L'enfant et la Matriarche

Les jardins du mon aquatique... Ce bleu à perte d'horizon, ces algues et coraux d'une couleur magnifique. C'était en ce lieu qu'aimait se réfugier la jeune Chihiro lorsqu'elle faussait compagnie à son père et son cousin Horā. Un moment calme où elle seule pouvait se mettre à la prière et espérait le meilleur pour son peuple. Elle passait ses journées entière enfermée entre les murs de sa maison à devoir s'instruire et se battre pour les années à venir. Selon elle, les Mitsuna étaient plutôt des brutes à la cervelle de mollusque préférant déclarer la guerre par fierté, plutôt que de proliférer la paix et de nombreux accords avec le monde des Homme.

La jolie poissonne, âgée maintenant d'une vingtaine d'année devait songer à choisir son futur mari... Une chose qu'elle ne concevait pas non plus. Les prétendants en question ne l'intéressait guère, mais la femme aux écailles rouge le savait pertinemment que tôt ou tard, elle n'aura pas le choix. C'était tout bonnement contre sa volonté et pour le bien de son peuple qu'elle se pliait aux règles imposées.

Agenouillée face à une statue représentant une magnifique sirène, elle joignait les mains pour envelopper son médaillon. De là, elle priait:


Elle récitait les mots d'une douceur et d'une chaleur plus qu'humaine.




Qui, elle l'espérait, se fasse le plus tardivement possible. Elle ne souhaitait pas avoir un rôle aussi important et pourtant le destin choisissait à sa place...

Je vous ai déjà parlé du jour où ma vie à réellement débutée ? Je ne parle pas de ma naissance, évidemment. Mais bien du jour où j’ai fais la plus merveilleuse des rencontres. Oh, fort heureusement, je n’exprime pas ces pensées à haute-voix. Je passerais pour un idiot aux yeux des autres. Mais pourtant, de tout mes souvenirs, celui-ci était l’un des plus importants. Tout débuta comme une journée ordinaire, j’étais un gamin comme les autres, âgé d’à peine 10 ans. Un petit bagarreur, peu futée. J’avais toutefois la chance d’être déjà quelqu’un de très aimable et sociable. Cela m’avait évité de devenir le bouc émissaire de toute une génération d’enfants. Enfin bref. Ce jour là, je me rendais simplement faire une petite course pour ma bien aimée mère. C’est sur mon chemin que j’ai rencontré cette femme. Elle était là, agenouillée devant une statue. Au début, je m’en fichais bien, je comptais juste passer derrière elle et l’ignorer. Mais c’est ainsi que tout commença. Alors à quelques pas d’elle, je l’entends parler, curieusement, je suis tout de suite intrigué. Le son de sa voix était comme… envoûtant. Je restais là, à la fixer quelque secondes, sans qu’elle ne me voit. J’écoutais des mots que je ne comprenais pas encore vraiment, et pourtant c’était comme si… comme si… je devais les écouter. Mais très vite, mon esprit d’enfant reprit le dessus. Alors armé de mon tact habituel – inexistant –, j’interromps la jeune femme dans sa prière.



Oui, j’étais plutôt mal éduqué sur ce point à vrai dire. Les codes sociaux et ce genre de choses n’étaient pas vraiment à mon goût. J’aurais dû présenter énormément de respect à la femme poisson, mais j’en fis rien. Je restais là, convaincu qu’elle mentait. C’est alors qu’elle se tourna vers moi, et ce fit la première fois que je croisais son regard. Au même instant, je me sentis soudainement comme intimidé. Elle n’avait pas encore prononcé le moindre mot à mon égard que je ressentais comme un sentiment de honte… de gêne. C’était encore indescriptible et incompréhensible pour moi à l’époque. Je reculais de quelques pas, l’enfant mal éduqué se transforma soudainement en un gamin parfaitement poli et courtois.



Dis-je en m’inclinant respectueusement devant elle. Je ne savais pas pourquoi j’avais si subitement changé de comportement. J’étais peut-être un enfant étrange… La vérité, c’est que dès cet instant, j’avais comme compris que cette femme était… liée à ma propre existence. Comme si j’avais une dette envers elle, alors que je ne la connaissais même pas.

Prise dans sa prière et sa confession, la belle Chihiro se faisait surprendre par une voix enfantine. Tout d'abord un peu surprise, elle se demandait qui pouvait bien venir en ce lieu habituellement peu fréquenter par les siens avant de tourner la tête en direction de la voix.


Tout d'abord elle gardait le silence en voyant ce petit garçon. Elle n'avait pas grand chose à craindre, ce n'était ni un garde, ni son cousin ou quelqu'un qui pouvait s'amuser à la faire chanter. Comme tout ceux qu'elle côtoyait, la jolie poissonne s'avançait le regard maternelle et le sourire aux lèvres avant de s'arrêter devant le ce jeune poisson.


Comment pouvait-elle en vouloir à la jeunesse de se permettre de l'interrompre ? Bien au contraire, si elle pouvait être d'une grande aide et faire preuve de bienveillance pour son peuple, ce n'était pas elle qui donnerait de lourdes sanctions, voire aucune.


Si le garçon ne se relèverait pas, c'est l'écaille rouge qui s'abaisserait pour lui faire face.

Elle se montrait étonnamment bienveillante à mon égard. Non pas que mon peuple n’était constitué que de barbare sans foi ni loi, mais mes congénères n’étaient pas du genre à faire dans le sentimentalisme. Et il est vrai, à cet âge, je n’avais que peu de contact avec la gente féminine. Je n’étais pas habitué à un si beau regard, et encore moins à une voix si douce. Plus encore, si elle était vraiment la fille du Roi, j’avais une chance inouïe de lui parler ! Nous n’étions pas le peuple le plus connu du Yuukan, mais nos traditions et coutumes existaient bels et biens. Cette femme, elle allait un jour représenter notre peuple, même si je n’avais pas encore réellement conscience du poids d’une telle chose à l’époque. Je me relevais alors pour faire face à la jeune dame dont les écailles étaient aussi rouges que les miennes. Innocemment, je lui demandais alors :



Je ne possédais pas les codes sociaux, ni aucune culture concernant les miens. Ces choses ne m’intéressaient guère lorsque j’étais enfant. À cette époque, j’aspirais encore à quitter ce marais et découvrir le monde. Mais c’était bien avant que tout ne change.

La réaction de cet enfant amusait plus que tout la dame des mers, elle ne pouvait s'empêcher de pouffer de rire.




Puis, elle s'inclinait en guise de présentation avant d'ajouter.




Elle joignait ses mains en les laissant allonger le long de son corps. Par la suite, le jeune garçon à la même couleur d'écaille que la future matriarche lui demandait pourquoi elle se tenait là à prier.




Elle se permettait après sa réponse de demandait la chose suivante:


Il piquait sa curiosité, ce n'était pas une normalité chez les Mitsuna de venir prier un quelconque dieu ou une simple statue. Alors que pouvait-il bien faire ici ?

Je me sentais un peu bête lorsqu’elle se mit à rire, se moquait-elle de moi ? Je savais que je n’étais pas le plus adroit dans les conversations, encore moi avec une personne de sa stature, mais de là à en rire ! Ce n’était que mon innocence finalement, j’en faisais un peu trop. Un peu. Mais comment étais-je censé réagir ? C’était incroyablement nouveau pour moi de rencontrer ce genre de personne, je n’entendais que des histoires à leur sujet. Ces gens habitant le palais, on aurait dit qu’ils n’étaient que des légendes ou des mythes, mais ils étaient bien réels, et j’avais l’une des descendantes du Roi juste devant moi.



Elle se disait enchantée de faire ma rencontre, et moi alors ? J’avais une chance si unique !



Suite à ma question, elle m’expliqua la raison de ses prières. C’était d’une immense bonté que de prier pour son peuple et non pour soi même. Je crois que ma mère priait souvent pour moi elle aussi, elle voulait que je devienne un poisson grand et fort ! Elle semblait si inquiète de ne pas parvenir à protéger son peuple. C’est alors que moi, encore haut comme trois pommes et sans aucune expérience de la vie, je lui répondis avec assurance :



C’est alors qu’elle me fit me rappeler la principale raison de mon passage par ici. J’étais simplement venu livrer un genre de bijoux je crois. Quelque chose comme ça, mon père en fabriquait, tandis que ma mère s’occupait de venir les livrer.



Le palais n’était pas le genre de lieu ou je sortais d’habitude il est vrai… J’étais plutôt habitué à la vie aquatique banale. Et au vu de l’immensité de l’endroit… Pas étonnant que j’ai fini par me perdre.

Elle ne les connaissait pas et pourtant le fait de savoir qu'elle faisait assez bien les choses jusqu'à maintenant la rassurait un peu. Si elle voulait emmener son peuple aussi loin qu'elle le pouvait, Chihiro se devait de travailler encore plus !

La femme aux écailles rouge écoutait attentivement le discours du jeune homme avant de s'exclamer gaiement.




S'il y avait une chose dont elle n'était pas capable, c'était bien les petits travaux manuels...


En s'interrogeant intérieurement, elle se demandait bien de qu'il s'agissait. A la fois aidant son prochain et curieuse, la femme poisson se demandait si elle ne pouvait pas accompagner cet enfant ?


Alors qu'elle pensait être tranquille et à l'abri des regards ici elle entendit au loin à ce qui ressemblait à des bruits de pas... métalliques.


Prenant conscience du "danger", elle prenait le petit Mitsuna par la main en l'emmenant un peu plus loin, cachés derrière de grandes algues.


Elle restait un moment silencieuse et songeuse.

L’un des membres de ma fratrie devrait reprendre sa suite un jour ou l’autre, mais cela serait sûrement destiné à mon aîné qui avait développé la même passion que lui, quant à moi… ce n’était que de vulgaires babioles à mes yeux. Je n’avais pas grand-chose qui m’intéressait il faut dire, je rêvais d’aller à la surface, mais c’était strictement interdit. Seul mon père avait le droit d’interagir avec les humains, et ma mère était effrayée chaque fois qu’il le faisait. Je n’avais jamais obtenu de raison à ce sujet, peut-être ces humains étaient-ils dangereux ?



Subitement, Chihiro me prit par la main et m’emmena un peu plus loin. Je ne manqua pas d’attendre ces bruits métalliques, un enfant comme moi les connaissait bien. Les gardes, ils me faisaient peur, à moins ainsi qu’aux autres enfants. Lorsque ce bruit métallique se faisait entendre, il ne valait mieux pas rester dans le coin trop longtemps ! Il serait sans doute problématique qu’il me trouve ici sans raison, mais j’étais avec l’une des filles du Roi non ? Alors je ne comprenais pas vraiment le problème.

Question qui pouvait paraître un peu idiote provenant de l'enfant, mais il ignorait totalement pourquoi la jolie poissonne se cachait. Il ne s'agissait pas d'une question de pouvoir, mais tout simplement...




La femme prenait un petit air sombre temporairement avant de sourire à nouveau vers le jeune homme.




Pas étonnant qu'elle en riait à voix basse. La jeune femme n'était pas la plus forte physiquement de son clan et pourtant elle arrivait à échapper à la vigilance des soldats. Comme quoi, tout ne résidait pas que dans la force.

Toujours accroupie dans les bosquets d'algues, elle faisait un signe un jeune Isao.


Puis, elle marchait en canard pour se faufiler un peu plus loin des hommes poissons aux armures impressionnantes.

J’avais le sentiment qu’elle me mentait, et qu’elle n’était pas du tout qui elle prétendait être. Après tout, pourquoi elle se cacherait de ses propres gardes ? Ils étaient supposés la protéger et non la garder enfermer. C’est les criminels que l’on garde enfermés ! C’est du moins ce que mon – petit – cerveau d’enfant en déduisait. Mais pourtant, je perdis soudainement ma peur lorsque je fis fasse à son sourire alors qu’elle m’expliquait. Elle était peut-être comme moi ? Ses parents ne voulaient peut-être pas qu’elle sorte me disais-je à ce moment là. Alors, je m’armas à mon tour de mon plus beau sourire, le petit cœur qui battait en moi était devenu bien plus vaillant en la compagnie de la jolie femme poisson.



C’était naïf de ma part de penser que je pouvais faire quoique ce soit, mais j’y croyais pourtant très sincèrement. Peu importe qui elle pouvait être, famille royale ou non, j’avais un soudain attachement envers cette dame que je ne connaissais depuis quelques minutes à peine, elle possédait un charme qui me rendait étonnamment plus docile. Je la suivis alors que nous nous faufilions derrière les gardes pour rejoindre le raccourci, je crois que jamais mon cœur n’avait battu aussi fort. Je l’entendais tambouriner dans la poitrine, effrayé à l’idée de me retrouver nez à nez avec l’un des gardes… Nous nous retrouvions dans la salle adjacente, je n’avais aucune idée d’où nous nous trouvions dans le palais, je n’avais d’autres choix que de rester avec elle pour retrouver mon chemin maintenant.

La belle Chihiro déposait une caresse sur la tête enfantine avec une grande bienveillance avant d'entrer dans l'une des grandes salles qu'offrait le palais. Au vu de la taille de certains Mitsuna, il valait mieux posséder de grands espaces d'où la taille immense de la demeure royale ! Rien d'identique avec les humains qui cherchent à montrer leur richesse, disait souvent le père de la jeune femme.

Cela n'enchantait pas plus que ça à la future matriarche de devoir rentrer pour le moment, maintenant que les deux Mitsuna se retrouvait à l'intérieur du palais, les gardes ne pouvaient plus dire un mot ! Mise à part que la demoiselle était censée rester dans sa chambre à étudier le monde comme son paterne le lui demandait.




La question était si innocente, la femme serait ravie de donner son point de vue à ce jeune poisson, mais est-ce que ce dernier la comprendrait ? Pas vraiment, il était bien trop jeune et niait.




Elle ne parlait même pas de cette histoire de devoir se trouver un amant...




L'écaille rouge faisait un petit signe de main pour indiquer le chemin à prendre. Sans se soucier des gardes cette fois-ci, la jeune poissonne marchait humblement jusqu'au jardin royal avant de se faire intercepter par un garde.


Mais très vite, l'on pouvait voir les yeux du poisson en armure fixer l'enfant. Son regard n'était ni bon, ni mauvais, mais il ne se gênait pas pour jauger l'accompagnateur de la dame.

Notre petite fuite suivait son cour, et les réponses à mes questions venaient peu à peu. Je n’imaginais pas une seule seconde que c’était ça la vie d’une princesse. Je pensais qu’elle était la plus heureuse des femmes, mais pourtant même moi, je pouvais voir dans ses yeux que ce n’était pas le cas. Je restais silencieux, que pouvais-je faire pour elle ? Rien du tout. Je la suivis alors jusqu’à la salle suivante, pour qu’elle me guide gentiment jusqu’à la personne que je cherchais.



Trop tard, nous tombions nez à nez avec l’un d’eux. Je reculais peu à peu, j’étais totalement effrayé par le garde. J’hésitais à m’enfuir en courant, mais lorsque je croisas le regard inquiet de la Princesse, je me souvins que je venais de lui promettre de la protéger. Alors, prenant mon courage à deux mains je fonçais subitement en direction avant de jaillir sur lui. Je l’attrapais au niveau de la nuque dans l’espoir de le faire tomber à la renverse.



Mais ma tentative restera vaine. Il n’aura aucun mal à se saisir de moi à l’aide d’une seule main, me tenant comme l’on tiendrait un vulgaire sac. Il me regardait avec mépris pour la faible créature que j’étais. Ce sale… si je faisais un bon mètre de plus ! Je me débattais dans l’espoir de lui faire lâcher prise, mais je m’épuisais plus qu’autre chose devant les yeux impuissants de la princesse.