Une colère froide à peine visible que Raiko décela tout de même, Miwaku qu'il était. Ainsi, que le Raikage puisse prendre des décisions sans avertir sa compagne et soeur dérangeait l'Hattori ? Cela, le bellâtre devait s'en souvenir, car utile. Pourtant, Masashi était un homme grand et fort et de beaucoup l'ainé de sa soeur, aussi cela n'aurait pas dû la surprendre... Shizuka se croyait sûrement plus importante au sein du village qu'elle ne l'était réellement. Raiko s'amusa d'ailleurs à s'imaginer être aux côtés de Masashi, tandis que l'épouse ne faisait que s'occuper des enfants, reléguer au premier rôle qui lui importait vraiment : engrosser la postérité des Hattori. Shizuka-sama voulait la vérité ? Raiko lui la cracherait au visage, de cette vérité toute simple : son poids dans la balance était nul, complètement nul et intelligente elle aurait été, l'offre de l'androgyne elle aurait accepté. Malheureusement pour le proxénète, souvent il se confrontait à des esprits bien moins malins que le sien...
Raiko aimait ainsi flatter son égo, pensif, car jamais il n'utiliserait des mots aussi francs... Du moins, pas maintenant, en ce début de partie. Et le
jeu s'annonçait long. À la demande de la reine — les yeux de Raiko brillèrent de malice à cette pensée —, le bellâtre releva effectivement la tête. Son sourire était plus faux que jamais.
« Je vous prendrais pour une idiote en affirmant que mon but est d'avoir l'emprise sur Rin-sama. Me croyez-vous vraiment si perfide ? Vicieux, pour ne pas reprendre vos mots. Savez-vous seulement ce que cela veut dire ? De noms, on me traite souvent. Les vôtres ne m'affecte que peu. Bâtard aurait été plus propice. Femmelette également.
Insultez-moi, Shizuka, si cela peut vous faire plaisir. N'allez cependant pas dire que je n'ai pas à coeur mon clan, vous qui ne me connaissez point. Après tout, qui suis-je pour vous ? Un homme du peuple ? Un homme dans un clan de femmes ? Un travesti maître d'un bordel ?
Ou bien peut-être le fils indigne d'une grande dame, celle-la même qui vous a élevé comme vous élevez votre fils. Cela ne fait-il donc pas de nous des frères ? Non, bien sûr, nous ne pouvons pas. Vous ne pouvez pas. Je suis loin d'être Hattori, je suis loin d'être l'un des vôtres. Si seulement vous saviez... »
S'emportait-il ? Pas vraiment, il jouait, tout simplement, la carte de l'indignation doublée à celle du mystère. Après tout, cette jeune femme, il l'avait tant observé étant enfant, et elle l'avait tant fasciné, qu'il cultivait un sentiment étrange à son égard. Peut-être tout ceci n'était qu'une façon de marquer son esprit, d'une façon bien simple et ô combien rusée que seuls les meilleurs joueurs tentaient. Raiko était joueur et loin d'être mauvais. Son coeur ne s'emballa d'ailleurs pas lors de sa lancée, au contraire de Shizuka, aurait-il parié aisément. Cette joute verbale, au contraire, l'apaisait et le rassurait. C'était là qu'il était le meilleur, il le savait. Il jouait avec le feu, s'y brûlerait un peu mais tel le renard lécherait ses plaies... Ou plutôt le serpent ? Il hésitait encore.
Raiko reprit, après un moment, rabaissant le regard plus par provocation que par réelle nécessité.
« Je suis venu vous voir pour une raison précise et j'ai eu ma réponse. Votre refus m'est apparu comme catégorique et je ne désire pas le contester. Peut-être aurais-je dû m'adresser à votre frère... »
Une pique, dernière, inutile diront certains mais ô combien agréable. Plus qu'avec le feu, c'était maintenant avec le poison que jouait Raiko. Quoique... Rien n'est inutile, préciserait le Miwaku. L'équilibre, comme dirait sa mère mourante.