Destin funeste

Je pensais ne jamais revivre cette situation. Une nouvelle fois, j'étais assis là, dans cette chambre d'Hôpital à ruminer et à pester contre la vie. Nous étions habitués à ce type de situation et pourtant, nous pensions que notre souffrance était loin derrière nous. Cela fait deux ans que mon frère n'est plus sujet à des visites répétées à l'hôpital. Aujourd'hui, ça n'est plus une simple visite de courtoisie. Plusieurs mois sont passés depuis nos péripéties. Kuro n'était pas le plus expérimenté des Genins, mais son courage égalé son intelligence. Cette intelligence qui l'avait perdu. Dorénavant dans un coma profond, une partie de moi était manquante. J'ai délaissé ma vie de shinobi pour m'occuper de lui abandonnant mes entraînements. Nous étions si prometteurs... tu l'étais tellement.

Le visage enfoui dans mes bras, j'étais incapable de retenir mes larmes, ma colère et mon désespoir. Pourquoi le sort s'acharne-t-il à ce point ? Pourquoi le destin donne-t-il raison à mon frère ?



Mes larmes abondantes coulaient sur les draps du lit. Par réflexe, j'empoigne fermement la main de Kuro comme pour essayer de le réveiller.



Ce combat contre Daiki et ce Gaikotsu n'était pas une bonne idée. C'est ce qui l'a perdu. Son corps et son cerveau n'avaient pas supporté cette mémoire infaillible et la révélation de son affinité. Pardonne moi... pardonne moi de t'avoir donné autant d'espoir. J'ai perdu la foi et si je ne suis pas dans le coma, c'est comme si nous y étions ensemble.

Le visage appuyé contre le lit d'hôpital, je continuais à serrer fermement la main de mon frère. Je ne dors plus et je mange à peine. Mes parents ne me reconnaissent plus et mon hygiène de vie reste à désirer tant je reste au côté de mon frère.



Dis-je en sanglot.

Mes larmes silencieuses devenaient de plus en plus audible et mes cris de douleur pouvaient s'entendre du couloir. Mon cœur est brisé, ma vie est fichu. Comment se sortir d'une telle situation ? Kuro sera-t-il en mesure de surmonter cette épreuve ? Me concernant, je n'en suis pas certain.

Tes affaires de nettoyages sous les mains, tu traverses les longs couloirs de l'hôpital. Fier d'avoir fini les toilettes, il ne te reste plus qu'à passer un petit coup de balai dans les chambres des patients. Tes premiers jours avaient été compliqués, mais finalement, tu avais réussi à t'adapter aux rythmes que l'on t'imposait. Il t'arrivait même parfois de prendre du plaisir et alors c'est en sifflotant un air que tu te mettais à chanter, ton balai en guise de micro. Montant les escaliers quatre à quatre en guise de défi, tu as tôt fait d'arriver au premier étage. Constitué de dix chambres, tu en estimais pour en avoir une heure, trois quarts d'heure si tu ne traînais pas.

Entrant dans la première chambre, d'un geste machinale, tu commences à nettoyer le sol. Switchant entre ton balai et ta serpillère il ne te faut pas plus de quelques minutes pour te retrouver avec un sol étincelant. Fière de ton travail, tu t'occupes de changer les draps du lit pour le prochain patient puis vérifiant que tu n'as rien oublié, tu sors. Première chambre accomplie ! Plus que neuf….

Poursuivant ta mission anti-saleté, un bruit attire ton attention. Tendant l'oreille pour chercher la source du bruit, tu constates qu'il vient du couloir opposé au tien. Bien que tu aurais voulu ignorer cette agitation, tu n'en étais pas moins intrigué. Qui pouvait bien faire autant de boucan ? T'éloignant de ton couloir, le son te devient plus distinct : c'est un mélange de lamentations et de cris de désespoir à en faire frissonner plus d'un. Ta curiosité prend alors le dessus. Tu devais savoir ce que c'était. Le Chikadôno avait parlé d'un laboratoire sous l'hôpital, peut-être était-ce une de ces expériences qui avait mal tourné ?!

T'arrêtant devant la porte où il semblait que le bruit y provienne, tu marques un temps d'arrêt. Tu es un peu appréhensif à l'idée de ce que tu vas rencontrer dedans. Alors croyant bon de prendre ton balai comme arme de défense, tu pénètres dans la pièce.

La vérité est toute autre. Pas de monstre, pas d'expérience raté, non, rien. Seulement un enfant au chevet d'un autre allongé sur le lit. À voir les larmes qui ruissellent au pied de ce dernier, il ne fait aucun doute qu'il est la source de tous les bruits. Bien que déçu, tu t'approches de lui. Il avait l'air vraiment triste et tu ne savais pas trop comment réagir. Que faisait-on pour réconforter quelqu'un te demandes tu songeur. Tu n'avais jamais été très doué avec les sentiments et il n'y avait qu'à voir ta situation amoureuse pour le comprendre. Mais croyant bien faire, tu poses une main amicale sur l'épaule du garçon. Enfin...garçon....tu n'es même pas sûr que ça soit un…..

Plus je me lamentais sur le sort de mon frère et plus mes larmes coulaient. C'était un torrent qui s'échappait de mes yeux. Ma fragilité était perceptible et le garçon courageux que j'étais se trouver loin derrière moi. Que penserait Kuro en me voyant dans cet état ? Je suis sûr qu'il m'en voudrait. Il serait même capable de m'haïr s'il apprenait à quel point j'avais délaissé nos parents. Le petit garçon obéissant et redevable s'est transformé en un petit délinquant de maison sans aucun respect et refusant l'autorité parentale. Oui, j'avais parfaitement conscience de ce que j'étais devenu.

Derrière mes gémissements devenues moins perceptibles, je n'avais pas remarqué la présence du Chikara dans la chambre. Pas plus que son entrée digne d'un tacticien hors pair. Soudainement, sous une nouvelle pression sur la main de mon frère, j'avais sentie une main se poser délicatement sur mon épaule. Aussitôt, je relevais ma tête, le cœur battant à mille à l'heure.



Non... ça n'était pas lui. La déception se lisait sur mon visage puis de nouveau, je me retrouvais atterré à l'image du corps inerte de mon double. Au lieu d'un miracle, c'est un Chikara aux cheveux bruns, mi-long et au regard d'un bleu aussi clair que le ciel qui se dessinait près de moi. Balai en main, il avait pris quelques minutes de son temps pour me réconforter. Une main amicale tendue que je n'espérais plus.



Les mots n'arrivaient pas. Je ne vais pas bien. Je souffre et la colère m'enivre.



Tout à coup, je commençais à me perdre dans mes pensées. Je ne connaissais rien de ce garçon à mes côtés et si mon frère était parmi nous, il aurait certainement réussi à l'analyser partiellement. Une mauvaise habitude chez lui, pourtant si utile. Un atout presque infaillible qui a eu raison de sa santé.



Demandais-je en le regard vide d'expression.

Puis, à la vue de son balais, mes yeux finissent par laisser transparaître un air interrogateur.

Une voix se fait entendre à la porte et ce n’est ni plus ni moins que le chef de clan des deux jeunes qui se trouve là à les regarder. Il était appuyé contre le pas de la porte les bras croisés. Il donne un petit coup d’épaule et remet ses lunettes du bout des doigts avant de s’avancer vers le lit de Kuro pour y lire la fiche patient. Il reste impassible et se souvient brièvement avoir entendu parler de l’entrée de ce genin il y a quelque temps. Les résultats n’étaient pas des plus rassurants et les espoirs étaient minces de le voir se réveiller un jour. Le coma était principalement un moyen de le maintenir en vie sans pour autant qu’il le soit réellement. Il repose la feuille et regarde Shiroo qui n’était pas en meilleure forme. Difficile de l’être au vu de la situation. Il regarde Seiji sans dire un mot, il n’avait pas spécialement de remarque à lui faire au final, il faisait son travail et il n’allait pas lui reprocher de voir si quelqu’un était mal en point. Il prend simplement une inspiration avant de commencer à parler.



Décidément, les jeunes du clan et du village semblaient de plus en plus perdre pied. Ils avaient tous leur raison et il aimerait bien pouvoir faire quelque chose à son échelle. Une tâche compliquée à mettre en place avec tout ce qu’il devait gérer à l’hôpital déjà.



Il regarde l’heure et grimace avant de saluer les deux jeunes de la tête. Il devait déjà y aller et ne faisait que passer. Il posera sa main sur l’épaule du jumeau en passant et de l’autre main il fait de même avec Seiji.



C’est attendre une seconde de plus qu’il quitte la pièce aussi silencieusement qu’il est entré.

Et bien le pauvre....il était dans tous ses états. Proche de la folie, tu t'inquiétais sérieusement de son cas. Te confondre avec un inconnu non mais ! Inquiet, tu pensais à appeler un médecin ou une infirmière mais finalement le Genin sembla se reprendre de lui-même.
Tu ne l'avais jamais vu auparavant, mais ses yeux marrons plongeant dans les tiens étaient remplis d'une tristesse profonde. Une tristesse qui d'après ses dires prenait source dans le coma de son frère. Bof ça lui passera avec le temps pensais tu. Ce qui ne tue pas rend plus fort après tout… Tu avais bien réussi à oublier l'abandon de ta génitrice alors pourquoi pas lui ?


Ta réponse était un peu ironique, mais mieux valait en rire qu'en pleurer non ?

Occupé à écouter les lamentations du Genin, tu ne remarques pas la présence de ton dôno dans la pièce. Ainsi, lorsque ce dernier répond à ta place, tu ne peux t'empêcher de sursauter.



Les bras croisés, adossé au mur du seuil, il avait vraiment la classe. Remontant ses lunettes sur le nez tu le vois s'approcher. Appréhensif, tu ne savais pas si tu avais le droit d'être ici. Tu étais censé nettoyer pas t'occuper des affaires sentimentales des patients. Ta présence était plus qu'indésirable et tu savais que le Chikadôno mettait un point d'or sur le respect des consignes. Mais surpris, il ne te dit rien cette fois.
Préoccupé de l'état de l'enfant agenouillé, il lui fit un petit discours que tu aurais pris la peine de ne résumer en une phrase : "Faut aller de l'avant. Alors réfléchissant à ton repas de ce soir, tu écoutes d'une sourde oreille ses recommandations . Ton dôno était sûrement plus compétent que toi pour rassurer le jeune garçon qui au passage se prénommer Shiroo

Finissant, tu le vois mettre une main sur ton épaule et te convoquer pour demain midi. Prenant cela pour un geste d'affection bien que ça n'en soit pas un, tu lâches un petit sourire. Puis le voyant partir aussi silencieusement qu'il était rentré, tu te rends compte de quelques choses. Te tournant vers Shiroo, gêné, tu lui demandes :

Je ne m'attendais clairement pas à la venue du Chikaradono. Ce qui était encore plus étonnant, c'était de voir qu'il connaissait mon nom et celui de mon frère. Cela prouvait à quel point il prenait à cœur son rôle de chef de clan. Pour autant, je n'avais pas perdu mon regard vide d'expression. Mes yeux étaient colorés d'un rouge puissant à cause de mes larmes. Je reniflais toutes les secondes tellement mon nez coulait à flot.

Je n'étais pas vraiment enclin à écouter un discours d'encouragement. Ils sont généralement plus faciles à imaginer qu'à appliquer. Cependant, l'éloquence et le charisme de Takumi m'efforçait d'y porter toute mon attention. Je ne pouvais que rejoindre ses dires, Kuro n'aurait jamais accepté de me voir dans un état aussi lamentable. Je tenais le même discours avant que tout cela n'arrive. Mais la difficulté n'était pas négligeable. Cette situation me brisait au plus profond de moi. Peut-être avait-il raison, peut-être ai-je besoin de vider mon sac une bonne fois pour toute. Mes parents luttent pour que je leur parle, mais aucun mot ne sort de ma bouche. J'ai honte et j'ai peur de parler de mon frère devant eux.

La main rassurante de Takumi se pose sur mon épaule en guise d'au revoir alors qu'il ordonne au brun armé de son balai de le rejoindre rapidement à la cafétéria. En y repensant, pourquoi était-il puni ? Seul avec lui, je remarquais son air détaché. Avait-il vraiment fait la sourde oreille ou se moquait-il éperdument de notre Dono ?



Dis-je en laissant apparaître ma première expression d'étonnement. Essuyant mes dernières larmes, je m'efforçais de rendre mon apparence plus « agréable », mais rien n'y faisait. Je sentais mauvais et mes vêtements étaient sales.



Je contenais mes larmes autant que je le pouvais. On pouvait entendre quelques sanglots que je tentais d'étouffer.



Je soupire longuement de désespoir.



Au fond, l'arrivée de mon camarade Chikara était une bénédiction pour moi. Je n'avais pas eu d'interaction autre que mes parents et les infirmières depuis des jours. Peut-être me permettra-t-il de m'élever à nouveau et d'arpenter de nouveau les routes du monde des shinobis.

Bien que tu doutais de l'efficacité des paroles de ton dôno, tu étais satisfait de voir que le Chikara s'intéressait à toi malgré ses tourments. Certes, tu aurais préféré qu'il aborde un autre sujet que ta punition, mais le voyant sortir peu à peu de sa crise, tu ne pus que l'encourager.



Ce n'était pas exactement la vérité, mais il n'avait pas besoin d'en savoir plus. Tu n'étais pas fier des actes que tu avais commis et tu ne voulais pas refroidir l'atmosphère de la pièce qui était déjà assez froide à ton goût.

T'éloignant de Shiroo dont l'humidité des larmes empreignait ses vêtements, tu te rapprochas du garçon inconscient sur le lit. Tu ne le connaissais pas, mais tu l'enviais presque. Plongé dans ce sommeil profond, l'esprit tranquille, il échappait aux dangers et aux pires crasses de l'humanité. Soulevant une de ses franges en guise de compassion, tu te tournas vers le Chikara qui se lamentait toujours sur son sort. Il commençait vraiment à t'agacer avec son comportement de mauviette. Takumi était parti, il était temps pour toi de prendre le relai.

Soupirant, tu pris Shiroo par le col et le soulevas . Il n'était pas bien lourd pour un adolescent. Puis le fixant de tes deux yeux bleus, tu lui dis :


Pointant du doigt le fameux Kuro tu continuas :


Le redéposant par terre tu décidas de partir. Tu étais venu ici par curiosité, pas pour consoler un pleurnichard. Tu lui avais dit ce que tu pensais, il était libre d'y tenir compte.

Sortant de la chambre, tu crois bon de rajouter :


Bien que tu ne roulas pas sur l'or, tu pensais que la perspective de manger en ta compagnie serait une opportunité pour lui de quitter le chevet de son frère.
Bon....ce n'était pas tout mais tu avais encore des chambres à nettoyer toi.

Très clairement, je me fichais un peu de ce qu'il avait bien pu faire. Ce n'est pas la première fois qu'un Genin de ma génération se retrouve à faire des travaux d'intérêt général soit pour avoir enfreins les règles de vie ou soit pour n'en avoir fait qu'à sa tête malgré les ordres. Il faut croire que nous sommes, pour la majeure partie, des fortes têtes. Le comportement de Seiji ne fera que confirmer ce que j'imaginais de lui. Passant de gestes affectifs envers mon frère et moi, il s'empresse soudainement de me saisir par le col. Je sentais mes pieds quitter le sol, mais je refusais de me défendre. Je n'en avais pas la force. Les bras pendant comme un cadavre, j'écoutais les mots durs prononcés par ce dernier. À ce moment-là, j'aurais préféré la présence de notre Dôno avec ses paroles rassurantes. Suivant du regard le doigt pointé sur Kuro, je le fixe, vide et sans espoir.



Seiji n'y allait pas de main morte et je ne pouvais pas lui donner tort. Il était temps pour moi de reprendre mes esprits. L'attitude du Genin impétueux et provocateur m'avait fait un électrochoc. Mon esprit s'éveillait à nouveau, mais la tristesse persistait. Suis-je le plus à plaindre ? Non. La vérité est là.

Lentement, me pieds reprennent terre et c'est abattu que je constate le départ du seul garçon m'ayant porté un intérêt. Debout, les poings serrés, je luttais une nouvelle fois contre moi-même. Kuro... je vais changer, je te le promets ! Je deviendrais le shinobi dont tu n'avais de cesse de me parler. À ton réveil, je tiendrais la promesse que je t'ai donné. Nous deviendrons le duo le plus extraordinaire de tous les temps.

Tout à coup, mon visage s'illumine. Regardant Seiji partir, je lui lance haut et fort ces mots :



Dorénavant, je laisserais mon frère jumeau entre les mains expertes de nos médecins. L'un d'entre eux, l'un des meilleurs, c'est notre Dôno. Je veillerais sur mon frère avec son aide. L'heure était pour moi de reprendre mon hygiène de vie. Une douche, de nouveau vêtement... et je pourrais accepter la proposition de ce mystérieux nouveau compagnon.

.

Lui assurais-je pour finalement me retourner vers mon frère pour lui dire au revoir.

La main sur son front, je lui dépose un baisé et lui dit simplement :



Sourire aux lèvres, je quitte à mon tour la chambre d'hospitalisation.