Rumeurs engageantes

Kano et Liya étaient descendus vers le sud à la fin de l'automne et sont arrivés à Tekunoroji au milieu de l'hiver, les premiers pas de la Chikara dans cette ville lui furent une impression bizarre, comme si elle revivait des choses particulières. Ca faisait tout de même un sacré moment qu'elle n'avait pas été dans une ville quelconque, alors c'était un peu particulier.



Elle ne savait pas si elle était impressionnée, joyeuse ou terrifiée. Tant d'émotions lui traversaient l'esprit, elle ne savait où regarder ni où mettre les pieds. Liya restait accroché à l'homme au chapeau afin de ne pas se perdre ou ne pas se faire bousculer, il agissait un petit peu comme un bouclier humain.

Depuis les montagnes de Tetsu, ils avaient pas mal marché, la Chikara était beaucoup plus rapide car ses jambes avaient pas mal pris en muscles. Elle avait vraiment envie de dormir dans un vrai lit pour une fois, c'était plutôt le projet. Kano lui avait également inculqué toutes les bases qu'il avait eu envie de lui apprendre, on pouvait dire qu'elle avait terminé son entraînement, maintenant la seule chose qu'elle attendait, c'était son propre katana qu'elle pourrait chérir avec passion.



Il était encore le milieu de l'après-midi et Liya avait bien envie de profiter de la fin de journée pour faire des choses avec lui et découvrir la ville. Elle avait vraiment envie de voir comment les gens d'ici vivaient, même découvrir l'architecture l'interessait ! Elle trouvait la pierre avec laquelle étaient faits les bâtiments somptueuse, elle était vraiment comme une enfant émerveillée devant la beauté de la nature. Elle eut un petit rictus quand elle se rendit compte qu'elle se montrait autant comme ça uniquement grâce, ou à cause, de son compagnon de route. Aussi, une question lui taraudait les lèvres.



Elle le regarda avec des yeux pleins d'espoir, elle voulait tellement dormir dans un lit confortable qui lui ôterait ses maux de dos. Elle n'en pouvait plus de dormir à même le sol. Elle espérait tellement qu'il lui réponde "dans une auberge" mais elle ne devait pas se faire trop d'espoir, elle serait probablement très déçue sinon.

Tekunoroji, la grande ville commerciale où se croisent la plus grande diversité d'individus de tout le continent. Un lieu incontournable tant j'en ai longuement entendu parler dans ma vie autant à travers de simples discussions ou des ouvrages historiques et touristiques. Malgré mes nombreux mois de périple, je n'étais encore jamais venu ici.

Notre descente des zones montagneuses nous ayant directement menées ici, il aurait été dommage de ne pas y faire un léger détour, bien qu'il est évident que ce n'est pas par ici que je trouverais ma terre promise. Aujourd'hui, le programme serait simple et plaisant : explorer la ville, s'approvisionner et profiter de l'ambiance unique de cet endroit.



Alors que nous entamions notre déambulation à travers moultes commerces en tout types, allant de simples vendeurs cosmétiques à de véritables armuriers, Liya sembla déjà s'inquiéter de dormir une nouvelle fois à la belle étoile.



De plus, durant notre petite visite touristique, j'observa discrètement certains armuriers, attendant de trouver le plus convaincant afin d'y dénicher un cadeau pour ma jeune disciple. L'occasion de dénicher une lame convenable et élégante ne se représenterait que difficilement ailleurs, auprès de marchands itinérants alors autant en profiter.

Kano proposait à la Chikara de simplement visiter la ville et les commerces, ce qui était totalement de son goût et exactement ce qu'elle voulait faire, il ne pouvait pas mieux tomber ! Elle essayait de cacher son bonheur derrière un sourire malicieux mais elle était tellement heureuse. Être dans une ville aussi grande lui procurait des émotions incroyables, elle les adorait.



Ils enchainaient les commerces, Liya n'en avait jamais vu d'aussi beaux, d'aussi fournis, d'aussi chers aussi. Il y'avait de tout, pour tout le monde. Elle était subjuguée par cette diversité, par la beauté des bâtiments et statues autour d'elle. Elle était vraiment comme une sorte de gamine, par égo elle essayait de ne pas le montrer mais elle n'était pas sûre de la réussite de ce camouflage.



Elle était infiniment ravie par cette nouvelle, elle pourrait dormir sans avoir mal au dos une fois de plus et c'était quelque chose qui la ravissait.



Elle posa cette question à Kano car elle le voyait scruter les différents commerces, pas par curiosité mais comme si il cherchait quelqu'un ou quelque chose, elle ne pourrait pas dire. Elle ne voyait pas quelqu'un en particulier qui pourrait connaître Kano ici, ou alors il ne lui en avait jamais parlé.

Ils continuèrent leur périple à travers la ville, allant à travers différentes rues, certaines étroites, d'autres larges, mais toutes avaient de chaque côté d'elles, de magnifique bâtiments en pierre que la Chikara pouvait à peine quitter des yeux. Elle était simplement émerveillée, par tout.

Deux heures s'écoulaient finalement sans que l'on ne reparte avec grand chose en poche, regardant sans acheter, nous contentant simplement de commenter les articles et la ville. C'est alors qu'une boutique visiblement ancienne attira mon attention. Celle-ci avait une vieille devanture en bois avec un écriteau sur lequel le nom était au trois quarts effacé. Cependant, dans l'entrée, un vieil homme en kimono trônait là, assis sur une chaise, se tenant appuyé sur un katana, semblant presque s'en servir comme d'une canne. Ce qui m'interpela le plus fut le petit air de similitude que je pouvais déceler entre cet homme et mon propre père, Akira, un vieil homme au style très traditionnel qui aurait pu finir comme ce vieux marchand si il n'avait pas fui dans ces plaines lors du départ de Kiri.

Je m'approcha alors de la devanture de la boutique tandis que Liya semblait occupée à regarder les articles du magasin d'à côté.



Le vieillard leva alors la tête en ma direction, me scrutant de la tête au pied tout en marquant un certain temps d'arrêt au niveau de ma propre lame.







Péniblement, le vieil homme s'appuya sur sa lame/canne afin de se relever de sa chaise avant d'avancer lentement jusqu'à l'intérieur de sa boutique.

Je fis alors un signe à Liya afin qu'elle me rejoigne.

Pendant quelques heures, ils regardèrent les différentes boutiques et différents articles. Liya les regardait avec les yeux grands ouverts. Ils n'avaient rien acheté, mais pour la Chikara c'était tout comme, elle avait juste été passionnée par ce qu'elle avait vu, et ça lui suffisait largement. Alors qu'elle regardait un énième magasin, Kano l'interpella et l'invita à rentrer dans une boutique. A l'intérieur, il y'avait un vieil homme qui tenait un katana dans son fourreau, laissant apparaître juste la base de la lame, il était magnifique.



Elle regarda Kano, elle était surprise. Il lui fit un petit signe de la tête afin de lui signifier que oui. Elle a cru fondre en larme pendant un instant. C'était vraiment sa lame ? Elle était magnifique, luisante et avait l'air facilement maniable. Elle se rua vers Kano qui la prit dans ses bras, après une seconde de réflexion elle se demandait ce qu'elle faisait. Ce n'était pas dans ses habitudes d'être sentimentale, mais c'était trop pour elle. Elle se recula doucement.



Ce cadeau touchait beaucoup la jeune fille. C'était la première fois qu'on lui offrait un vrai cadeau, et ce cadeau la touchait en plein cœur.



Elle essayait de s'occuper mentalement pour ne pas se montrer trop à découvert émotionnellement. Et puis la réponse intéressait Liya, cela faisait un moment qu'elle n'avait pas fait preuve de curiosité... enfin elle le croyait.

Après ce cadeau, quand la soirée commençait à s'installer et que la fraîcheur hivernale de la journée laissait place à l'obscurité de la soirée, ils trouvèrent une auberge où ils pourraient manger et dormir. Ainsi, ils passèrent quelques instants au bar de cette auberge, à discuter avec d'autres gens et entre eux avant d'aller à une table pour qu'on leur serve un repas. Les personnes qui se trouvaient à la table juste derrière eux ne disaient rien qui vaille à la jeune Chikara. Ils étaient armés, parlaient fort et étaient imposants. Mais à un moment, les paroles d'un des deux hommes attirèrent son attention.



Elle tendit l'oreille.



Liya regardait le bois de la table avec les yeux grands ouverts, elle était choquée. C'était exactement la description de sa sœur, elle se rappelait de sa capacité à matérialiser le chakra comme personne. C'était sans aucun doute elle. Après qu'elle se soit remise de ses émotions, elle regarda Kano, il avait entendu aussi.

Le visage émerveillé de Liya face à sa nouvelle lame fraîchement acquise me combla de bonheur, me rendant à la fois fier de voir ma jeune élève posséder sa première lame et nostalgique en assistant à ce spectacle ressemblant presque totalement au jour où l'on m'a offert le mien.



Une fois l'euphorie du moment apaisée, nous nous étions rendus dans une auberge à proximité de l'armurier dans laquelle ce que je suppose être de nombreux voyageurs comme nous, profitaient de la grande salle commune pour boire, discuter et simplement profiter de l'ambiance générale. La soirée se déroula bien tandis que nous profitions de l'ambiance nous offrant un environnement vivant à l'inverse de la nature plus calme et sauvage dans laquelle nous évoluons plus fréquemment.

Soudain, le visage si joyeux de ma jeune élève se mua en une sorte d'expression de choc ne manquant pas de me faire réagir. Il semblerait que la discussion se tenant juste à côté de nous ne laissa pas indifférente la jeune Chikara. Bien que je ne connaissais pas sa sœur, il semblait assez évident que la description faite par ces individus était suffisamment précise pour la faire réagir.



Dis-je d'une voix plus discrète que nos deux voisins de table.

Mon regard devint celui d'un homme inquiet. Inquiet à l'idée que sa jeune élève ne fonce tête baissée sans réfléchir avant. Je sais bien ô combien ce sujet était particulièrement sensible pour elle. Après tout, la famille est ce qu'il y a de plus important en ce monde. Afin d'en savoir plus, nous restions alors là, écoutant la conversation d'une oreille afin de voir si l'on pourrait tirer quelques précisions supplémentaires pouvant affirmer ou réfuter cette pensée ayant envahi Liya depuis quelques instants.

Liya avait rarement été autant dans une position d'élève, elle apprenait littéralement la vie. Pas que dans le moment présent cela ne la ravisse pas, mais elle devait reconnaître que c'était un feeling plutôt particulier. Même si elle en prendrait soin, elle aimerait également lui promettre qu'elle en ferait bon usage, mais elle était beaucoup moins sure de cette deuxième information et ne voulait pas mentir à Kano. Ce n'était pas dans ses plans d'en faire quelque chose de mal ou d'immoral, mais cela était une possibilité parmi tant d'autres, surtout selon les critères de son compagnon de voyage.



Si elle devait décrire sa sœur telle qu'elle l'avait connue, elle le ferait exactement de la manière qu'elle avait entendu. Il n'y avait presque aucun doute possible, c'était elle. Cette information retournait l'estomac de la jeune fille. Le désert était loin, très loin. Mais peut-être qu'elle pourrait l'atteindre, peut-être en un mois, deux mois, elle pouvait le faire. C'est ce qui comptait le plus au monde pour elle, rien ne surpassait ce désir qu'elle avait, aucun sentiment n'était aussi fort. Elle baissa un peu la voix.



Elle était très claire sur ses paroles, elle avait par contre un peu baissé le son de sa voix, elle ne voulait pas vraiment se faire déranger par les deux autres.



Elle était tellement pressée de commencer à partir à sa recherche. Enfin elle avait une piste, cela faisait si longtemps qu'elle attendait d'en avoir une et l'opportunité venait de se présenter, la Chikara ne voulait pas la rater.

Comme je commençais à le pressentir, la jeune Liya était prête à foncer tête baissée vers le désert se trouvant de l'autre côté du continent, ne se fiant qu'à une rumeur pouvant autant être erronée qu'ancienne. Je savais que je ne pourrais pas la retenir tant cet objectif était la priorité absolue de la Chikara et de toute manière, je m'en voudrais de la priver d'espoir, surtout concernant sa sœur dont elle m'a tant parlée. La seule chose que je peux donc encore faire, c'est l'empêcher de foncer bêtement sans un itinéraire, des provisions et même tout simplement : un plan.



Je me leva alors de ma chaise tandis que les deux individus semblaient avoir changé de sujet pour de bons, enchaînant les verres d'alcool.



Bien que semblant totalement obnubilée par cette nouvelle, celle-ci m'emboîta le pas, sortant de la pièce commune avant d'y gravir l'étage nous séparant de nos chambres. Je l'invita alors à rejoindre la mienne avant de sortir une carte de mon sac.



Je lui tendis alors ma carte, une bonne partie de mon argent ainsi qu'un ou deux outils utiles pour son voyage.



J'en faisais beaucoup et n'avais pu m'empêcher de monopoliser la parole. Au fond, l'idée de voir ma jeune élève partir aussi soudainement me peinais naturellement, bien qu'il était évident que ce jour finirait par arriver. Désormais, je me devais de l'aider à planifier ce voyage et espérais sincèrement pouvoir la retrouver un jour.

Elle ne comprenait pas vraiment ce qu'il se passait, elle se sentait à la fois remplie de vie et à la fois complètement vidée. La jeune Chikara ne savait plus quoi penser, c'était ici son point de départ, non pas le point de départ d'une quête de plus, d'une aventure ou bien d'un voyage. Mais bien le point de départ de sa vie entière, celle-ci commençait ici et maintenant. C'était plus qu'une simple retrouvaille qui se jouait.

Kano la sortit alors de son état second et lui demanda de le suivre à l'étage. Elle lui emboita le pas, de toute façon elle n'était pas sûre d'avoir actuellement la force mentale suffisante pour faire autre chose, elle était complètement perdue et cela monopolisait sa tête. Liya rejoignit alors son compagnon de voyage dans sa chambre, elle l'écouta parler jusqu'au bout, elle était très attentive à ses paroles, encore plus que d'habitude.

Plus les mots sortaient de la bouche du Sekken, plus elle croyait pleurer, elle retenait ardemment ses larmes. Elle ne pensait pas les avoir déjà montré à quelqu'un, et ce n'était pas aujourd'hui que ça allait changer. Quand il fit une pause dans sa phrase et qu'il commençait à lui tendre des objets qui pourraient l'aider. Elle sentit que c'en était trop. Elle se jeta dans ses bras, ce devait être surprenant aussi pour le Sekken, elle n'était pas comme ça d'habitude, hormis pendant les entraînements, et là encore... Ils n'avaient jamais vraiment eu de contacts physiques. Après quelques secondes où Kano ne savait pas où mettre ses mains, comme désemparé, il finit par les poser sur le dos de la Chikara, essayant d'essuyer ses larmes habilement. Elle tenta de prendre une voix normale.



Bon, c'était raté, sa voix avait tremblé. Même si il s'en doutait au moins il ne l'aurait pas directement vue pleurer. Elle renifla et s'écarta de lui.



Elle n'allait pas mentir, cela l'arrangeait de pouvoir passer une nuit sans se casser le dos à dormir sur le sol. Elle était quand même motivée à l'idée de partir à l'instant, mais elle allait écouter l'homme, elle pouvait au moins faire ça pour lui. Ils passèrent les prochaines minutes à déterminer un itinéraire qu'elle pourrait emprunter, voir quelles zones étaient dangereuses, quelles zones étaient à éviter et de quoi fallait-il se méfier à certains endroits. Elle avait pendant tout ce temps le sentiment d'être très lourde de l'intérieur et elle se disait que c'était sûrement à cause d'une journée épuisante, mais probablement pas que. Elle alla se coucher dans sa chambre quelque temps après.

Le lendemain

Liya s'était levée aux aurores, elle avait passé une nuit agitée, mais plus réparatrice qu'un coucher à la belle étoile. Kano aussi avait été matinal, il l'accompagna jusqu'à la porte de Tekunoroji, l'ambiance était un peu lourde mais il n'y avait rien de plus normal. Elle ne savait pas où il partirait maintenant, mais elle ne voulait pas s'y intéresser, elle ne voulait pas y être attirée. Une fois à la porte, ils se firent un au revoir maladroit, chargé d'émotions. Une fois qu'elle était plus loin, elle se retourna. Kano la regardait toujours, comme s'il surveillait sa progéniture, Liya sentit une larme couler sur sa joue à cette idée, avant de reprendre son chemin.