[Hôpital] Guérir

        Elle ne l'attendait pas. Pas aujourd'hui, pas à cette heure. Et Tetsu ne savait même pas si elle serait là. Mais il avait besoin de la voir, rapidement. Son ventre se noua lorsqu'il ouvrit la porte, la glissant délicatement sur le côté sans même cogner. Penchant la tête pour entrer, non pas parce qu'il était trop grand, plutôt par respect, il haussa à peine le ton pour indiquer sa présence. Elle se retourna.



        Comme à chaque fois qu'il la voyait, Tetsu en avait les larmes aux yeux. Incapable de s'exprimer, incapable de réfléchir, la douleur lui tordait la poitrine, comme si son coeur voulait en sortir. Tout son corps tremblait, sa peau était moite et la sueur perlait à son front. Lui qui était d'habitude serein et calme, son regard, cette fois, tentait d'accrocher celui de la belle et de communiquer par ce simple échange ses plus vives émotions. C'est ainsi qu'il se retrouva dans le petit lit du bureau, haletant, ses yeux d'azur vissés dans ceux gris mas de la belle.
        À ce moment, Tetsu crut mourir.



        La douleur fut fulgurante et le pauvre se tordit pour tenter de l'oublier. Le sang séché à la commissure de ses lèvres n'indiquaient rien de bon et Tetsu, incapable de respirer calmement, s'accrochait à la blouse de son médecin.

Il était un temps, alors que la jeune Kazami venait d'accéder au poster de bras droit du Hokage dans sa plus grande fierté, où elle fut connaissance de son rival, Tetsu. C'était le bras droit du Hokage Chikara de l'époque, Yasuo Chikara. Bien qu'ils ne s'étaient jamais affrontés, ses sens étaient aux aguets à chaque fois qu'elle le croisait. Devait-elle adopter un sourire ou un regard froid ? Elle n'avait jamais sut. Tentant d'être neutre, elle ne lui avait que très peu parler.

Mais ce temps était révolu. Yasuo-sama était mort, déserteur du village. Depuis ce jour, on n'entendit plus parler de Tetsu. Telle une ombre, on pouvait penser le croiser de temps en temps si on avait de la chance et le regard vif. Cependant, quelques mois après cette disparition, la jeune Junin vit fréquemment le Chikara. Bien qu'il ne s'agissait que d'une relation médicale, elle n'en avait parlé à personne.

Elle était dans son bureau lors qu'il frappa. Surprise car elle ne l'attendait pas, il entra dans la pièce et se rua sur le lit. Il était vraiment en mauvaise état. Malade était-il encore un mot pour décrire un tel corps ? Meurtris du corps mais aussi de l'esprit, tout n'était que souffrance pour lui.

De ses mains douces et délicates, Kazami prit son patient par les épaules. Tout en murmurant des paroles pour l'apaiser, elle l'allongea sur le lit et s'agenouilla à côté.



Ses mains devinrent vertes et elle les posa sur le torse du ninja. Cependant, elle savait que cela ne servirait pas à grand chose : quelle partie viser, lorsque tout son corps est meurtris ?

A chacune de leur entrevue elle se sentait de plus en plus impuissante. L'homme avait perdu des dizaines de kilo, au point d'être dénutrit et ne plus pouvoir assouvir ses propres organes ...

        Le Junin se cambrait dans son lit, assaillit par des vagues de douleurs intenses partant de son abdomen. Il avait envie de pleurer, mais cela n'aurait fait qu'empirer la sensation. Ses doigts pénétraient le matelas avec vigueur à s'en décoller les ongles. Kazami faisait du mieux qu'elle pouvait pour le calmer... Ce n'est pas assez, pensa Tetsu avec fureur.
        Puis la crise passa, et le Chikara, épuisé, poussa un soupir. Une vague de fatigue monta et suivant le conseil de sa médecin, il ferma les yeux, respirant lentement pour se détendre. Une fois de plus, il avait évité le pire...

        Le Junin somnola quelques secondes, quelques minutes ou bien quelques heures, il ne savait pas. Du moins, l'impression de mal-être était partie et une fois de plus, la rouquine l'avait sauvée. S'asseyant sur le bord de son lit, le pauvre bougre se tint la tête encore lourde. Le goût amer de la défaite brûlait sa gorge et il s'en voulait d'être redevable à une femme aussi proche de celui qu'il s'était juré de faire tomber. Pourtant, contrairement à son habitude, Tetsu se permit un commentaire.



        Un commentaire personnel aux premiers abords, puisque Tetsu avait oublié l'instant d'un moment la proximité de son petit frère avec Kazami. La réalité le frappa et il releva la tête. Ses yeux se mouillèrent. Kazami, vais-je mourir ? traduisait-il du regard.

Alors que Kazami n'y croyait plus, la crise passa. Enfin, les raidissements des membres du ninja s'estompèrent, laissant place à une sorte de coma si calme que la jeune médecin vérifia son pouls. Enfin, lorsqu'il se réveilla, il s'assit et Kazami put enfin reprendre son rythme cardiaque normal.

Alors qu'il paraissait encore loin de ce monde, il murmura une phrase. Ou plutôt un nom. Un nom qui figea la junin. Un nom qui lui déchira le coeur. Un nom qui l'inonda de sentiments instables et ingérable.
Il leva alors les yeux vers elle mais les siens étaient fixés devant elle. Kazami savait le lien de sang qui unissait les deux Chikara. Elle savait que cette dépression était lié à la mort de Nakatsu. Pourtant, depuis le début, elle en faisait abstraction. Un mur s'était construit entre ses sentiments et l'expression de ceux-ci.

Finalement, elle ferma un instant les yeux puis reporta son regard sur le malade. De marbre, son visage ne laissa pas passer ses sentiments. Sa voix, douce mais ferme, lui fit :



Kazami avait toujours été directe. Mais particulièrement à cet instant. Elle espérait ainsi provoquer le coup de fouet qui réveillerait le vrai Tetsu de cette nuit noire où il s'était plongé. Mais cela marcherait-il ?

        Kazami possédait-elle une foi inébranlable en l'avenir pour lui demander un tel exploit ? Ou bien, peut-être, avait-elle seulement oublié Nakatsu et sa joie de vivre. À cette idée, Tetsu s'en voulut. Non, Kazami ne devait sûrement pas l'avoir oublié aussi facilement, alors quoi ?
        Malgré l'étrange sensation qui montait, le Junin tenta de rester serein.



        Cette fois, il ne parlait plus vraiment de Nakatsu. Le vague visage de Yasuo apparut, éphémère. Malgré son air calme, une larme roula le long de sa joue. Seule, elle glissa jusqu'au sol, silencieuse.

        Puis Nakatsu revint dans son esprit.



        Si Tetsu avait en tête la tignasse rousse du Hokage, il était loin de se douter que la rouquine était plus impliquée qu'elle ne laissait le croire. À avoir fouillé d'avantage, peut-être que le Chikara aurait sut, mais il s'en était tenu aux faits. Un tremblement le prit. Non pas de chagrin ou de douleur.

        Un tremblement de peur.

Voir Tetsu ainsi lui faisait pitié. Lui qui était auparavant aussi fort, était réduit aujourd'hui à un être remplit de colère et qui semblait avoir une réserve surhumaine de larmes.

La jeune femme resta calme et de marbre. D'une voix douce, elle tenta d'expliquer pour la énième fois :



Elle tenta de posa sa main sur son épaule. Kazami laissa un blanc puis ajouta :



La fin de sa phrase eut du mal à sortir. Elle avait un peu la gorge nouée mais elle ne voulait pas le montrer.

        Tetsu comprenait la distance de Kazami. Après tout, pour en arriver où elle était, elle avait dut faire des choix. Elle croyait dur comme fer dans les choix du village et en le Kage à sa tête. Après tout, elle était comme Tetsu des années auparavant, alors qu'il rencontrait Yasuo pour la première fois. Jamais il n'oublierait cette sensation de fierté mêlée à de l'appréhension. Il avait été destiné à être ce fer de lance, sûrement trop tôt même, à la vue de cet égarement dans lequel il était plongé depuis un peu plus d'un an.

        Lorsque Kazami plaça une main sur son épaule, il souhaita la repousser. Mais il se laissa faire. Il avait tord de croire que cette jeune femme ne le comprenait pas. Au contraire, Tetsu n'avait jamais ressenti cette impression d'âme jumelle vis-à-vis de quelqu'un. Mais ils étaient à la fois diamétralement opposé.
        Il posa une main sur celle de son homologue.



        Sa gorge se noua. Tetsu jeta un regard triste et perçant dans celui de Kazami. Il se refléta dans ces iris grises sa force de vaincre qu'il avait autrefois possédé, cette foi inébranlable en l'avenir.



        Dans ses yeux miroitaient un passé maintenant révolu.



        Gentilment, Tetsu repoussa la main de Kazami. Son ton était devenu intransigeant

Comme à son habitude, Tetsu n'écoutait rien de ce qu'elle disait. Son esprit était fermé, au point où Kazami en avait presque perdu espoir.



Sa voix, de plus en plus désespérée, tentait une dernière fois de le convaincre. Mais cette discussion, déjà 100 fois elle l'avait eut avec lui. Kazami inspira à fond puis reprit sa voix plus ferme :

        Devenir ? Son devenir était tout tracé, autrefois, pourquoi Kazami ne voulait donc pas comprendre ? Son ton suppliant commença à irriter Tetsu qui, malgré sa grande tristesse, tombait peu à peu dans le déni de croire en cette femme. Après tout, jamais son clan n'avait pu croire en la paix fragile qui régnait entre les deux clans et cette nuit de feu et de sang, les Uzumaki auraient dû en terminer avec les Chikara, ou bien s'attendre à un retour au bâton, dix ans plus tard.

        Devenir ? Tetsu deviendrait celui qui ferait tomber Gekido, c'était une promesse. Une promesse qu'il s'était déjà fait mais avait de refuser de croire. S'il avait choisi Kazami pour le soigner, c'était parce qu'il avait crut bon de pouvoir, à ses côtés, alléger sa peine... Mais la rouquine ne faisait que l'allourdir, avec ses phrases toutes faîtes. Une énième fois, elle lui répétait que les décisions de Gekido avaient été les bonnes. Une énième fois, Tetsu ne la croyait pas. Ces deux-là n'étaient pas fait pour se comprendre... Cela lui sautait aux yeux, à l'instant même.

        Tetsu se dégagea et récupéra ses maigres affaires qui avaient bien pu être déposées ailleurs. Puis il poussa un soupir. Toute cette colère était malsaine, il le savait bien, mais il ne parvenait pas à se la sortir de la tête. Pourtant, il se le répétait, Kazami n'y était pour rien, alors pourquoi la diriger vers elle ? Elle avait ses idées, ses allégeances et c'était louable. Tetsu se retourna une fois de plus. Il avait sécher ses larmes. Pour de bon.



        Son ventre gargouilla.

Décidément, pourquoi Kazami ne comprenait pas tout les Chikara qu'elle croisait ? N'était-ce pas elle qui, au final, n'était pas normale ? Seul Qazea était sensé selon elle. Persuadée qu'il allait continuer à la tanner, elle fut surprise de sa réponse. Elle ne sut pas tout de suite quoi répondre à cette invitation pour le moins étrange.



Elle se leva à son tours, incertaine. Puis, hésitante, elle posa sa main sur l'épaule du Chikara.



Kazami fit un petit sourire timide puis lâcha son épaule. Elle tourna alors les talons pour sortir de la pièce.

La jeune femme avait un doute sur la sincérité de Tetsu. Est-ce qu'il n'avait pas abandonné, voyant qu'elle ne comprenait pas ? Aurait-elle dut faire semblant de comprendre, lui mentir ? Ou avait-il réellement décider de ne plus rester ancré dans le passé ? Kazami allait bien vite le voir.

        Kazami semblait surprise. Mais Tetsu haussa à peine un sourcil. Elle n'avait pas besoin de comprendre le fond de sa pensée, plus maintenant. Elle lui avait avoué qu'elle ne changerait pas, du moins pas comme l'aurait désiré le Chikara.

        Il sortirent et Tetsu se tint à une distance raisonnable, juste assez pour montrer à ceux qui les croiseraient qu'il accompagnait le bras du Hokage. Sous d'amples vêtements, les mains dans le creux du dos, il avançait d'un pas lent et en silence.

        Il n'avait pas vraiment su pourquoi il avait invité Kazami et sur le coup, il ne pipa mot. Cependant, une idée se forma dans sa tête et d'un sourire, le Junin l'exprima.



        Il ne voulait pas vraiment savoir la réponse, mais maintenant qu'il avait invité la rouquine à dîner, mieux valait combler les temps morts. Sinon, peut-être que des larmes remonteraient...

Alors qu'ils marchaient dans le village, Tetsu semblait bien silencieux. Et distant. De quoi lancer un froid entre les deux konoha-jins. Kazami, ne sachant pas trop quoi dire, préféra se taire. Heureusement, le Chikara brisa le silence en proposant un sujet intéressant.

La rouquine fit un petit sourire, après tout Tetsu semblait vouloir un peu l'asticoter.



Kazami avait conscience que ses explications étaient pas forcément très compréhensibles mais après tout tout cela n'était qu'une question de tradition selon elle.