Sa remarque concernant le drogue me perturbe. Je dirais même bien plus, elle m'énerve. Je ne sais pas si c'est mon état du jour qui me rend ainsi et me force à mal interpréter ces propos, mais je me sens agressé. Comme si cette petite pique m'était directement adressée. Au vu de ma prestation scénique du jour, je pense pourtant avoir bien réussi à camoufler mon secret concernant ma petite amie que se trouve dans ma poche.
Il accepte enfin de m'accorder une cigarette et pose son paquet sur la table. Je m'en saisi avec calme et sérénité, pourtant au fond de mon esprit je bouillonne. Je suis clairement dépendant à la nicotine mais j'essaye de lui cacher. Contrôlant chaque geste que j'effectue, je me donne un air calme et serein. Là est toute la difficulté de ma matinée.
Comme je l'avais deviné, il est bien trop jeune pour s'adonner en toute légalité aux plaisirs de la boisson. En dépit de toute loi et de toute morale, je serais donc son tuteur aujourd'hui. Qu'importe les problèmes que ca pourrait lui causer plus tard, c'est bien là le cadet de mes soucis. A lui d'assumer les conséquences de ces actes. Si il se joue des limites que ses pairs lui imposent, il devra en subir les conséquences. Comme nous l'avons tous fait à son âge.
Son choix s'est porté sur un bocal d'alcool à l'anguille fermentée. Une fois de plus je sens en moi les troubles intestinaux tentant de remonter ma trachée pour s'échapper par ma gorge. De toutes façons en voyant l'ensemble de l'offre de spiritueux à notre disposition, il n'y a pas de bons ou de mauvais choix.
« Mets-en un deuxième pour le jeune. Aujourd'hui il veut jouer au grand ! C'est moi qui régale l'ami ! »
Nous allons voir jusqu'à quel point tu es joueur mon petit. Si tu n'as jamais bu d'alcool, celui ci va te faire découvrir les sévices d'un monde que tu n'aurais jamais voulu connaitre. Ma clope dans la bouche, un léger sourire s'inscrit sur la commissure de mes lèvres. Je fais signe au tenancier que j'ai choisi également. Pour moi ce sera des fruits macérés dans un espèce de liquide jaunâtre. A défaut de boire de l'alcool, j'aurai au moins les bienfaits des fruits. Enfin j'espère...
« Merci pour la cigarette en tout cas ! »
En m'accoudant au comptoir à sa hauteur, s'enchaine alors les discussions de bistrot habituelles. Celle pour lesquelles j'ai passé mes quinze dernières années à vivre reclus pour les éviter. Pourtant aujourd'hui je ne pourrais pas m'échapper à cette banale réalité, qui m'angoisse terriblement tant elle n'a aucun sens. Mais les gens sont comme ça... Ils ont besoin entre eux, d'épancher leurs vies autours de banales anecdotes pour se sentir vivants et aimés dans un monde qui n'en a que faire de leurs existences. Mais soit, les conventions sociales m'y incombent, alors je m'y oblige.
« A vrai dire, je suis un peu à part chez les Uzumaki. Cela fait bien des années que je me suis pas mal écarté de mon clan et de sa voie. Je suis une sorte d'électron libre. Un peu difficile à expliquer. »
Nos verres sont là. J'en ai un il en a deux. Les vapeurs d'alcool m'agressent instantanément les narines, pénètrent mon corps et semblent ravager ce qui restait de sain dans ce tas de chair ambulant que je suis aujourd'hui. Même le pire des poivrots ne saurait rougir face à de telles humeurs émanant de nos verres. Tout en gardant la cigarette à la bouche, j'inspire et expire rapidement, comme pour me donner du courage avant d'inhaler mon breuvage.
« Toi ca va ? tu t'es bien remis de la mission ? Tu sembles pas trop fatigué... »
Ma question est banale mais de circonstances. Je connais très mal cet homme mais je ne souhaite pourtant en savoir plus sur sa personne. J'entame donc une série de questions sans intérêt pour clôturer cette conversation, mettre fin à notre entrevue impromptue et rentrer chez moi en moins de temps qu'il n'en faut pour dire salut. Je lève mon verre en le regardant pour trinquer et le porte à ma bouche.