Cérémonie d'adieu

Kumo étant un pays peu religieux, le lieu servant aux cérémonies des enterrements était consacré à cela. Il était divisé en plusieurs parties, les salles étaient distribuées de façon à ce que l'entourage puisse toujours s'asseoir. Au final, le bâtiment n'était qu'une grande salle se divisant à vouloir. Pour la première fois depuis la mort du seigneur Raikage, les salles avaient toutes été réquisitionnées. La mort de la vieille femme allait attirer une bonne brochette de futurs clients pour le funérarium.

La Okasan étant une femme de prestige, son corps avait été parfaitement nettoyé et sa place dans le cimetière semblait toute trouvée. Habituellement, le corps du défunt était lesté de ses points Tenketsu, cela n'avait pas été fait pour cette fois-ci. Effectivement, la vieille n'avait rien à cacher.

La salle rougeâtre resplendissait, les sièges étaient nombreux. Il y avait même un buffet dans l'aile droite de la salle. Les ninjas étaient majoritairement invités, les Miwaku de même et pour terminer, les plus fortunés se déplaçaient en hommage d'une diplomate de renom. De mauvaises langues voulaient tenter l'invitation des nations environnantes, cela avait été simplement refusé. Allongée sur son lit de mort, sur la scène principale, Okasan semblait reposée.

Quelques jours après la mission avec Genichi...

Bien que peu appréciée par la vieille femme, Hidemi s'était timidement déplacée. Elle ne savait pas réellement pourquoi. Elle possédait une certaine amertume, elle s'imaginait finalement perdante. La Okasan avait pu trouver les mots pour finalement se taire au bon moment. Le village ne pouvait que lui en remercier. Entièrement vêtue de noire, la Kunoichi s'était efforcée de répondre à certains principes. Et pourtant, elle semblait faire tâche au milieu de Miwaku, ils étaient colorés comme jamais et semblaient trinquer à cette mort. La Hattori comprenait les traditions des cohabitants, mais possédait un certain mal à réellement les accepter. Chaque personne était libre d'aller se confesser à l'ancienne. Son corps était visible et le cercueil ouvert. Hidemi s'y dirigea pour pouvoir enfin dire la vérité :



Elle se retourné assez franchement. Elle venait d'avouer sa défaite à son adversaire. Elle s'empêcha de laisser une larme couler. Non cette mort ne l'attristait pas, le village était préparé. Elle s'inquiétait plutôt pour le Raikage. Il n'avait jamais été préparé à la mort. Il ne savait la prendre. La vieille femme en était auparavant convaincue. Il était dorénavant trop tard, il allait simplement falloir recoller les tasses brisées...

        À la mort de l'Okasan, tout le clan avait été chamboulé. Bien que tous savaient sa mort évidente, nul ne pouvait ignorer cette grande vie éteinte pour toujours. Si la tristesse avait plongé le clan au grand complet, seul Raiko s'était perdu dans un marasme si sombre que sa santé en avait souffert. Le bordel avait été fermé et peut-être ne rouvrait-il plus jamais... Après tout, à quoi bon tenir un établissement qui avait eu pour seule vocation de réduire à néant tout l'espoir qu'avait placé en toi une mère étendue là, au milieu d'une salle rouge.
        Si les coûts avaient été majoritairement absorbés par le clan Hattori, les dernières dépenses avaient été prises en main par le fils illégitime de la grande Dame. Raiko avait d'ailleurs fait fort et malgré son air émacié, tentait de garder la tête froide. Ainsi, caché derrière quelques filles, dont Jun, il observait le cortège de gens venues saluer pour une dernière fois la femme morte. Quant à Raiko, il avait pris un moment, plus tôt, pour faire ses adieux. Des adieux bouleversants que seul un fils tourmenté par son rapport avec sa mère pouvait faire. Des adieux entrecoupés de sanglots, de cris et de rage.
        Heureusement pour le bellâtre qu'une personne proche l'avait relevé avant que les invités n'entrent. Une personne que Raiko avait pris soin de cacher au reste du clan. Une personne dont l'esprit avait été soumis par la force à celui de Raiko... Une personne qui était dès lors de le seul et unique souvenir que pourrait garder physiquement l'androgyne de sa mère.

        Une main se posa sur le torse du bellâtre et Raiko baissa les yeux. D'un sourire tendre, il embrassa sur le front son nouvel enfant, caché sous une capuche afin que nul ne puisse la remarquer... Et venir les déranger.



        Fit-elle d'un tout bas.



        Répondit l'androgyne d'un chuchotement.

Certaine parole de l'Okasan résonnait encore dans l'esprit du jeune Miwaku... Mais tout cela n'était que fictif, par le simple fait qu'à l'heure actuelle, Genichi était positionné dans une salle, devant le corps inanimé de la vieille Dame, qui pouvait enfin, du moins l'espérait-il, reposer en paix... Selon les dire de cette grande sage, il aurait oublié ces sentiments, il les aurait délaissés, mis sous verrou au plus profond de lui même... Peut-être avait elle raison, où peut-être était-il incapable de ressentir de la tristesse dans les moments où les autres s'écroulent sous le chagrin et le désespoir.
L'ambiance était lourde, sombre, triste, entre les murmurent et les sanglotements, nul être normalement constitué ne pouvait être alaise dans un tel environnement... Et pourtant, Genichi donnait l'impression de ne rien éprouver, une vie de plus avait fait son temps, il n'était ni en train de passer un moment agréable, ni même un mauvais moment, il était présent uniquement car les coutumes sont ainsi faites ... Rendre un dernier hommage au défunt!
Puis l'ombre repensa aux dernières paroles qu'il avait pu échanger avec l'Okasan. Il lui avait proposé l'impensable, abrégé cette douleur pesante en lui ôtant la vie... Pour qui avait dû t-il passer aux yeux de cette vieille dame à ce moment là? Mise à part avoir pu observer une larme s'échapper... Après avoir fait part de ça courte présence, il décida de s'éclipser discrètement, comme il avait la douce habitude de faire...

L'ambiance pesante semblait faire trembler les murs du lieu ancestrale. Le Raikage n'était toujours pas là. Des murmures signifiaient sa lâcheté ou son manque de respect. Mais globalement, les têtes pensantes n'étaient pas d'humeur à spéculer. Alors que le silence était à son paroxysme, une lance fut lancée en direction de Hattori Hino.



Des hommes portant le même masque sortirent de plusieurs endroits de la salle. Des fumigènes rendirent la vision difficile. Le but secondaire étant de kidnapper Miwaku Asae. Cette femme était la nouvelle Okasan, elle ne devait pas réitérer ce que sa prédécesseur avait pu faire. Hattori Masashi se devait de changer, sans ça, Kumo tomberait aux yeux des hommes intervenant sous ce lugubre masque.

Hidemi se retourna. Il était trop, l'arme était lancée et l'intendante était trop loin pour sauver la femme. S'était-elle fait embrocher ? Ceci était une question à laquelle la Hattori ne pouvait répondre. L'actuelle représentante du FDD était visée. Cette leadeuse n'étant pas une ninja au grand caractère, sa fonction était sûrement la cible. Ainsi, les assassins étaient possiblement des membres du parti de Hidemi. Elle haussa les sourcils en soupirant. Des crétins.



La fumée empêchait réellement de voir quelque chose. Les Chakras étaient bien trop nombreux, cette attaque était assurément orchestrée.

        Un cri. Suivi d'un autre. Les masques rouges débarquèrent dans une fumée opaque. Le chaos fut si soudain que Raiko, non-entraîné à ce genre de situation, fut pris par surprise et pris un moment pour comprendre ce qui se passait. Il avait été en retrait de la grande salle, près d'une petite pièce privée afin de se retirer s'il en sentait le besoin. La fumée ne l'atteignait pas encore

        Des ombres effrayantes s'affrontaient dans le brouillard. Soudain, l'une d'elle bifurqua vers le petit groupe de l'androgyne. Raiko, pris de peur, composa des mudras en vitesse et un petit vent puissant s'accumula devant lui. Le masque rouge eut à peine le temps de sortir de la fumée qu'il y fut aussitôt renvoyé dans une bourrasque violente. Et le brouillard, trop dense, l'avala aussitôt.

        Raiko se retourna vers ses filles. D'un ton contrôlé malgré sa panique, il prononça fermement :



        Puis ils se séparèrent. Jun empoigna une Asae ébahie et l'embarra dans la petite pièce. Quant à Raiko, il pénétra à son tour dans la fumée, le bras devant le nez. Il devait profiter de cette situation avant qu'elle ne lui glisse des doigts !

        C'était officiel, Hattori Hino était décédée. La pointe de la lance semblait transpercer son cœur. Bien que le pouvoir du Raikage n'était pas en cause, les choses semblaient bien différentes depuis peu. Une ombre semblait tourner autour de Raiko, la voix profonde de l'homme sortait de nul part :



        Bien qu'écoutable par la vipère, la voix ne semblait pas se propager dans l'environnement des autres protagonistes. Un Genjutsu ? Une affinité ? Les possibilités étaient bien nombreuses.



        Et si finalement le véritable objectif était d'exposer Raiko à la vérité ? Asae n'avait été qu'un pion depuis le début. La convaincre via une attaque terroriste était impossible. Mais le fils de Chihiro était différent, il réfléchissait avant de répondre... La fumée semblait s'aménuiser dans certaines zones. Les "masques rouges" n'étaient plus vraiment nombreux, quelques cadavres gisaient au sol. Principalement des bourgeois. Des hommes désirant la paix pour la monnaie, préférant le profit personnel et une égalité les favorisant. Mais aussi des êtres ne croyant absolument pas au fils de Chihiro...

        La porte d'ouverture explosa, une ombre reconnaissable semblait se démarquer par la lumière pénétrant dans la salle par l'entrée qu'il venait d'emprunter.

        Raiko fut rapidement pris au piège. S'immobilisant, sa main se glissa dans son dos afin d'empoigner un kunai. S'il savait n'avoir aucune chance, il ne mourrait pas sans combattre. Aussi fut-il surpris d'entendre la proposition de l'ennemi. Puis il masqua son sourire. Que savaient-ils de son pouvoir ?

        D'une pointe d'ironie, l'androgyne à son meilleur répondit :



        Termina Raiko d'un élégant hochement de tête. Force était d'avouer que ces terroristes avait le goût du spectacle. En devenir la vedette comblait le proxénète d'une excitation jouissive.

        Doutant que son petit manège ne plaisait à tous, il précisa, toujours amusé, quoique plus sérieux :



        D'un petit rire, Raiko pensa à donner sa carte ; la farce aurait peut-être été moins bonne.

        Soudaine, la porte explosa et la vipère crut reconnaître cette cette ombre magnifique au travers de la fumée. Son sourire s'étira d'avantage : il adorait savoir le destin de son côté !



        Raiko leva haut son bras armé de son kunai, avant de se le planter dans la cuisse. La douleur fut atroce et l'androgyne tomba à genoux. Il espérait faire comprendre à son interlocuteur invisible que l'entretient était maintenant terminé. Chacun devait reprendre son rôle respectif, et Raiko était la victime.

        Mais pour encore combien de temps ?

        La fumée se dissipa, les vermines ne semblaient plus réellement visibles dans les décombres. Les regards semblaient s'orienter vers Masashi. Ce n'était pas réciproque. Il n'était ici que pour une seule raison ; Chihiro. En découvrant la porte fermée, il n'avait pu se contrôler en l'explosant le plus bêtement possible. Il se mit à marcher lentement vers celle qu'il considérait le plus.

        Se courbant afin de se retrouver face à elle, il sembla prendre un tissu dans sa poche. Celui-ci était élégant et avait été préparé avec soin. Il le posa sur son visage.



        Le voix glaciale du Raikage semblait se propager comme une reproche. Il courba légèrement sa tête.



        Il quitta Chihiro des yeux pour regarder l'assemblée de façon mélancolique.



        Il observa une nouvelle fois cette femme qu'il semblait tant respecter afin de soupirer avec regret. Il se devait d'être présent pour Shizuka, elle était actuellement en train d'accoucher... Il fit demi-tour.

        La fumée disparaissait, comme aspirée par les coins d’ombre de la salle. Les masques rouges étaient partis, mais leur apparition avait attiré le roi des monstres, l’être le plus craint de tout Kumo. Raiko ne pouvait qu’admirer cet entité de chair et de lumière, mais en même temps, il désirait lui cracher au visage. Comment osait-il ainsi profaner le repos de sa mère et de bafouer d’un vulgaire linge les traditions Miwaku ? La colère, la rage et la mort régnaient dans les yeux de la vipère, ce pourquoi elle baissa les yeux et porta une main à son cœur. Masashi, objet de désir, était aussi attirant que la première fois que Raiko l’avait entrevu, enfant, caché derrière les vêtements de sa mère.

        Mais déjà, le Raikage partait. Raiko voulut alors le suivre. Sa blessure à la jambe lui envoya un choc de douleur et le sang tacha ses beaux habits. Tout de même, le bellâtre parvint à claudiquer jusqu’à l’entrée. De là, il s’adressa au Raikage. Dans sa voix régnait le respect du Miwaku vis-à-vis de son maître, mêlé à un soupçon d’inquiétude.



        La dernière phrase avait été dise dans un murmure ne s’adressant qu’au chef du clan Hattori. Il savait que cela pourrait attirer l’attention de Masashi, ne serait-ce qu’une seconde. Il souhaitait juste marquer l’instant, et peut-être retardé Masashi d’une seule et unique seconde…

        Seconde qui servirait peut-être aux masques rouges pour s’infiltrer chez le Raikage et continuer d’affaiblir la position de Masashi…

        Mais Raiko ne pouvait en être sûr. Et cette pensée restait enfouie au plus profond de son être, derrière cette forteresse qu’était son doux mais triste sourire. Après tout, sa mère avait réellement aimé Masashi, à en rendre jaloux son propre fils.

        Quasi soudainement, Hidemi se rapprocha de son Kage, comme pour le protéger. Elle n'était pas du genre à craindre pour la vie de quelqu'un, mais le lieu était plus qu'hostile. Elle s'arma ainsi d'un kunaï afin de scruter les environs tout en suivant avec tact son Raikage. Lorsque Raiko s'approcha, elle répondit avec clarté :



        Hidemi ressentait pour la première fois quelque chose d'horriblement différent dans le Chakra des environs. Elle n'avait jamais su mettre un mot sur l'énergie de Masashi, celui-ci était instable. Pour la première fois, elle ressentait précisément ce qu'il était. Souffrait-il autant qu'il le laissait penser ? Estimait-il la situation ? Comment allait-il pouvoir évoluer si la mort n'en devenait point évidente à ses yeux ?



        Cet homme n'avait pas été apprécié pas sa mère. L'ennemi d'un ennemi, était-il forcément un ami ?