Songe d'une nuit

Le ciel avait d'ores et déjà revêtu sa robe noire, maculée d'étoiles lumineuses, baignant les chemins déserts de Konohagakure no Sato d'une lumière suave. Le Kitto aimait s'enfoncer dans l'obscure clarté de la nuit et s'extasier devant le calme absolu que connaissait la ville après le crépuscule. Les épaules déchargées de responsabilité et les poumons gorgés d'air frais, il se sentait déjà plus en forme. Errant, il déambulait dans les quartiers claniques, le souffle du vent lui soulevant les cheveux. Il était libre. Ses tribulations l'ayant porté à proximité d'un banc, il se laissa tomber sur celui-ci. Il fouilla quelques instants dans sa poche afin d'y retirer une sucette qu'il cala entre ses dents. D'un geste désinvolte et totalement désintéressé, il cracha le plastique sur le sol.

Soudain, un bruissement l'extirpa de ses pensées. Il pivota la tête vers la provenance de cet élément nouveau. Il crut voir une ombre indécise.



Sa voix était audible et assurée. Qui pouvait bien se promener à une heure si tardive et qui avait eu l'audace de le déranger pendant son vice caché ? Ne détournant pas le regard de la silhouette vague qu’il discernait, il attendait que l'individu s’avance et confirme sa présence.

La nuit était calme. Le village semblait si serein à cet instant, loin de toute guerre, de toute trahisons interclaniques. A ce moment, on aurait dit que Konoha était une ville paisible où il faisait bon vivre. Kazami huma l'air humide de la nuit et essaya de se détendre. Cela faisait des heures qu'elle était allongée sur son lit, les yeux grands ouverts à penser à tout ce qui c'était passée. Elle était changée depuis cet événement. Elle ne se reconnaissait plus.

La rouquine déambulait dans la nuit sans vraiment avoir de chemin. Elle se contentait de regarder ses pieds, pensive. Kazami pensait à tout et à rien jusqu'à ce qu'elle vit une silhouette s'assoir sur un banc. Par réflexe, elle se cacha derrière un petit bosquet juste à côté, avec une souplesse féline.

Mais qu'est ce que tu fou ? se dit-elle soudainement. C'était ce genre de réaction inappropriée depuis l'événement des vampires qui la faisait se haïr elle même. Mais l'inconnu avait entendu le bruissement des feuilles et ne tarda pas à demander l'identité de son observateur. Kazami, se sentant un peu stupide, sortit de sa cachette et s'avança vers l'inconnu.



Elle fit un petit sourire gêné et vint s'assoir à côté de lui.



Kazami se surpris elle même de remarquer que cet homme était entrain de grignoter ce qui avait tout l'air d'une sucette pour enfant. Etrange.

La femme qui avait parlé s'était dissimulé derrière un petit bosquet et il fut tout d'abord difficile pour le shinobi de distinguer autre chose que les contours de sa silhouette. Mais à mesure qu'elle s'approchait, il vit briller dans la pénombre une chevelure rouge. Elle déclina son identité,- c'était donc elle, la fameuse Uzumaki, pensa Shinji,- et elle vient s'installer à côté de lui. Lui, en revanche, la dévisagea avec le plus grand calme. Néanmoins, au bout d'un certain temps, sa bouche s'étira en une sorte de sourire.



Toujours assis sur le banc, il se releva, s'étira et se positionna devant la jeune femme. Il n'aimait pas les questions indiscrètes et était assez agacé par le fait que quelqu'un soit venu troubler son petit moment de plaisir.



Il positionna sa main droite sur la garde de son sabre, attaché à sa ceinture.



Cette fois, il ne souriait plus ; il n'y avait aucune équivoque dans la colère et le mépris qu'exprimait la voix du jeune homme. Il n'aimait pas partager.

L'inconnu ne semblait pas très content de la voir. Au contraire, elle pouvait voir ce même regard de répulsion à son égards, celui qu'elle retrouvait chez tout les konoha-jins. La détestaient-ils vraiment ? Quand elle pensait que c'était pour eux qu'elle avait fait tout cela ... Si elle avait été égoïste, elle n'aurait pas tué celui qu'elle aimait ... Ce que les gens sont bêtes ...



Il se leva alors comme pour débuter un combat pour ... sa sucette ? Kazami ne put retenir un petit rire amusé.



Petite, ce n'était pas le genre du père qui l'a élevé de lui offrir des sucreries. Et encore aujourd'hui, on peut dire qu'on ne peut pas savoir si une chose plaît ou non tant qu'on ne l'a pas goûté.
Elle fronça les sourcils, un peu déconcertée :

La jeune femme n'en avait donc pas après ses confiseries. Soulagé, il relâcha l'emprise qu'il avait sur la garde de son sabre et croisa les bras sur sa poitrine. Celle qui était décrit par tout le monde comme une veuve noire sans cœur lui paraissait maintenant, sous la lumière de la lune, comme une femme simplement épuisée, torturée de l'intérieur. Il en venait presque à avoir de la peine. Les temps ne devaient pas être faciles pour elle en ce moment.



Il disait vrai. Lorsqu'on lui demandait d'activer son dojutsu, il avait l'impression d'être une bête de foire, un divertissement. D'ailleurs, il tenait à ne pas s'en servir en-dehors des combats.



Il ne mentait pas. Il savait que les relations entre les deux clans rivaux de Konoha étaient de plus en plus tendues, et cette mise à mort était la goutte qui avait fait déborder le vase. Toutefois, personne n'osait pour l'instant attaquer l'autre en premier. Ils avaient appris de leurs erreurs du passé.

Kazami écouta l'homme sans vraiment le regarder. Tout ces discours, elle commençait à en avoir marre. C'était fatiguant, stressant ... Et aujourd'hui, elle ne pensait pas à ça. La rouquine fit alors, un ton un peu ironique.



Elle sourit doucement. La blague du suicidaire que seuls eux pouvaient comprendre. Elle reprit alors, d'une voix un peu mélancolique :



Kazami n'avait pas imaginer être à l'origine de toutes ces rancoeurs à la suite de son acte. Du moins, pas autant. Mais elle allait si faire. Et puis, c'était le prix à payer probablement.

Il lui exposa alors sa théorie sur les-uzumaki-ces-fourbes. Kazami haussa un sourcil et lui répondit :



Comme tuer mon bien aimé.

Shinji pesait, examinait, décortiquait la moindre des paroles de sa locutrice. Il voulait démêler le vrai du faux, savoir si Kazami Uzumaki n'était qu'un masque, l'amoureuse qu'un rôle. Pourtant, il avait beau la provoquer, l'emmener dans son jeu, elle semblait être tout ce qu'il y a de plus sincère. Était-elle donc vraiment attachée à ce traître ?



Il s'approcha délicatement de la jeune femme et prit, entre ses doigts fins, une mèche de ses cheveux. Cette couleur rouge l'avait toujours obsédée. Elle semblait représenter à la fois le sang tombé de leurs camarades et l'ardeur qui les allume lors des batailles.



Il n'avait pas eu vent des véritables intentions de Chikara, mais il connaissait la menace que représentait le clan Kenketsu. Ses membres, ils étaient la peste de ce monde.

Tout ce que disait le chuunin était d'une vérité que Kazami ne pouvait contesté. Lorsqu'il s'approcha d'elle pour prendre une mèche de ses cheveux entre ses mains il se contenta de le regarder dans les yeux. Croyait-il qu'elle mentait ? Ou croyait-il à ses paroles ?



Elle le toisa du regard, un reproche qu'elle faisait à tout les konoha-jin à ce jour. Personne ne lui avait apporté son soutiens. Elle était seule. Seule avec son autre sois. L'Autre, l'âme dans l'âme, celle qui se nourrissait de sa haine et de sa colère. C'est tout ce qui lui restait.

La rose avait donc des épines. Il semblait l'avoir touché, au plus profond de son cœur, mais il n'allait pas arrêter pour autant. Il voulait en savoir plus et sans qu'elle le sache, il l'aidait. C'est en parlant de ses tourments qu'on s'en libère.



En effet, c'était le clan Uzumaki qui en avait plus le frais. Ils avaient accordé leur confiance aux Chikara et ils se sont fait poignardés dans le dos, au sens propre du terme.



C'était elle qui l'avait interrompu dans son plaisir. Il pouvait au moins jouer un peu.



Il le savait. Au fond d'elle, derrière toute cette fausse philosophie de la justice, elle devait certainement regretter ses actes.

Les paroles de cet homme ouvraient peu à peu les portes qui menaient aux sentiments purs de Kazami. Elle s'en rendait compte mais le laissait faire depuis le début, pour une raison qui lui échappait. Mais là, elle referma toutes les portes d'un coup sec. La rouquine se leva brutalement, se retrouvant nez à nez avec le Kitto.

La kunoichi attrapa le chuunin à la gorge et lui fit, d'une voix sans appel :



Elle le lâcha aussi rapidement qu'elle l'eut attrapé, le toisa encore un instant puis tourna les talons pour s'en aller. Elle fit trois pas et lâcha :



Encore un konoha-jin qui ne la soutenait pas. Peut-être que c'était elle qui avait un problème au final. Son deuil n'était pas finis. Et tant qu'il perdurait, elle serait seule. Ca, elle le savait.

Il se réjouissait de la situation. Il avait donc finalement réussi à la faire sortir de ses gonds. Le chat avait bondit et l'avait attrapé à la gorge. Shinji aurait pu se défendre, attraper son sabre et lui trancher le bras, mais il savait qu'au fond d'elle, elle n'oserait pas lui faire du mal.
Il sourit, plongeant son regard dans le sien.



Il la laissa néanmoins partir. Il avait assez remuer le couteau dans la plaie, et il connaissait le potentiel que possédait jeune femme. Il ne la voulait pas comme ennemie - en prévision d'un séjour à l'hôpital, sait-on jamais.



Il se souvint soudainement qu'il ne lui avait pas donné son prénom, mais cela n'avait pas d'importance ; son patronyme lui était suffisant si elle voulait un jour le retrouver.