Le soleil brillait déjà de mille feux et sa lumière brûlant mes paupières me forçait déjà à sortir de mes songes. Une impitoyable migraine me rappelait sans hésitation que ces quelques heures que j’avais passé loin de tout mes soucis n’étaient plus et que je revenais à la dure réalité, j’étais moi. Balayant la pièce du regard j’analysais mes alentours, non pas pour reconnaître l’endroit où je m’étais assoupis mais recherchant désespérément un verre pour assouvir ma soif et faire taire ce vacarme qui me torturait dès le réveil. Heureux de trouver une bouteille à mes côtés je m’extasiais presque de voir les quelques centilitres restant de ce liquide tourbe qui me causait pourtant tant de soucis. A peine aperçu je m’empressai de lui attraper le corps, la dénuder de son bouchon et d’embrasser son goulot et me délecter de sa tendresse.
A peine finie, déjà, je me sentais mieux. Comme si ce mal-être avait été assouvi par ces quelques gouttes. Comme si tout avait disparu. Ressentant la chaleur de ce liquide s’écouler à l’intérieur de mon corps je reprenais déjà des couleurs et commençait maintenant à fouiller mon manteau à la recherche d’une autre addiction à assouvir. Trouvant mon paquet de cigarette, je le secouai rapidement afin d’en vérifier son contenant. Le petit bruit d’un paquet encore plein me rassura. D’un coup sec je l’ouvert, enfila l’une de ces petites blondes dans mon bec et l’alluma. Je me sentais enfin détendu.
Pour être honnête je ne me rappelle pas vraiment ce que j’ai fait ensuite. Si vous voulez mon avis j’ai sûrement erré dans les rues, acheté une bouteille de whiskey et quelques paquets de cigarettes. J’ai probablement trouvé un endroit que je trouve paisible ou du moins quelque part où je ne risquerai pas de rencontrer qui que ce soit. A vrai dire la présence d’autrui m’est devenu insupportable depuis quelques temps…. enfin quand je ne suis pas ivre. Je me suis sûrement allongé dans l’herbe ou assis quelque part, et j’ai bu. Lorsque je pense je bois de toute façon, car pour être honnête il n’y pas qu’autrui que je n’arrive pas à supporter lorsque je suis sobre. Ensuite ? Peut-être me suis-je assoupi, peut-être ai-je erré… qu’est-ce qu’on en a à foutre de toute façon vous n’allez quand même pas me dire que la vie d’un alcoolique vous intéresse !
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La nuit tombe généralement rapidement et quand le soleil se couche Dr Jekyll laisse sa place à Mr Hyde. Touché par la faim et frappé par la sécheresse de ma gorge je fonce à la première taverne que je trouve. Ce soir c’était une petite taverne perdue dans un village de campagne. C’était un endroit plutôt vivant où tous les habitants venaient se remplir la panse, dévorant leurs plats gras en crachant leur alcoolémie à en perdre la voix. Pour être honnête je suis l’un d’entre eux.
Les verres de spiritueux s’enchaînèrent, pour être honnête j’ai perdu le compte. Les heures avaient filé et c’était déjà le milieu de la nuit. J’étais à moitié écroulé sur ma table à faire danser un verre presque vide entre mes doigts, observant curieusement le liquide tourbe qu’il contenait tourbillonner à l’intérieur. J’ai l’alcool triste, posant mon verre devant moi j’enfonça ma tête au creux de mes bras comme un petit cancre au dernier rang de la classe.
Soudainement elle s’approcha de moi, s’assied à ma table et remplit mon verre. Jusque là je ne l’avais pas remarqué, mais c’est lorsque j’entendis ce curieux surnom par lequel elle m’appela qu’instinctivement ma tête vint se déloger de son petit nid afin d’observer les traits de son visage. Cela faisait longtemps que je n’avais pas entendu qui que ce soit m’appeler ainsi et étrangement un fort sentiment de nostalgie m’épris. C’était trouble je n’arrivais pas vraiment à remettre un nom sur son visage ou me rappeler exactement des circonstances qui aurait fait qu’elle puisse provoquer une telle réaction chez moi mais instinctivement elle piqua ma curiosité.
Je la défigurais maintenant. L’alcool m’avait enlevé toute forme de politesse et mes yeux n’avaient pas une once de décence. Ce que j’observa c’était une jeune femme à l’apparence négligée. Ses cheveux et ses habits étaient crades. Était-elle une autre ivrogne ? Une nomade ? Malgré son manque d’allure elle avait ce regard et cet air malicieux qui éveillait en moins comme un sentiment immature. Qui était-elle ? Cela faisait très longtemps que je n’avais pas été aussi curieux à propos de quoi que ce soit.
Levant mon verre instinctivement à son invitation, je vins vider son contenu dans ma gorge sans la quitter du regard. Elle m’observait aussi. A peine finit je lui répondis enfin :
« « Jinji…. Cela fait bien longtemps que personne ne m’a appelé ainsi. C’était il y a quoi…. 5..7..10 ans ? Je devais être marmot la dernière fois que j’ai entendu ça ahah… Yare yare yare, le temps passe si vite.» »
A peine eu-je finis de parler que je vins glisser une cigarette au creux de mes lèvres l’allumant d’un simple claquement de doigt. J’inspirais une longue taffe de cette toxine avait de la recracher dans un profond soupir.
« « Pour être honnête princesse je crois que tu ne m’as pas retrouvé au meilleur moment… Je saurais même pas me rappeler de toi alors bon…» »
Honteusement je ravalais ma fierté en faisant preuve d’honnêteté. Enfin, honnêteté, même un aveugle d'un simple coup d'oeil verrait que je ne suis qu’un déchet alors à quoi bon le cacher. Attrapant la bouteille je lui resservais un verre avant de me resservir à mon tour.
Dit-il, levant son verre d’un air dépité montrant clairement l’ironie de son toast.