Qu'il était bien là. Enfin, après un moment à courir derrière une gamine voleuse, il avait su trouver un peu de repos. La douleur, la peur, l'angoisse... tout cela n'existait plus. Il n'y avait plus que son sommeil réparateur. Il était bien, pour de bon. Pourquoi se prendre la tête trop longtemps, alors que la solution était toute simple ? "Laisse-toi aller, et sombre dans le sommeil. Dans un tout autre monde, ou chacun de tes désirs prennent vie. Rêve mon enfant, et deviens roi de ce monde qui est tien." C'est ce que lui disait la petite voix dans sa tête, parfois, lorsqu'il s'endormait. Il est vrai que la vie dans ses rêves était bien plus agréable et intéressante que sa vie normale. Encore heureux, vu le temps qu'il passe à dormir, on pourrait se demander où se trouve sa réelle vie.
Là-bas, il avait tous les pouvoirs. Il pouvait être tout, et n'importe quoi, seulement en refermant ses paupières. Plus de souffrance, plus d'ennui... il était comme une toute autre personne. Et il s'y plaisait. Malheureusement, personne ne semblait comprendre, et ils cherchaient tous à le tirer de ce sommeil, constamment. Ne pouvait-il pas dormir en paix ? Que faisait-il de mal, finalement ? Bon. Peut-être que s'endormir chez un inconnu, la nuit tombée, après avoir cassé du mobilier... ce n'était sans doute pas ce qu'il y avait de plus malin, c'est vrai. Qui pouvait-il ? Il n'avait pas su résister à cet appel.
« Mh... zzz... mh... h... hein ? »
Il se réveillait alors sur un fauteuil, sans réellement comprendre sur le coup ce qui était en train de se passer. Il ouvrait difficilement les yeux, marmonnant des trucs absolument incompréhensibles. On l'avait encore réveillé, et cette fois-ci, il n'avait dormi que quelques minutes... quel enfer. Aussitôt, ses douleurs lui revenaient, et il grimaçait.
Il secoua légèrement sa tête, en entendant une voix inconnue, qui le sortit assez vite de son état vaquant entre l'éveil et le sommeil. Il faisait face à un homme, bien plus âgé que lui, toujours dans cette maison. À côté de lui, se trouvait la petite fille. C'était très certainement... le propriétaire de cette maison. Il voulait savoir ce que les deux enfants faisaient chez lui, et qui ils étaient. Tout ça à cause de cette petite fille qui lui avait volé son bien si précieux. Cette boîte contenait quelque chose qui lui tenait réellement à coeur, et il comptait bien la récupérer, avant qu'elle ne se perde dans la nature. Ce serait un véritable drame. Qui sait ? Cet homme était peut-être la solution à son problème.
Il pouvait essayer de coopérer. Et puis quel mal y avait-il à dire... la vérité ? Purement, et simplement.
« Désolé m'sieur. Moi c'est Kano, du clan Chikara, j'habite dans le coin. »
Il le regardait dans les yeux, et semblait avoir retrouvé son calme, malgré la situation. Au contraire, il n'avait pas à s'inquiéter... il la tenait peut-être, sa solution.
Il la regarda un moment. Elle était jeune, bien plus jeune que lui. Qu'avait-elle en tête, lorsqu'elle l'a volé ? Dans tous les cas, il pouvait librement l'accuser, sans craindre un quelconque retour de bâton. Que pourrait-elle bien faire, après tout ? Néanmoins... ça le tracassait. Elle n'avait peut-être pas mauvais fond.
« Une fille que j'ai croisé dans la rue. Y a eu un gros malentendu en fait. »
Kano bâillait, et passait ses deux bras derrière son bonnet.
« J'ai perdu mes affaires, dont quelque chose de très important. Et elle a tout retrouvé, sauf que je lui ai fait peur sans doute, et elle est partie avec. J'ai cherché à la poursuivre, afin de clarifier la situation, mais elle ne m'a sans doute pas fait confiance, alors elle s'est enfui jusqu'à arriver ici. »
Kano mentait. Il savait très bien que la voleuse, c'était elle. Mais pour une raison qu'il ne savait pas trop expliquer, il ne voulait pas l'accuser ouvertement. Elle était encore jeune, et avait peut-être des raisons derrière tout ça. Et puis l'important était qu'il récupère ses affaires, pas qu'il l'accuse. Non ? Bon, cependant, il n'allait quand même pas prendre sa défense pour son intrusion chez lui. Dans un sens... ils s'étaient tous les deux rendus coupables de ça.
« Ah, et je crois que j'ai cassé un truc chez vous. J'ai trébuché, et c'est tombé. Pas fait exprès m'sieur. »
Son visage se retourna alors vers la petite fille.
« J'ai perdu une boîte, contenant... quelque chose, de l'argent, et peut-être quelques autres babioles, pas eu le temps d'vérifier. Et je sais qu'elle les a retrouvé. Mon approche a sans doute du l'effrayer, moi-même j'étais pas tranquille. J'suis désolé si je t'ai fait peur. Mais maintenant qu'on peut discuter tranquille, tu veux bien me rendre mes affaires ? »
Ainsi, il n'avait pas rejeté la faute sur elle, devant cet inconnu. Ils étaient tous les deux jeunes, mais elle bien plus encore. Elle avait le droit à l'erreur, et avait peut-être une raison d'agir ainsi. Enfin après, l'enfant aux cheveux blonds ignorait totalement l'odieux mensonge qu'elle avait fait, pendant qu'il dormait. Cela aurait pu changer la donne.