La négociation commençait. Enfin, c’était ce qu’il pensait. Les choses prenaient une tournure intéressante, peut-être même un peu trop facile pour lui. Eradiquer la drogue de Kumo ? Une ambition démesurée, et surtout, potentiellement dangereuse. Supprimer une des soupapes qui empêchait cette ville de voir son taux de criminalité monté en flèche n’était pas la meilleure des idées. Même si, dans le fond, l’idée était d’enrayer le phénomène et de le garder sous un contrôle strict.
La suite touchait un domaine plus personnel. Son réseau d’information ? Effectivement, le Bellâtre était de ceux qui avait fait de la connaissance et de sa verve une arme de pouvoir redoutable. Il souhaitait enquêter, mais la véritable question était « sur quoi ? ». Question qui resta, hélas pour l’oiseau azuré, sans réponse.
Tout s’enchaîna très vite. Un… Don d’un nombre important de bar et des responsabilités de son titre de « baron de la drogue », et la possibilité d’imposer ses conditions ? Cette offre était alléchante. Bien trop alléchante et presque, imprudente, pour paraître vraie. Mais le visage de l’éphèbe n’affichait que son sourire agréable. Aucune once de surprise ou d’attrait. Comme si tout cela s’inscrivait dans la normalité.
Ce qui fit réagir l’éphèbe, et qui déplaça son regard fut l’annonce du Hattori. Partir avec lui ? Mais que représentait cet homme pour qu’il daigne commettre un tel sacrifice ? Le feu ardent de la fougue combattive semblait enflammer les esprits. Alors d’une voix douce, mais ferme, le Bellâtre annonça.
« Allons, allons… Agir sans réfléchir ne fera qu’empirer une situation déjà critique… »
Il afficha un sourire, et fixa brièvement son amant.
« Personne n’ira nulle part, et personne ne tuera personne sans un taux de réussite satisfaisant. »
Silence. Eloquent et nécessaire. Tel une pluie éteignant les flammes, pour ne laisser que des braises ardentes. Le juste nécessaire.
« Nous partageons tous ici le même objectif. Mais vos méthodes manquent de clairvoyance, de préméditation, ce qui mènera à des erreurs qui pourront avoir un coût difficilement supportable. Mais procédons par étape. »
Il fixa le baron de l’alcool.
« La drogue, au même titre que l’alcool, la prostitution, ou les jeux, sont des éléments clefs du maintien de la société. L’ordre ne peut exister sans le chaos. L’Ombre sans la lumière. Le progrès engendre du stress. Le stress met l’Humain en tension, et nos plaisirs permettent d’évacuer ses tensions. Sans ces soupapes, la psyché de l’Humain se briserait, et la société s’effondrerai sur elle-même. Par une révolution, par des suicides… L’inverse est également vrai. Un surplus de chaos, de plaisirs incontrôlables mène aux vices, et peut mener à l’autodestruction de la société. L’important n’est donc pas d’éradiquer les objets de plaisirs… Mais de restaurer l’équilibre entre le chaos et l’ordre. L’équilibre entre une société de progrès, et une société de plaisir. »
Un bref mouvement de la main déploya son éventail, libérant une légère brise agréable sur son visage.
« J’ai bien compris votre besoin de vous séparer des tâches administratives trop omnipotentes pour poursuivre un but qui vous ai plus cher et plus personnel. Toutefois, votre proposition vous donne un statut flou, peu attractif et clair pour nos futurs collaborateurs. Si jamais nous devons travailler ensemble, il faut que chacun de nos rôles soit clair et déterminé, afin de faciliter cette période de transition. Sinon, cela engendrera plus de chaos, et la situation risque de s’empirer. »
Un sourire assuré s’afficha clairement.
« Je suis entièrement en accord avec vous concernant la sécurité des établissements. Nori serait parfait à mes côtés. Mais son souhait semble être de vous accompagner, et qui suis-je pour y mettre mon véto ? »
Ton regard se tourna vers Nori, avant de bifurquer de nouveau sur le Hattori. Un sourire se dessina sur le Bellâtre.
« Je dispose du jeu et de la prostitution. Les derniers établissements concernant ces domaines ne seront bientôt que de l’histoire ancienne. Vous avez de nombreux bars, et vous êtes presque officiellement le Baron de l’Alcool de Kumo. Céder moi la gestion administratives de vos bars, délaissez-vous des chaînes que sont vos actes de propriétés. Simulons un rachat collaboratif symbolique. De facto, plus rien ne vous retiendra à Kumo et dans votre enquête. Créons ce monopole. »
Une proposition répondant à ce besoin d’indépendance.
« Une fois ces formalités de « propriété de droit » effectuées… Certes, vous ne serez plus « officieusement » le baron de l’Alcool. Mais qui se contenterai d’un titre officieux ? Mhh… Personne. Et encore moins un Hattori. »
Il fit un sourire… Presque Carnassier.
« Laissez-moi vous embaucher, et faire de vous l’officiel « Baron de l’Alcool », gérant le monopole légal et officiel de cette marchandise dans l’Empire. Je vous laisserai bien évidemment mainmise sur un des bars de votre choix, qui vous permettra d’y établir votre bureau. Ainsi, nous bénéficierions mutuellement de nos noms respectifs, et votre titre sera tout ce qu’il y aura de plus officiel. S’attaquer à l’un veut dire provoquer l’autre, et je disposerai de votre atout… Et vous n’auriez plus de chaîne vous retenant. Votre rôle auprès de ce Monopole des Plaisirs sera identifié, clair, vous seriez vu comme une véritable clef de voûte, un indispensable, un acteur incontournable dans ce domaine. De plus, votre activité se développera au fur et à mesure des ouvertures de ce mastodonte. Et vous aurez accès aux informations de mes établissements… Facilitant votre enquête, et votre indépendance. Quant à la gestion de l’approvisionnement, imaginez bien que cela est compris dans le titre officiel. »
« C’est une proposition honnête, et à l’avantage de tous. Si vous êtes d’accord, nous pourrions peut-être discuter de l’objet de votre enquête ? »
Le Miwaku plongea ses lèvres dans le doux nectar… Il avait répondu et proposé sa contre-offre. Alléchante, et respectant les désirs du Baron… Et également du Bellâtre.