Retour à la normal

Aujourd'hui, j'avais enfilé des vêtements propres. Après une douche nécessaire, l'agréable odeur du savon avait remplacé l'odeur nauséabonde de ma transpiration. Mon visage n'était plus aussi crasseux que les jours précédents et ma coupe de cheveux avait été rafraîchit par les mains soyeuses de ma mère. Le sourire revenu, je cachais encore cette souffrance qui ne cessait de croître à l'intérieur de moi. Les paroles de Seiji avaient été un électrochoc pour moi. Néanmoins, je continuais à croire que tout est de ma faute. J'en avais certainement demandé beaucoup trop à mon frère. Kuro me suivait aveuglement. Son esprit, son corps, son intelligence n'étaient voués qu'à me servir. Comme un véritable égoïste, j'ai continué à lui en demander encore et encore en lui promettant de le faire devenir le shinobi dont il rêvait. Où en est-il maintenant ?

L'hiver tardait à partir. Si la neige semblait avoir disparue, le froid glacial continuait à piquer mon visage comme de fine aiguille. Réajustant mon kimono jaune et blanc, j'étais décidé de retourner voir mon frère pour le saluer. Mais ce que je désirais réellement, c'était répondre à l'invitation de mon chef de clan. Je refuse de devenir un fardeau pour lui et j'ai espoir que cet entretien me sera bénéfique. Maintenant que mon frère n'est plus là pour suivre mon ombre, je me dois de trouver des compagnons d'aventures. Seul, l'entraînement a ses limites. Je ne deviendrais jamais le ninja que je souhaite en restant enfermé dans mon coin.

Quelques minutes de marche plus tard, je me trouvais face à l'entrée de l'hôpital de Konoha. Cet endroit me donne des hauts le cœur. Je ne le supporte plus. Très vite, je traverse un long couloir après m'être présenté à l'accueil. J'emprunte l'ascenseur, mais à la place d'appuyer sur le numéro habituel, j'actionne celui de de l'étage de Takumi.

Un long soupire puis un léger dépoussiérage de mes manches, je frappe à la porte du bureau du Chikaradôno.

Aujourd’hui était un jour où il y avait plus de papiers que de patients et il ne savait pas vraiment s’il devait se réjouir de cette situation. Il était bien content de n’être qu’un médecin parmi d’autres dans l’hôpital et non un responsable. Il avait suffisamment à faire avec les demandes liées au clan Chikara. Il était en train de lire un document et prenait connaissance des requêtes que pouvait demander certaine famille concernant des rénovations ou autres tâches pour le moins simples. Il fait simplement une pile de documents pour une seconde lecture et finalement prendre soin de valider ou non les demandes par la suite. Il continue sa lecture pendant plusieurs minutes sans véritablement se soucier du temps qui passe, le tout en faisant tourner par réflexe son alliance. Il profitait du calme tant qu’il était possible d’en avoir, il était bien souvent de courte durée et il faisait toujours en sorte de l’optimiser au maximum dès qu’il en avait l’occasion. Il se met à bâiller avant d’entendre frapper à sa porte et s’empresse de finir et se frotter ses yeux humides. Il s’approche de la porte et entend une voix de jeune homme. Il comprend bien rapidement que ce n’était pas pour lui signaler un nouveau patient, mais plus un rendez-vous imprévu.

Il ouvre la porte et reconnaît le jeune Shiroo qu’il avait aperçu quelques jours plus tôt. Il ne s’attendait pas à le voir aussi rapidement, mais ce n’était pas plus mal au final. Il n’aimait pas vraiment forcer la main pour ce genre de chose et préférait laisser les gens faire leur choix. Ils étaient plus dans l’optique de la coopération au moins. Il replace ses lunettes en faisant un sourire au jeune Chikara.



Il se décale et lui fait signe de rentrer dans la pièce avant de ferme la porte derrière le jeune blondinet. Il avance vers l’espace bureau en lui faisant signe de le suivre et lui proposant de s’asseoir avant de lui-même s’installer dans son fauteuil. Il l’observe et il était en bien meilleur état que la dernière fois. Il était plutôt content de voir que le jeune avait décidé de reprendre un peu sa vie en main. Il doutait être la raison de son soudain changement d’humeur, mais il finira bien par avoir une idée de l’élément déclencheur.

Takumi-sama était apparu avec son sourire habituel. Depuis sa nomination à la tête de notre clan, la rumeur disait qu'il était une personne très abordable. Son comportement en me voyant confirmait ces dires. C'était un homme imposant par sa manière de se comporter. Il était à la fois détendu, sûr de lui et d'une gentillesse incroyable. C'est en tout cas ce que dégageait son aura. Pour autant, je ne me sentais pas plus à l'aise. La raison de ma venue était clair, mais comment aborder les choses ? N'allait-il pas me considérer comme un enfant capricieux qui s'imagine que tous les malheurs du monde lui tombe sur les épaules.

Je suis scrupuleusement chacun de ses gestes et je m'installe sur la chaise désignée. Lentement, je décroche le fourreau et son katana de ma ceinture pour m'asseoir plus convenablement. Délicatement déposé contre ma chaise, je remarque avec honte mon impolitesse. Aussitôt, j'incline mon corps vers la main en signe de salut et de respect.



Je m'arrête net en baissant la tête. J'avais le sentiment de lui faire perdre son temps. Cependant, je ressentais le besoin de vider mon sac. Je relève tout à coup mon regard vers le Chikaradôno d'un ton neutre, mais rapide.



J'espérais au fond de moi qu'il puisse veiller sur Kuro à ma place, mais je savais impossible cette idée. Takumi-sama est un homme demandé. Comment pourrait-il se préoccuper d'un Genin lambda avec autant de responsabilité ? Au moins, il m'aura offert de son temps et ça, ça n'a pas de prix.



Je m'arrête quelques secondes pour travailler sur ma respiration. Je ressentais une si forte douleur à la poitrine que j'en avais le souffle coupé.



Les poings serraient, j'avais une profonde haine contre moi. Nous étions jumeaux et pourtant, je tenais le rôle de grand-frère. Un rôle que je n'ai pas su tenir. Je sentais les larmes me monter, mais je refusais de me laisser emporter. Je devais tenir, être fort face à cet homme.

Il ne prend appui sur ses coudes qu’il pose sur le bureau et regarde le jeune qui pense tardivement à la saluer. Il n’était pas si laxiste sur les règles de politesse, mais avait tendance à ne pas trop non plus en tenir rigueur en fonction de la situation. Il savait que le jeune Shiroo était un peu ailleurs en ne tenait pas à jouer les rabats joie d’entrée de jeu. Il avait l’air décidé et commence directement à parler du souci qui lui hante l’esprit en parlant de son frère. L’homme pose son menton sur le dos de sa main et écoute avec attention ce qu’il avait à lui dire. Les gens avaient tendance à venir le voir pour les problèmes classiques de maladies et en oubliaient bien souvent la fonction plus secondaire qu’il avait. Il faisait office de psychiatre pour accompagner au mieux les shinobi ayant du mal à passer ce qu’ils ont pu vivre pendant des missions un peu trop houleuses ou les guerres qu’ils ont essuyé. Il reste silencieux et observe le garçon qui le fixe, comme s’il avait un peu honte de tout dévoiler et qu’il se sentait coupable de son ressenti. Il ne sait pas s’il avait peur d’être interrompu, mais son débit de parole s’arrête uniquement au moment où il reprend son souffle. Il finira par s’excuser de lui faire perdre son temps et c’est bien la première réaction physique qu’à le dôno en haussant un sourcil d’un air mécontent de la remarque.



Il se redresse en reprenant un air plus amical et réfléchit un court instant avant de revenir sur les propos du garçon.



Il enlève ses lunettes et les pose sur la table en se frottant le haut du nez.



Il se lève et se dirige vers l’alcôve qui lui sert de petite cuisine privée et serre deux tasses de thé qu’il rapporte en posant une devant le genin et lui faisant signe de boire avant de se rasseoir.

La réaction de Takumi-sama prouvait sa bienveillance. J'avais le sentiment de lui faire perdre son temps, mais c'était tout le contraire. Ce qui me frappait c'était la suite de son discours identique à celui de Seiji, à quelque chose près. Mon camarade Chikara avait été bien plus brutal dans ses mots et ses gestes.



Je n'avais aucune connaissance de leur relation, pas plus que les raisons de la punition de mon camarade ni pourquoi Takumi-sama en est la cause. Peut-être que se garçon commence à déteindre sur notre Dôno.



Mon regard reprenait quelques expressions. Il s'agissait souvent de colère contre moi-même. Mon comportement, ma détresse et ma tristesse étaient légitimes, mais ne justifiaient pas cette descente en enfer. Il n'est pas question que Kuro découvre cette facette de moi à son réveil. Il aura besoin de tout mon courage et de toutes mes forces.



Soudainement, des idées me venaient en tête. Trouver une équipe n'est pas toujours facile, peut-être que Takumi-sama serait en mesure de le faire ? Et ce Seiji, qui était-il ?



Puis j'enchaîne sur Chikara Seiji.

Il se montre étonné d’apprendre que Seiji a eu le même discours que lui. Il se doutait que le garçon n’avait pas complétement un mauvais fond, mais il avait tout de même pas mal de chose à revoir sur son comportement s’il ne voulait pas finir sur la liste noire du village et condamner à ramasser des plantes pour le bien commun du village. Il doutait aussi que de la manière dont les mots ont pu être dits.



Il ne s’attarde pas vraiment sur le sujet du beau parleur et reprend son écoute du jeune Chikara en face de lui qui était vraiment un autre homme. Il restait dans la même vision de coupable et le médecin garde ce détail dans un coin jusqu’à ce qu’il arrête de parler pour reprendre son souffle.



Son frère était clairement un noyau pour lui, ils étaient frères après tout, jumeaux de surcroit, un lien pareil est difficile à mettre de côté. Il ne rajoute rien à ce sujet et prête une oreille attentive à sa question.



Il s’apprête à boire une gorgée de son thé quand la dernière question lui arrive aux oreilles et il manque de s’étouffer en avalant de travers.



Il tousse pendant une minute et regarde le jeune Chikara l’air perplexe.

J'en avais certainement un peu trop dit, mais je n'y voyais rien de mal. Jamais je ne reprochais le comportement de Seiji tel l'électrochoc fût puissant. Finalement, c'est le mélange du discours de ces deux hommes qui auront eu raison de ma situation et je leur en serais éternellement reconnaissant.

Takumi-sama visait pile dans le mille. Ma présence ici prouvais mon acceptation. Je me devais de me relever. Me rabaisser et me jeter la pierre ne changera rien à notre destinée. Bien au contraire, c'est en agissant que les choses changeront.



Enfin, j'arborais un large sourire sur mon visage. Les bons souvenirs remplacés les horreurs vécues ces dernières semaines. Ma détermination remplaçait ma colère comme si elle m'avait insufflé un renouveau, un courage bien plus intense.



D'une légère révérence, j'insistais de cette manière sur mes remerciements. Puis, alors qu'il m'indique vers où me diriger pour mon entraînement, j'attrape le verre de thé qui m'était destiné. Le sirotant lentement, je ne savais pas réellement vers où me diriger. Rejoindre le Kittodôno me serait fort utile pour maîtriser mon katana à la perfection. Néanmoins, j'affectionnais particulièrement le ninjutsu au point de toujours rechercher du nouveau. Combien d'affinité suis-je capable de maîtriser ? Le Doton et le Futon sont-ils les seules que je puisse utiliser ?



Intrigué par la relation entre Takumi-sama et Seiji, j'étais plutôt curieux d'en savoir un peu plus. J'ai rapidement compris que ma question avait été maladroite lorsque le Chikaradôno avait avalé son thé de travers. J'avais failli rire, mais je m'étais retenu pour ne pas lui manquer de respect.



C'était le rôle de mon frère de déceler ce genre de truc. Il faut croire que cela n'avait pas déteint sur moi.



Je m'arrête un instant pour regarder la réaction du Chikaradôno. Je ne savais pas ce qu'il s'était réellement passé, mais je lui devais bien ça.



Demandais-je dans l'espoir d'atténuer sa peine.

Il rigolera légèrement à l’annonce et ne se montre pas plus surpris que cela. Seiji avait l’air d’être bein plus sanguin que lui et quand bien même ses paroles seraient les mêmes, la manière de faire passer le message n’est pas toujours orthodoxe. Il se doutait de sa manière de faire, plus jeune il était bien moins dans la diplomatie qu’aujourd’hui et il préférait se montrer directe dans ses propos plutôt que d’attendre que la personne ne se décide véritablement. Mais l’électrochoc n’est pas une méthode faite pour tous et il ne l’apprendra qu’avec le temps. Il se contentera de montrer sa satisfaction d’un signe de tête pour appuyer les propos du garçon.



Il hoche la tête quand il précise faire son choix pour un professeur à l’avenir. L’homme lui avait donné les noms qui lui semblait le plus correctes mais fallait-il encore que les deux hommes soient disponibles. Kazumori se baladait sans cesse et se préoccupait du centre de recherche et Oni était bien discret depuis quelque temps. Il reprend son écoute quand le jeune puni est mis dans la conversation et se dit qu’il ne cessait d’entendre parler de lui en ce moment.




Il lâche un rire qui était aussi un soupire et lui fait signe que tout était bon.



Il avait cette sensation désagréable dans le fond de la gorge qui l’empêchait un peu de respirer mais il allait survivre…

Le discours de l'homme qui se trouvait devant moi était saisissant. C'était avec un plus grand bien que je l'écoutais me raisonner encore un peu plus. Son charisme ne faisait qu'amplifier mon désir de devenir un grand homme. Le clan Chikara n'aurait pas pu faire meilleur choix pour prendre ses reines.



Parler de Seiji m'avait permis d'écarter le sujet sensible de mon frère. J'effectuais d'ores et déjà un travail sur moi-même pour ne plus me lamenter sur son sort et le mien. Pour autant, je n'avais pas su tirer les verres du nez du Jônin. Rien d'étonnant, il serait dommage que ce soit aussi facile. Une chose est sûr, il s'était fait son propre tort et certainement pas de la meilleure des façons. Je ne le connaissais pas, malgré tout, j'espérais qu'il se sorte rapidement de cette impasse.

Néanmoins, ma soudaine envie d'intervenir dans sa punition faillit étouffer une nouvelle fois le Chikaradôno. Il avait même lâché un petit rire. Je me sentais gêné par la situation et je n'osais pas surenchérir, préférant me taire et ne pas me mêler de choses qui ne me regarde pas. Finalement, si je souhaitais vraiment l'aider, quoi de mieux que d'aller le voir ?



Doucement je me lève et je récupère mon katana. Je salue respectueusement mon supérieur puis le remercie pour le thé.



Me relevant de ma révérence, je quitte mon emplacement pour me diriger vers la porte du bureau. Après une fraction de seconde, je passe finalement la porte comme si cela symbolisait ma décision d'un renouveau.