Mon début de frustration s'envola alors qu'il riait. Un débile. J'avais en face de moi un débile fanatique incapable de raisonner en dehors de sa prêtresse et de son petit culte éphémère. Il refusait le débat, niant en bloc tous mes arguments et il avait gardé son sang-froid face à mon semblant d'agressivité, bien que j’ai dénoté qu’il me surnommait déjà le sanglant pour une simple poussée de chaise. Il pourra dire ce qu'il voudra, mais je pense qu’il a quand même eu des sueurs froides au moment où son siège a basculé.
Les bras m’en tombaient, les sourcils levés, un regard dépité comme lorsqu'on obtenait un prix de consolation à une fête de village. Il y a allait avoir du boulot avec celui-là, il mettait l’autre folle sur un piédestal, complètement aveuglé par une foi abrutissante. Elle avait des capacités hors norme, certes, mais nombre de personnes dans ce monde pouvait rivaliser sur ce terrain avec elle.
Je le pointais mollement du doigt, lâchant un soupir d’exaspération.
« Toi… Tu es un abruti pas vrai ? Si on t’enlève ta prêtresse, t’a pas grand-chose d’autre à proposer… Est ce que tu connais les enseignements de notre clan au moins ? Puis sincèrement… Un risque ? De te laisser partir ? »
J’étais sidéré qu’il essaye encore de négocier ses services à ce stade là. Il voulait vraiment tout faire pour la retrouver…
Néanmoins, il avait raison sur un point. Je devais faire quelque chose de lui à présent. Son avis sur la prêtresse peut encore être sujet à débat, mais le fait qu’il ne soit en rien proche de l’esprit Kitto, ni de Konoha, pose un problème. Il en est tellement obnubilé qu’il refuse toute autre autorité, aussi bien celle instauré dans le clan, que celle dans le village. Qui me dit qu’il pourra exécuter des ordres à un moment critique ? Ou rester à son poste au lieu de fuir pour faire ses recherches ? Il était décidément trop chaotique pour l’instant.
« CEPENDANT ! Je me dois, en tant que supérieur hiérarchique au sein du village, d'apposer une sanction pour ton comportement. Non pas que ton opinion sur ta prêtresse soit sujet à débat, mais le fait que tu renie toute autorité sous couvert que tu ne l’a trouve pas légitime peut poser problème pour le village. »
Je me redressai, me frottant la barbe de ma main, cherchant rapidement quoi faire de lui. Un simple blâme serait trop léger, et une mise à pied inutile vu son état. Mais l’envoyer aux geôles serait de trop. Il me fallait aussi une punition pédagogue, capable d’agir sur le long terme. Alors que je me creusais la tête, une idée surgissait ! Je n’avais qu’à faire le confronter à la réalité des choses, tout en le limitant dans ses actions.
« Je sais ! Tout d’abord… GARDES ! »
Deux shinobis ouvraient brutalement la porte, mains posées sur les manches de leurs armes. Le brouhaha constant des festivités s’était atténué, laissant place à quelques murmures légèrement perceptibles depuis notre pièce. Je faisais signe aux gardes de calmer leurs ardeurs, que la situation était sous contrôle.
« Désolé, mais il me fallait bien des témoins pour prononcer la sentence, sans quoi elle n’aurait rien valu. Ducoup… Tu vas devoir aider les shintoïstes pour l’entretien du cimetière, du mémorial ET accueillir les familles venues porter leurs offrandes. Tu écouteras aussi leurs histoires pour les aider à faire le deuil. Et cela deux heures par jour, pendant trois mois, en dehors des jours de mission. Tu seras superviser par un ancien du clan. »
Cela devrait lui inculquer les valeurs Kitto et celle de la vie dans sa globalité. Je ressentais un léger amusement concernant la deuxième partie. Lui qui voulait se la jouer grand prince… Ça va lui faire tout drôle.
« En parlant des missions, tu seras temporairement rétrogradé au grade de genin pendant ses trois mois, au bout duquel un rapport de ton chef d’équipe jugera si tu es capable de conserver ton grade, honorifique ou non. Tout ceci commencera bien sûr dès que tu seras de nouveau dans un état physique acceptable. Mais attention, si tu lésine à te remettre en forme, la punition sera prolongée. Et estime toi heureux, car chez les autres clans, cela aurait été beaucoup plus sévère. Je te rappel que ce n'est pas contre ton opinion contre la prêtresse, mais ton irrespect envers la voie Kitto et l'autorité de Konoha. »
Il fallait savoir s' il était capable d’accepter l’autorité, maintenant qu’il n’en possédait plus. Je trouvais la punition exemplaire sans être dans l’excès. Peut-être pourrait-il relativiser et se remettre en question sur ses motivations et sur ce qui compte vraiment aujourd’hui.
« Maintenant que cela a été dit… Je pense que je vais retourner voir notre famille. Je n’ai pas envie de jeter un froid alors que c’est une soirée de festivité, pas vrai ? »
Je m’adressai aux gardes.
« Vous pouvez le faire sortir d’ici. Raccompagnez le jusqu’à sa destination, mais soyez agréable avec lui... La voie du Kitto est de pardonner après tout. »
Je le croisais, le regardant brièvement avant de retourner vers nos invités qui s'étaient arrêtés de festoyer depuis peu. Je les regardais avec un grand sourire, prenant un verre de saké.
« Seiya ! J’ai appris que tu allais être papa bientôt ! Faut lever un verre à ça ! Franchement, j’aurais jamais cru qu’après six ans, t’allais enfin réussir à te confesser ! Surtout que la petite ne pouvait pas... »
J’oubliais Uzume pour la soirée, levant un verre pour relancer les festivités. Ce soir n’était pas un soir à problème. Puis… Je trouvais que je m’en étais assez bien sorti en tant que chef, pour mon premier cas.