Cela faisait des jours que je marchais. Le paysage enneigé avait laissé place à des plaines vertes d'herbes et de forêts. Il me fallait découvrir un village pour me nourrir, mais aussi changer ces frusques déchirées et affreusement sale. Le moindre passant aurait pu voir une souillon et non une dame de mon rang. Pour le moment, je me trimballais emmitouflée dans une grande étoffe qui servait de toile de tente. C'était le seul tissu que j'avais trouvé pour me couvrir. Non pas que le soleil me dérangeait, cela faisait longtemps qu'il ne me faisait plus rien, mais pour ne pas que l'on me voit à moitié nue.
Au loin, une civilisation se dressait. Pour un village, c'était exceptionnellement grand. Je savais plus ou moins où je me trouvais, mais je n'avais pas souvenir qu'une bourgade se trouvait dans ces environs. En deux cents ans, les choses avaient changé. L'avantage, en revanche, c'était que plus grand était les hameaux, plus grand était le nombre d'habitants et donc de repas. À son approche, je pouvais voir vraiment une évolution technologique par rapport à mon temps. J'étais vraiment dépassée par tout cela.
Les rues étaient peuplé, les magasins proposaient de nombreux articles et la vie était bien présente. Dans mon accoutrement, je passais pour une mendiante, me faisant souvent virer et pousser comme une malpropre. Cela avait le don de faire monter ma rage, mais je devais me contenir. Un groupe de gamine me montrait en riant aux éclats.
*Calme-toi Emi. Ce n'est pas l'endroit pour un esclandre. Si je tue ici, c'est toute la garde qui va rappliquer et je suis trop faible pour ça. Tu le sais, Emi. Reste calme...*
J'allais dans une ruelle et j'attendais une proie qui passerait à proximité. Peu importe, c'était juste pour reprendre des forces, je me foutais de qui il s'agissait. Dans la pénombre, la faible lueur me donnait un air fantomatique. Une femme d'une quarantaine d'années de vie humaine passait proche de mon emplacement et rapidement, je me saisis d'elle. La main sur la bouche, l'autre lui tordant le bras afin qu'elle ne puisse plus bouger, elle était à ma merci. Sans même patienter, mes crocs s'empressèrent de se planter dans son cou, m'abreuvant de sa substance écarlate. Je me sentais revivre. Ces vêtements étaient en revanche affreux. Elle n'avait aucun goût pour s'habiller, j'avais débarrassé le monde d'une impie de la mode.
Je savais déjà qui allait être les prochaines victimes. De nouveaux dans la rue, mon tissu abîmé m'enlaçant, je me dirigeais vers le groupe de fille qui s'était ri de ma personne.
-Qu'est que tu veux, espèce de misérable ? Tu n'as rien ? Dégage, on s'en tape de toi sale mendiante. On est l'élite de cette ville, pas comme toi qui n'a même pas de vrai vêtements.
L'élite... Ces pestes allaient vite redescendre de leur scabellon. Ce n'était que des saloperies qui avait eu la faveur d'être de bonne famille et la joie de profiter de la richesse des parents.
« Ah oui ? L'élite dites-vous ? Mais qu'avez-vous accomplie pour ce titre ? À part dépenser l'argent de papa. À part péter plus haut que votre cul ? Vous n'êtes même jamais sortie de cette ville ? Vous ne connaissez absolument rien. Des pimbêches, voilà ce que vous êtes. Des pestes qui n'ont que la joie d'avoir une grande gueule. »
Je savais que ce genre de mot allait les faire dérayer. Les gens comme elles n'aimaient pas se faire rabaisser de manière générale, mais encore moins par une personne qui était « mendiante » à leurs yeux.
- SALOPE ! ON VA TE RÉGLER TON COMPTE ! TU VAS VOIR CE QUE C'EST L'ÉLITE !
Les deux autres m'empoignèrent pour m’emmener dans la rue perpendiculaire et commencer à me rouer de coup. Je les entendais rire et m'insulter de tous les noms possibles. J'étais à terre et leurs coups n'avait de cesse que de faire monter ma haine de cette espèce mortelle. Comme si cela allait vraiment m'être douloureux. Après deux-trois minutes à me faire frapper, elles s'arrêtèrent, riant à gorge déployée, fière de leur exploit.
« C'est tout ? C'est ça, l'élite ? Je rigole. Vous êtes née un siècle trop tard. AH AH ! Une brochette de pétasse, ça vous tente ? À mon tour de jouer ! »
Je me saisis d'un bambou qui traînait non loin. D'un rapide geste, j'embrochais la plus proche. Ses tripes se déversant partiellement en dehors de son corps. Les deux autres quant à elle, ne bougeaient plus. L’effroi devait les paralyser. L'une avait un accoutrement qui me siérait a merveille.
« Toi ! Donne-moi ton affublement. Vite. La patience n'est pas une de mes vertus envers des gens de votre médiocrité. Grouille-toi, la souillon. »
Tandis que l'une se défroquait, l'autre me regardait hagard.
- Qui êtes-vous ? Vous semblez d'une autre époque. Je suis désolée, ayez pitié, s'il vous plaît. Je ferais ce que vous voulez. N'importe quoi. On savait pas. Je serai votre esclave si vous le voulez. Je veux pas mourir, s'il vous plaît, je vous en prie.
Elle m'énervait. Je m'approchais lentement et proche de son visage, je lui souris. C'est d'une voie calme, stoïque et presque comme un souffle glacial.
« Je viens d'un temps que tu ignores. Je ne suis que l'Ombre parmi les ombres. Et toi, qui me manques de respect... Crois-tu que je devrais t'épargner ? Non, et tu le sais. Je veux que tu te suicides immédiatement. Ton choix est le suicide ou bien mourir avec des douleurs qui t'accompagneront même dans l'au-delà. »
Je n'avais pas la patience, ma main se saisit de son cou pour lui arracher la trachée. Elle s’effondrait au sol, suffocant et se vidant de son sang. La dernière était nue. Ces habits étaient trop court pour moi. Décidément... Je fouillais et trouvais deux bourses bien remplies.
*De quoi faire des achats à mon goût. *
La dernière ne parlait même plus. Je n'avais plus qu'à l'achever. Ce n'était pas très reluisant que d'abattre une proie paralysée par la peur, mais je ne pouvais me permettre de laisser un témoin. Le poignet dans mes mains, ma bouche se planta dedans buvant de tout mon saoul. Elle s'effondrait au sol peu à peu, au fur et à mesure que je la vidais. C'était peut-être des pestes, mais néanmoins, elles avaient un bon goût.
Je sortais dans la rue comme si de rien n'était et à la première boutique de vêtement, je m'y rendais. Après pas mal d'essayage, j'avais choisi une tenue qui me correspondait. Un long manteau noir avec une doublure bleu nuit, un corset noir et un bixi qui avait des motifs argentés. Le bixi était une sorte de sous jupe longue et échancré à chaque jambe pour la mobilité de mouvements. Le tout donnait une prestance à cette tenue. Pour agrémenter le tout, quelques colliers et des mitaines très légère et une paire de cuissardes à talon renforcé. Il ne fallait qu'ils cassent pendant un combat.
Ne manquait plus qu'à prendre un bon bain. De nouveaux habits exigeaient d'être propre et puis j'en avais marre de me sentir sale. Avec l'argent de ces bourges mortes, je me prenais une chambre dans un petit hôtel pour avoir un bain digne de ce nom. La rivière n'était qu'une méthode temporaire et surtout qui ne me plaisait pas. Une fois habillée, je jetais la toile qui m'avait bien servi comme pour dire au revoir à cette période sombre de mon vécu. J'avais retrouvé de ma superbe, ma prestance grâce à ces achats était décuplé, si bien que même il y a deux cent cinquante-deux ans, jamais je n'aurais pu avoir cet éclat.
J'étais prête à parcourir le temps et les routes de ce monde.
HRP :
Définition de compréhension :
Affublement : Accoutrement
Scabellon : Piédestal