Il y avait ce sang... Il y avait tout ce sang qui s'écoulait sur son corps. Sa force le quittait, c'était progressif. Il sentait son esprit vaciller tandis que la douleur le ramenait à lui-même. Imawara avait fait une bien belle manœuvre pour condamner Obutseru à prendre de plein fouet une taillade en forme de croix, partant de la racine de ses bras jusqu'à chacun des flancs opposés. La blessure était profonde, l'hémorragie suffisante pour condamner le sort d'Obutseru. Qu'avait-il fait pour terminer ainsi ? L'adversaire du jour n'était pas commun, à peine venait-il de blesser avec une telle splendeur qu'il vociféra sa colère, une colère issue de l'incompréhension. Obutseru le savait, dans un combat entre sabreur, il y a toujours ce petit plus qui transforme le combat physique en un affrontement beaucoup plus global. Un combat faisant croiser l'acier des lames pouvait être tellement plus parleur qu'une conversation. Le regard du mercenaire était désormais bien plus profond, il repensait à son passé, il repensait à son épouse et à sa fille qu'il laisserait derrière lui... C'était peut-être mieux comme ça, il n'avait été qu'une triste désolation pour l'amour de sa vie, eux qui s'étaient rencontrés au milieu de tant d'amour, il s'était finalement échoué dans un banditisme qui avait causé la douleur de sa bien-aimée, lui offrant une merveille pour fille, qui s'attristait de ne pas profiter suffisamment de son père.
Obutseru était toujours allongé au sol. Le souffle haletant de sa respiration diminuait. Son organisme veillait à laisser ses dernières réserves d'énergie reprendre le dessus. Une décharge ultime d'adrénaline qui lui permettrait de mourir dignement. Un combat au sabre, c'était de cette manière qu'il l'avait souhaité, sa fin. Son maître se rassurerait probablement de le savoir tomber au sein d'un duel, dans lequel l'honneur est le maître mot... Mais qu'en était-il ? Souhaitait-il réellement mourir ? Ses yeux s'humidifièrent, avec l'arrogance d'un mâle blessé. Il se savait perdu d'avance, mais il irait au-delà de la pensée commune, il irait au-delà de toutes ses fautes, et de tous ses péchés. Il y avait en face de lui, un adversaire qui méritait l'estime, un adversaire qui avait vu au fond de son âme, à travers la colère de sa lame. Imawara... « Tristesse » et « amertume », voilà deux mots qui collaient parfaitement.
Le mercenaire peinait à se relever. Prenant appui sur ses mains abîmées, il tenait enfin debout.
« Eeeh Ima-chan... Ne... Ne crie pas si fort... Je... Je t'entends parfaitement... ~ »
La posture debout lui déchirait littéralement l'abdomen, tous les muscles lésés par les deux entailles de son adversaires souffraient en harmonie, il en était ainsi le requiem de sa douleur... Une triste chanson funéraire qui viendrait bientôt emporté son corps.
« Laisse moi te dire... Laisse moi te dire quelque chose... Les hommes sont stupides... Et la tentation nous égare... Nous finissons par perdre de vue l'essentiel avant de regretter... Il y a bien des années... Il y a bien des années que je n'ai pas goûté à autre chose qu'à ce goût amer... Qu'à toute cette tristesse... Mais j'en suis le seul fautif... Et je l'ai toujours été... J'assumerai mes erreurs dans l'autre monde ! »
Sa détermination ne faillerait pas. Il s'élança dans une fluidité corporelle encore jamais montré jusque-là. Il y avait une ressemblance avec la mobilité dont pouvait faire preuve Seijuro, mais Obutseru avait encore quelque chose en plus. Ses mouvements ondulatoires rendaient une impression de dédoublement, son corps semblait être à deux endroits en même temps, avant de se mouvoir à nouveau.
La douleur de son corps le pétrifierait bientôt, il y avait tellement de sang sur le sol... Son cœur cesserait de battre d'un moment à l'autre. Mais... Obutseru avait fait la paix avec son âme, il avait accepté sa fin, il avait accepté de regarder plus loin que ses yeux ne voulaient lui permettre. Au seuil de la mort, il avait fini par se rendre compte de l'essentiel, et c'était peut-être grâce à cela qu'il avait retrouvé l'harmonie de chacun de ses pas. Il avançait vers une mort certaine, mais son esprit était apaisé, et sa lame était empreinte de bien plus de certitude désormais. Il allait abattre sa carte maîtresse, celle-là même qui fit la gloire de son maître « Hondatsu » : Le « Gatotsu Zeroshiki ». C'était en réalité la troisième et dernière posture amenant à la capacité réelle et brutale de la maîtrise de Gatotsu. Il s'agissait d'une technique à l'épée transcendant les capacités du corps de celui qui l'utilise. De la même manière que le Gatotsu de première position, le coup porté était une estocade, une estocade qui associé à la fluidité des mouvements du corps était presque rendue impossible d'esquive. D'autant plus, le Gatotsu Zeroshiki était lancé d'une position quelconque, ne nécessitant pas même la prise d'une posture particulière. La rapidité d'exécution de ce mouvement déterminait la clé de sa puissance, et Obutseru allait s'en servir de son plein gré. Ses nouveaux pas lui permettaient d'achever cette technique à la perfection, ne laissant que peu de chance à son opposant de survivre.
Il n'était désormais plus qu'à quelque dizaines de centimètres de son adversaires, enchaînant les pas les uns à la suite des autres, comme chorégraphiant une danse mortuaire dont chacun des pas laissait place à un suivant inenvisageable. Sa lame descendit brutalement, pour revenir avec plus de force encore vers la gorge d'Imawara, comme un mouvement en aller-retour. Mais, alors que le genin de Konoha ne semblait pas être en mesure de réagir, Obutseru cessa son attaque, arrêtant sa lame à quelques millimètres de la gorge de son adversaire.
« Ne fais pas les mêmes erreurs que moi, Ima-chan... »
Le corps d'Obutseru s'effondra brusquement suite à ces quelques mots. L'hémorragie avait fini par reprendre le dessus, amenant son cœur à battre plus vite jusqu'à en perdre haleine, jusqu'à ce point de rupture. La vie venait de le quitter, mais il avait retrouvé la voie du sabre, quelques instants seulement avant sa mort. Imawara semblait être le vainqueur de ce duel.