Au lendemain matin, alors que tu t’apprêtais à rejoindre à nouveau le domaine de la Rihatsu, tu croisas Itsuki au sein de l’auberge dans laquelle tu séjournais. Celui-ci, ayant ses bagages pour seule compagnie, semblait t’attendre. Tu t’empressas alors d’aller le saluer dès que tu l’aperçus, mais tu n’eus point le temps de piper mot qu’il s’exprima de lui même :
« Salut Kyoko, j’imagine que tu te rends chez Mariko ? »
Répondis-tu timidement. Tu ne savais pas s’il était encore touché par les évènements de la veille, son visage ne laissait rien paraître à ce sujet. Difficile de lui en vouloir puisqu’il te considérait comme une véritable amie, probablement même comme quelqu’un de sa famille. De son air sérieux, il ajouta alors :
« Je suis venu te souhaiter bon courage, mais aussi te donner conseil. Je ne sais pas ce que tu cherches, et je ne veux pas le savoir. Néanmoins, méfie toi de Mariko. »
« Pourquoi me dis-tu cela soudainement ? N’est-ce pas toi qui m’a proposé de travailler pour elle ? »
« Si, en effet. Mais je ne m’attendais pas à ce genre de réaction de sa part, ni à ton comportement. Sache que Mariko n’est pas une bienfaitrice, elle n’agit que dans l’intérêt de ses siens. Si elle accepte de t’aider, surtout en te parlant de notre clan, c’est qu’elle à quelque chose à y gagner, ne l’oublie pas. »
Un avertissement bienvenue, bien que légèrement vain. Tu n’étais plus aussi naïve qu’autrefois, et tu n’accordais ta confiance qu’en de rares cas. La Rihatsu n’était qu’une étape, et tu ne comptais pas passer le restant de tes jours à ses côtés, juste suffisamment de temps pour obtenir ce que tu souhaitais. Si Mariko tentait quoique ce soit, elle comprendrait très vite que tu n’étais pas qu’une simple ex-kunoïchi que l’on pouvait manipuler comme bon lui semblerait.
« Je tâcherais de m’en souvenir… Merci, et encore désolée de m’être servie de toi… »
« Hmm. À la prochaine Kyoko, fais bien attention à toi. »
Itsuki s’apprêtait alors à partir, mais avant qu’il ne puisse le faire, tu attrapas ce dernier par le bras.
« Attends ! Moi aussi j’avais quelque chose à te dire. »
« Je suis navrée de ma réaction d’hier. Je sais que Minori comptait beaucoup pour toi, sa perte n’a pas du être facile de ton côté non plus. »
« Ce n’est rien, ta réaction était des plus humaines. J’imagine en plus que l’affection qu’elle te portait était réciproque, je me trompe ? »
Une simple question à laquelle il n’était pas facile de répondre avec honnêteté. Elle et toi étiez devenus plus que de simples amies et sa perte t’affectait bien plus que tu ne le laissais paraître. Mais tu ne pouvais plus avoir l’air faible, tu en avais assez de recevoir la pitié d’autrui. Tu laissas alors ta peine de côté et répondis :
« Je… Oui… Mais je ne peux plus me permettre d’afficher de tels sentiments. »
Ces mots, tu n’y croyais pas toi même. Parce qu’il était difficile de ne pas flancher. Mais tu y étais résolue, car tu pensais que c’était la meilleure solution. Sans attaches, rien ne pourrait plus t’affecter.
« Parce-que chaque personne à qui je tiens finis par mourir, à cause de moi… Je ne voulais pas qu’il lui arrive la même chose… Idiote que je suis, même sans être là je finis par causer des dégâts… »
Le Rihatsu te mit alors un coup amical sur le bras, l’air de dire « ressaisis toi » et tenta alors tout de suite de te rassurer :
« Ne te blâme pas. Tout aurait été plus simple si Konoha te laissait tranquille. À ce compte là, ils sont tout aussi responsables. La mort de Minori tout comme celle de Sayuri, était imprévisible, personne ne pouvait savoir. »
« Si elles ne m’avaient pas rencontrées, cela ne se serait pas produit. Si j’étais restée à Konoha… »
« Je ne sais pas pour Sayuri, mais si Minori ne t’avait pas rencontrée, elle n’aurait jamais passée les meilleurs mois de sa vie. Minori était naturellement joviale, et pourtant je ne l’ai jamais vu plus heureuse que lorsqu’elle était à tes côtés. »
« On ne peut prédire l’avenir Kyoko. On ne sait jamais qui peut subitement disparaître de notre vie du jour au lendemain. Ce qui compte, ce sont les moment que nous vivons. »
Tu restas surprise un instant en entendant Itsuki s’exprimer d’une telle manière. Il était un homme intelligent, mais il n’était pas du genre à philosopher sur le bonheur et toutes ces choses là. Étonnée, presque le sourire aux lèvres tu répondis alors :
« C’est sans doute vrai… Mais depuis quand fais-tu ce genre de réflexion ? »
Itsuki déposa les affaires qu’il portait sur son épaule, et s’appuya contre le mur tout en croisant les bras :
« Laisse moi te raconter une dernière histoire avant de partir, du vécu.
Un jour, une jeune fille, sans la moindre once de malveillance au monde, à débarquée à Koya. Bien que ses yeux trahissaient la tristesse de sa vie passée, elle n’en demeurait pas moins rêveuse et souriante. Elle espérait un idéal, non seulement pour les siens, mais pour tous. Elle se rendit vite compte qu’elle demeurerait solitaire un long moment au cours de cette quête qu’elle s’était donnée. J’étais toutefois, de mon côté, rapidement devenu admiratif, intrigué, mais j’espérais également qu’elle parviendrait à accomplir ses rêves, afin que son regard ne cache plus toute cette mélancolie. »
« Des années plus tard, je l’ai rencontré à nouveau. Elle semblait être devenue plus forte, plus sage. Mais son regard avait l’air encore plus vide de bonheur, et la rêveuse avait disparue tout comme son sourire. J’ai vite compris qu’elle ne vivait alors que dans l’ombre de ses erreurs passées, qu’elle n’arrivait pas à se pardonner. Sans jamais penser au bien qu’elle avait pu faire sur son chemin, car elle ne s’en rendait même pas compte. Elle avait souhaitée permettre aux autres de vivre heureux, mais elle avait oublié son propre bonheur. »