Le froid le gagnait petit à petit. Bien qu'il n'y avait eu que très peu de temps entre le moment où il a frappé, et le moment où la porte s'est ouverte, ce laps de temps lui avait semblé être une éternité. Les secondes s'écoulaient si lentement, que Kano pensait qu'on ne lui ouvrirait pas. Après tout, en plein milieu de la nuit, pourquoi viendrait-on lui ouvrir ? Pourquoi on lui accorderait de l'importance, alors que son propre père aimerait le voir mort ? Cette pensée lui avait complètement empoisonné l'esprit, lui qui d'ordinaire rejetait complètement les paroles de son père. Il avait essayé de lui ouvrir son coeur, pour le ramener sur le droit chemin, mais il en avait profité pour le heurter au plus profond de son âme.
Après ce quelque laps de temps, la porte s'ouvrit laissant apparaître Mako. Le garçon n'osait pas croiser son regard, préférant cacher du mieux qu'il le pouvait sa détresse et ses larmes, mais c'était peine perdue au vu de l'état lamentable dans lequel il était.
Sa gorge se nouait, il était incapable de terminer sa phrase. À la place, il sentait une main chaude, réconfortante dans son dos. Le garçon se laissait étreindre, le genre d'étreinte qu'il ne pensait plus recevoir un jour, entre sa mère partie, et son père qui... voilà. Il n'avait rien à redire de plus à ce sujet. La présence de Mako était réconfortante, et la chaleur du foyer également. Il osait enfin croiser son regard, bien qu'il était encore misérable.
« Je suis désolé... Je suis trempé, plein de boue, et je vous ai réveillé... »
Elle n'avait pas l'air d'être gênée pour autant. C'est dans ces moments là qu'il réalisait à quel point sa propre mère lui manquait terriblement. Malgré sa présence auprès de lui, elle était dans l'incapacité de lui fournir un quelconque contact physique, en dehors de ses rêves. Pour autant, Mako le faisait pour elle, cette nuit-là. Kano ne saurait dire combien de temps il est resté dans ses bras, le temps ne s'écoulait plus vraiment normalement pour lui depuis qu'il a été jeté dans la boue par son propre père... Tout était différent, si bien qu'il avait pensé un moment que ce n'était qu'un cauchemar. Mais c'était bel et bien la réalité.
Son souffle recommençait petit à petit par reprendre un rythme plus régulier, et calme. Le froid avait cessé de l'assaillir, il était simplement encore trempé.
Suite à quoi, elle lui demandait d'aller prendre une douche, avant de lui expliquer. Elle allait en attendant lui trouver des vêtements secs, et lui préparer un repas et un chocolat chaud. Sans un mot de plus, il hochait la tête et se rendit donc dans la salle de bain, veillant à faire le moins de bruit que possible. Si Seitô n'était pas là, peut-être que son frère dormait quant à lui, alors il essayait de ne pas le réveiller. Une fois dans la salle de bain, il levait ses vêtements trempés et sales, afin de prendre sa douche. Il y restait un moment, ressentant un besoin de rester au calme, et au chaud sous l'eau chaude, après les quelques heures à être resté sous la pluie battante et glaciale. Ses pensées se bousculaient dans sa tête, cherchant à comprendre comment il en était arrivé là. Tout s'était passé si vite. De la joie, il était passé à un état aussi lamentable... il y a quelques heures il sauvait Seitô, et avait finalement pris confiance en lui, et après il s'était retrouvé à la rue, à se demander s'il n'aurait pas du mourir cinq ans plus tôt. La désillusion était totale...
Après ce moment de réflexion, il éteignit l'eau, et sortit de la douche. Comme promis, elle lui avait apporté des vêtements secs, ainsi que des serviettes et des chaussons. Ses vêtements, il les reconnaissait... cela appartenait à Seitô. C'était étrange dans un sens d'enfiler ses propres vêtements, mais maintenant qu'il y pensait, il lui devait bien une tenue, vu qu'il lui avait déjà confié des anciens vêtements à lui il y a quelques temps maintenant.
Lorsqu'il se séchait, il regardait un peu plus en détail son bras qui lui faisait souffrir. En effet, il n'avait pas l'air d'être cassé, simplement un sale hématome du à la première chute principalement, la deuxième ayant été amortie par la boue. Le médecin aurait pu s'occuper de cette blessure, mais se sentait trop épuisé pour actuellement le faire. Et puis, ça pourrait lui servir de leçon. Il finissait donc de se sécher, et se vêtit des vêtements de son ami. Une agréable odeur réconfortante l'envahissait. S'il avait été là, il l'aurait soutenu également... D'un côté il avait besoin de lui, d'un autre il ne pouvait pas l'impliquer dans ce conflit familial, le connaissant. Mais pouvait-il en parler à Mako pour autant ? Difficile à dire.
Redescendant, il rejoignait Mako qui l'attendait avec un bol de nouilles. Il ne savait pas trop comment réagir avec le compliment qu'elle lui laissait. Très beau comme ça ? C'est-à-dire... avec les vêtements de Seitô ? C'était touchant, mais en même temps un peu déstabilisant. Surtout dans son état émotionnel actuel. Néanmoins, la question fatidique tombait. Lui expliquer ce qu'il s'était passé ? Kano baissa légèrement les yeux, tripotant ses doigts entre eux. Est-ce qu'il devait lui parler ? Est-ce qu'il le voulait ? Est-ce qu'il se sentait capable ? Difficile à dire...
Peur de lui en parler. Peur de ce que pouvait lui faire son père, s'il apprenait qu'il en avait parler. Il l'avait mis à la porte, et souhaité sa mort, mais il pouvait aller encore plus loin. C'était sans doute mieux que ça s'arrête là, non ?
« Si je parle... J'ai peur... des représailles... »
Il restait un moment silencieux, paralysé par cette peur. À chaque fois qu'il essayait d'ouvrir la bouche, il voyait le visage de son père, mécontent. Jamais il ne l'avait autant atteint. Il n'aurait pas du s'ouvrir à lui, et aurait du l'ignorer, comme d'habitude. Il trouva néanmoins la force de ne sortir qu'une simple question, sans aucune accusation... cette question à laquelle il devait trouver une réponse.
« Mako-san... Vous pensez que... que ma mère serait fière de moi, aujourd'hui ? »
Cette simple question lui avait coûté beaucoup de courage, alors qu'il n'avait même pas encore parler de son père. Ce serait difficile de complètement lui délier la langue, actuellement... Cette question devait cependant trouver une réponse. Etait-il fou en s'imaginant sa mère à ses côtés, ou l'était-elle véritablement, et fière de lui ? Peut-être qu'il avait raison, et de là où elle était, et elle méprisait les actions et décisions de son fils.