La place de chacun

Cela faisait peu de temps que la Kitto était de retour à Konoha, et visiblement elle revenait au bon moment. Le retour de Kimino au poste de Hokage fut surprenant, mais très bénéfique pour Hegi, qui n’était autre que son bras droit désormais. La Kitto ne cherchait pas les postes de pouvoir à proprement parler, non, elle préférait pouvoir agir dans l’ombre sans que l’on ne lui demande des comptes. Aujourd’hui, à l’exception du Hokage lui même, elle n’en devait à personne. Cette nouvelle responsabilité lui demandait du temps, beaucoup trop sans doute. Néanmoins la mère de famille avait apprit de ses erreurs. Elle avait négligée les siens, sous prétexte de servir le village. Tristement, il aura fallut en arriver à la trahison de l’une de ses filles pour qu’elle ne le réalise enfin.

La plus jeune des deux, Eiko, possédait un caractère bien distinct de son aînée. Elle était plus réfléchie, bien moins impulsive et surtout plus timide. Ce côté réservé provenait sans doute de son enfance, qu’elle passa en grande partie enfermée chez elle à cause de sa santé fragile. Avec le temps, Eiko parvint à mieux gérer son chakra, qui était la source de ses maux. Pour une raison encore inexpliquée, la jeune femme dépensait naturellement son énergie et ses jutsus en demandaient plus que la moyenne. Aujourd’hui, elle ne semblait plus touchée par ce trouble, mais le retard conséquent qu’elle prit eu un énorme impact sur sa confiance en elle.
Pour autant, elle n’en demeurait pas moins compétente. Ses deux senseïs, Takumi et Takehiko, appréciaient les progrès de la jeune femme et espéraient pouvoir exploiter son potentiel. Malheureusement, Takumi ayant subit un récent incident l’obligeant à abandonner ses postes de Dôno et de médecin, ne pouvait plus assumer l’apprentissage de la jeune Kitto. La jeune femme se retrouva alors avec des tâches subalternes au sein de l’hôpital, freinant une nouvelle fois d’éventuels progrès.

Une situation qui ne satisfaisait pas Hegi. Alors, elle qui ne recherchait que le meilleur pour sa fille, décida de prendre les choses en main. Bien qu’elle se cantonnait depuis des années à des métiers de bureau, elle n’était pas en reste quant à la maîtrise des arts ninjas, et plus particulièrement celui de son clan. Un domaine dans lequel Eiko n’avait jamais brillée. Son dôjutsu s’éveilla tardivement malgré de maintes tentatives durant son enfance et son adolescence, si bien qu’elle ne chercha jamais à s’améliorer sur ce point. Une chose qu’elle allait devoir changer.
En début de soirée, alors qu’Hegi rentrait tout juste d’une journée chargée de paperasses ennuyantes, elle décida d’aborder le sujet durant le repas que cette dernière avait préparée…

Cela faisait presque 3 ans et tu te voyais toujours en deçà de tes objectifs. Le talent que tu possédais pouvait être considéré comme quelque chose de « sympa » tout au plus, mais rien qui ne te permettais de te démarquer un peu des autres. Peut-être n’y mettais-tu pas assez de bonne volonté, et ton senseï fut-il trop laxiste envers toi, ou tout simplement te mentais-tu à toi même. Finalement, ni l’Irou-jutsu ni le Kijiton ne te convenaient.



Une fois encore, ton manque de confiance en toi te laissait te diminuer auprès des autres. En vérité, tu n’étais pas moins fiable qu’un autre. Peut-être avais-tu moins de compétences, mais ton esprit était lui bien aiguisé. Sans même t’en rendre compte, tu possédais un énorme potentiel. Combien de temps allais-tu continuer à gâcher celui-ci ?



Ces derniers temps, la vie était stressante à Konoha. Plus les jours passaient, plus les nouvelles étaient mauvaises. Cette ambiance angoissante constante jouait grandement sur ton moral. Mais au-delà de cela, tu te sentais trop différente de tes camarades ninjas. Tu ne te sentais pas prête à avoir des responsabilités, la vie d’autrui entre tes mains. Fallait-il t’en vouloir pour cela ? Après tout, tout les utilisateurs de chakra ne sont pas tous faits pour devenir ninja, si ?

Malgré le temps qui passait, Eiko demeurait toujours la même. Hegi, qui l’avait vu grandir, était bien placée pour le savoir. Commencer à maîtriser l’Irou-Jutsu n’était pas à la portée de tous, il en était de même pour comprendre comment soigner quelqu’un. En plus de cela, la jeune femme possédait une affinité unique en son genre. Sans compter qu’elle était parvenue à éveiller son dôjutsu. Eiko possédait une réelle polyvalence sans s’en rendre compte. Sa mère ne fut pas étonnée lorsqu’elle lui annonça vouloir abandonner la voie d’Eiseinin. Et quelque part, elle en fut presque contente, car elle estimait que sa fille devait viser plus haut que cela.





Elle le savait déjà au fond d’elle, mais assister Kimino lui confirma ses craintes. Konoha était loin d’être aussi puissant et prospère qu’autrefois. Fort heureusement, quelques shinobis étaient là pour redresser la balance. Mais plus le temps passait, plus ces mêmes shinobis disparaissaient un à un. Tout le village était complètement désorganisé et seuls les dônos lui permettaient de tenir debout. Mais même eux n’étaient pas éternels et le récent accident de Takumi était venu à nouveau bousculer l’équilibre. Il fallait préparer l’avenir, la Kitto le savait.



Bien entendu, cela allait demander du temps, mais pour l’heure c’était en bonne voie. Hegi avait suffisamment enseignée à Nami pour qu’elle puisse se débrouiller seule désormais. Elle serait évidemment là au besoin, mais sa priorité était maintenant Eiko. Cette dernière ressemblait beaucoup à sa chère amie, l’aisance sociale en moins. Contrairement à elle, il lui était moins facile de gagner le cœur des gens. Malgré cela, elle ne pouvait pas se permettre de laisser sa fille gâcher ses autres talents.

N’avait-elle pas entendue ce que tu venais de lui dire ? Pourquoi fallait-il toujours qu’elle passe par ses grands discours ? Ta mère voyait en toi une personne que tu n’avais jamais songé à devenir. Peut-être était-ce normal pour une mère d’avoir de l’ambition pour ses enfants, mais tu ne pouvais pas t’empêcher de penser qu’elle cherchait surtout à rattraper ses propres échecs. Si quelqu’un dans la famille pouvait prétendre à une grande carrière militaire, cela aurait été Kyoko et certainement pas toi. Beaucoup seraient touchés d’avoir un parent aussi investis, mais toi tu étais lasse. Fatiguée de constamment avoir peur de décevoir, de devoir atteindre des standards pour ne pas faire honte aux tiens.

Ce n’était pas contre l’idée d’assister ta meilleure amie. La voir devenir Hokage serait certainement une fierté partagée et tu n’hésiterais pas à l’aider si elle en avait besoin. Mais tu ne te voyais pas l’aider à diriger un village entier. Toutefois, tu vis dans le regard de ta mère une réelle sincérité. Elle croyait en ce qu’elle disait et n’avait peut-être pas tort sur certains points. Abandonner tes responsabilités, le fait d’être une kunoïchi, était une attitude lâche. Des gens pourraient un jour avoir besoin de toi après tout. Légèrement à contrecœur, tu répondis alors :



Ton aînée avait toujours été la meilleure partout. Du moins, c’était ainsi que tu la voyais, car elle te servait d’exemple depuis toujours. Tu étais loin de savoir que ta sœur avait connue bien des déboires avant de commencer à maîtriser ses capacités. Une seule chose vous différenciait sur ce point : votre détermination. Elle refusait toujours d’abandonner, quitte à se blesser lors de ses entraînements. Combien de fois avais-tu du la recoudre en cachette ? Tandis que toi, tu avais peur de la vie, peur du monde et peur de toi même. Tu savais qu’aborder le sujet n’était pas chose facile, vous n’en parliez pour ainsi dire jamais, comme quelque chose de tabou. Mais tu craignais que son départ n’ait poussé votre mère à placer tout ses espoirs en toi…

Elle n’avait pas tort, beaucoup de jeunes ninjas possédaient de véritables talents. Leurs capacités étaient même bien supérieures à celles d’Eiko, cela était irréfutable. Mais il leur manquait autre chose, une véritable bienveillance, de la compassion et une absence totale de haine ou de rancune. C’est alors, d’un sourire rarement affiché sur son visage, qu’elle lui répondit en tout honnêteté :



Elle marqua une courte pause, la Kitto évitait au possible d’aborder tout sujet concernant de près ou de loin Kyoko. C’était un moyen pour elle d’éviter d’y penser, même si cela s’avérait impossible en réalité. La Kitto reprit alors :



Être un ninja puissant n’était pas suffisant. Autrefois, Kyoko avait elle aussi le cœur sur le main. Prête à aider quiconque, à se battre contre ce qu’elle considérait injuste. Mais elle en demeurait trop impulsive. Peut-être l’âge a-t-il finit par la changer sur ce point, mais la Kitto en doutait au fond d’elle. Aujourd’hui, sa fille était une femme aveuglée par ses propres idéaux, prête à s’en prendre à ceux qu’elle aidait autrefois pour parvenir à ses fins. Submergée par ses propres émotions, elle avait choisie une voie dont elle n'avait que peu de chance de revenir. Eiko, bien que jugée comme une personne émotive, n’en était pas moins capable d’y faire face. Tout ce dont elle avait besoin, c’était de confiance en elle. La mère de famille termina alors par une simple proposition :

Tu ne savais comment réagir à ces mots. Pour la première fois de ta vie, tu avais l’impression d’avoir réellement réussie quelque chose. Finalement, ne recherchais-tu pas inconsciemment sa seule reconnaissance ? Les larmes te montaient aux yeux alors que tu demeurais silencieuse. Tu avais toujours pensée que tu étais l’éternelle seconde pour elle. Celle dont on attendait des résultats sans réellement s’en soucier. Savoir que c’était finalement tout le contraire te faisait ressentir quelque chose d’extrêmement fort au fond de toi. Tu n’avais pourtant jamais été jalouse de ton aînée, mais les apparences firent qu’elle semblait d’emblée destinée à de grandes choses pendant que tu restais dans l’ombre. Une situation que tu croyais apprécier. Mais lors de son départ, tu te retrouvas perdu. Qui étais-tu finalement ? Pourquoi vivais-tu ? Tu n’étais pas simplement sa sœur mais bien une personne à part entière.
Alors, au lieu de mots, tu répondis par un geste bien plus rare et significatif. Tu serras intensément ta mère dans tes bras, une chose que tu n’avais pas faite depuis toute petite. Larmoyante, tu lui dis enfin :



Tu reculas alors d’un pas tout en séchant tes larmes. Tu essayas immédiatement de te reprendre, tu ne pouvais pas te laisser aller après tout, tu avais un avenir à conquérir. Si ta mère y croyait, pourquoi n’en serait-il pas de même pour toi ? Tu acceptas alors de laisser une dernière chance à ta vie en tant que kunoïchi :