait parfaitement avec sa beauté froide. Rurina utilisa sa main libre pour prendre son pouls et elle sentit son cœur s'accélérer. Elle était intimidée par celle qui lui faisait maintenant face.

Rurina n'était pas du genre à se mettre en avant. Réservée, elle se contenta d'abord d'écouter la Dame de Fer expliquer les modalités du test. Ainsi, elle comprit que si celui-ci n'était pas concluant, la Uzumaki n'hésiterait pas à la renvoyer sur les bancs de l'Académie. Rurina se mordit la lèvre. Elle n'avait pas fait tout ces efforts pour voir sa carrière s'envoler avant même qu'elle ait commencé. Quel que soit ce test, elle allait le réussir. Elle fut d'ailleurs soulagée de savoir que celui-ci commençait par quelques questions, les mêmes qui étaient posées fréquemment à l'Académie.



Elle jeta un coup d’œil à son trident, l'arme de prédilection que ses parents lui avait offert à sa sortie de l'Académie. Elle s'était jurée qu'elle n'hésiterait pas à l'abreuver du sang de ses ennemis, quel que soit le prix à payer, si cela pouvait protéger sa famille.

Bien qu’elle fût Genin, la jeune femme faisait preuve d’une étonnante sagesse d’esprit. Depuis quand les jeunes tenaient-ils un discours aussi clairvoyant ? La Quadragénaire devait l’avouer, elle n’avait que rarement vu un tel profil. Calme, réfléchis, et presque philosophique, la fameuse Rurina Kirishitan semblait presque illuminée. La Dame chassa cette idée de son esprit, elle espérait ne pas avoir à faire à une fanatique.

La Dame de fer observait les réactions de la Genin. Elle était calme, mais son attitude angoissée n’échappa pas au regard expérimenté de son peut-être futur Sensei. Rurina semblait avoir bien évalué la situation, et la force de la Jônin présente devant elle, ce qui ne manqua pas d’arracher un petit sourire en coin à la Rouquine. Depuis la menace d’un retour à l’académie, la frustration c’était lu sur son visage. Elle prenait l'entretien au sérieux, à la hauteur des enjeux que la quadragénaire avait imposée sans céder à la panique. Un bon point. Très bon même.

Un désir de devenir Ninja noble et raisonnable. Bien loin des rêves des jeunes Genin de parcourir le monde, de devenir le meilleur dans un domaine, ou même d’atteindre les hautes sphères de la hiérarchie. Malgré elle, la Dame de Fer ne put s’empêcher de voir son sourire croître. Cette réponse lui plaisait. Protéger les siens était un but noble, c’était elle-même ce qui l’avait menée à devenir Shinobi. Ça, et la nécessité de défendre les siens car elle disposait du chakra. Mais cet objectif était sain, et faisait, d’après elle, les meilleurs dirigeants. Car il ne voyait pas le pouvoir comme une fin en soi, mais comme un moyen d’atteindre l’objectif final : la protection du plus grand nombre.

La seconde réponse satisfaisait d’autant plus la zélée. Difficile de croire, mais il y avait encore des Ninjas ayant compris le véritable sens d’être Ninja. Des Shinobi ayant compris l’ampleur de la tâche qui leur incombait.



La dame de Fer perdit son sourire, avant de fixer froidement la Genin.



C’était faux. La vérité aurait été de lui dire que c’était ce qu’elle attendait pour un Genin. Mais il fallait qu’elle mette à l’épreuve la jeune Shinobi, voir ce qu’elle avait dans le ventre. Ce qu’elle cachait au fond de ses tripes. La poussée dans ses retranchements mentaux.



« Makovitch » fixa la Kirishitan, la jaugeant du regard. Elle avait le problème parfait pour elle. Un cruel dilemme.



La réponse en dirait long sur la Genin. Et la Dame de Fer avait hâte d’entendre sa réponse.

La femme semblait réagir positivement aux paroles de celle qui allait peut-être devenir son élève. Rurina sentit ses muscles se relâcher, la pression partir. Bien que le regard de la Uzumaki fût dur et censeur, son sourire était chaleureux, voir maternel. Elle semblait impressionnée par la réflexion de la Kirishitan mais cette dernière ne comprit pas pourquoi. Cette façon de penser, elle était commune aux membres de son clan. Elle l’avait elle-même hérité de ses parents. Peut-être les gens du continent pensaient différemment ? Elle secoua la tête, chassant cette idée de son esprit. L’entretien n’était pas terminé, elle devait rester concentrée !

Le sourire de Mako disparut laissant place à une mine fermée. Elle lui posa un problème et semblait prête à analyser la moindre de ses paroles. Les doigts de la jeune fille se crispèrent sur son trident. Elle n’avait pas le droit à l’erreur.



Ne venait-elle pas de dire qu'elle souhaitait devenir ninja pour protéger les siens ? Voir sa famille périr sans pouvoir agir était la pire des tortures. Le mal étant pourtant parfois nécessaire.



Rurina ignorait si c'était la bonne réponse. En tout cas, c'est celle à laquelle elle croyait.

Ainsi, elle avait donné sa réponse. Sans rien dire, et sans rien laisser paraître qu’un visage sévère, la quadragénaire endurcie écouter la réponse de ce qui semblait être une future zélée de la république, comme elle. Sacrifier sa famille pour le bien commun était un acte difficile, et même si l’on se projetais souvent à le commettre, en face de l’événement, les réactions pouvaient, et étaient, généralement bien différente. Et elle ne le savait que trop bien. Au final, personne ne pouvait vraiment savoir comment il réagirait face à une telle situation.



La Kirishitan, elle, avait choisi le bien commun. La république, au dépens de ses parents. Un acte aussi noble que cruel. La Dame de fer ferma les yeux, réfléchissant un instant. Elle aussi, avait du un jour choisir entre son mari et la république. Et elle avait choisi la république. Aujourd’hui encore, la zélée avait placé le bien commun au-devant même de la guérison de son fils. Elle avait réagi à la crise, elle avait repris les armes au lieu de rester à son chevet. Son fils n’avait pas de colère vis-à-vis de ce choix. Il la comprenait.



La femme faisait silence. Il s’agissait de la première leçon : un ninja est responsable. Il ne fait pas que suivre bêtement des ordres.



La Dame de fer fixait avec son regard d’acier la jeune Kirishitan. Elle dégageait naturellement cette autorité des femmes forte, ayant fait leur place dans un monde brutal.



D’un mouvement agile, la Quadragénaire fit un bond en arrière, tout en effectuant des Mûdras. Puis, elle cracha un épais nuage de cendre. Puis, elle usa de ses dons sensoriels pour se camoufler, et détecter précisément où était la Kirishitan, avant de parler derrière dans ce nuage noir et chaud.



Immédiatement, elle lança des Shuriken dans la brume. Elle se déplaçait silencieusement, invisible, et curieuse de voir comment la Kirishitan se sortirait de ce traquenard.

Le combat ne dura pas longtemps. La Dame de fer testait les capacités de la jeune Kirishitan, les mettant durement à l’épreuve. Les tactiques de Guérilla de la rouquine avaient prouvé mainte fois leur efficacité. Ce nuage de cendre, ses dons de senseurs… Seul un autre senseur adoptant son style pourrait la mettre à mal. Et encore, elle se réinventerait pour trouver comment riposter. Mais là n’était pas la question, elle savait qu’elle n’avait à faire qu’à une Genin, et elle n’avait pas l’intention de blessé mortellement.

Après un échange intense, la Dame de Fer mit fin à l’entraînement. Elle avait eu l’information qu’elle voulait, mais à son grand regret, ce ne serait pas elle. Certes, sur le plan personnel, elle pouvait lui enseigner et renforcer son zèle. Mais le style de combat de la Kirishitan était bien trop éloigné du sien pour quelle puisse lui enseigner efficacement.

Alors elle la redirigea vers un autre Sensei. Et la Dame de Fer repris son service habituel.