Noie-le ou ressasse-le

Masato soupira. Son voisin de table avait parfaitement raison. Si Yasuo ne revenait pas . Que deviendrait cette alliance équitable ? Gekido Uzumaki acceptera-t-il de partager sa place avec un autre Chikara . Et qui, dans ce cas ? Et s'il refusait . Que se passerait-il ? Comment réagiront les Chikara ? Un nouveau conflit verra-t-il le jour ? Les sacrifices et les pertes des années précédentes n'avaient-ils pas suffit à convaincre tout le monde de vivre dans cette paix illusoire ?
Il connaissait les pensées extrémistes de certains. Ils n'attendaient que ça, la guerre. Prouver leur supériorité à l'autre clan, le soumettre, reprendre les rênes du village.



Un murmure adressé plus à lui-même qu'autre chose, mais peut-être son homonyme l'avait-il malgré tout entendu. Il reprit d'une voix plus audible pour ne pas laisser la conversation se noyer dans l'alcool.



Pourquoi personne n'avait encore été envoyé à en aide au Hokage Chikara ? Qu'attendait-il ? La certitude de sa mort ?

On ne pouvait qu'approuver les paroles de son camarade Kitto... La situation allait de mal en pis et la République semblait au bord de l'effondrement. Qui sait, d'ici quelques semaines les Kitto auraient peut-être prit la poudre d'escampette comme autrefois et seraient allé proposer leurs services ailleurs... à Kiri par exemple.



Finissant une fois de plus sa coupelle, Masao garda les yeux dans le vague quelques instants. Une idée saugrenue venait de lui traverser l'esprit... quoique, peut-être pas si saugrenue que ça...




Il ne restait plus qu'à espérer que Gekido était moins malin, ou moins fourbe, que cela. Quoique, d'un point de vue Kitto ce n'était pas une si mauvaise chose, les Konohajin seraient unis. Contre la mauvaise cible, certes, mais unis, ça serait déjà un bon début...

Les deux Masa se comprenaient. Peut-être que l'alcool avait placé tout le monde sur la même onde... Ou qu'ils pensaient comme tout Kitto.
Gekido avait mal agi, tout allait probablement déraper dans les semaines à venir. Et cette histoire n'irait qu'en s'aggravant ! Si les deux Kitto arrivent à une telle hypothèse après quelques coupelles, qu'en sera-t-il des Chikara qui se sont toujours montrés méfiants ?
Masato s'imaginait déjà une horde de Chikara hurlant dans les rues, armes aux poings et réclamant vengeance ou explications. Quelle galère. Il finit sa coupelle, sa dernière. Une de plus serait probablement celle de trop et il posa le récipient sur la table en expirant bruyamment.



Après quoi il marmonna quelque chose d'incompréhensible et commanda un plat d'apéritifs pour faire passer l'arrière-gout amer de l'alcool sur son palet.

Son compagnon du soir avait des doutes, et c'était tout à fait compréhensible. Masao lui-même ne croyait pas réellement ce qu'il disait. Il connaissait bien trop mal Gekido pour savoir comment il pensait. Non, il se contentait de dire comment il aurait pu agir à la place du chef des Uzumaki.



Sur ces entrefaites, les petits fours furent déposés sur la table par un patron fatigué et nonchalant. Masao regarda son confrère commencer la dégustation sans sembler intéressé. Il lui avait déjà vidé une demi-bouteille, il serait bien mal-poli d'attaquer en plus sa nourriture.



D'un haussement d'épaule, Masao éjecta son problème aussi rapidement qu'il lui était apparu : après tout c'était loin d'être ses affaires à lui ces histoires politiques. Autant laisser ça à ceux suffisamment stupides, ou aveuglés par l'orgueil, pour s'enliser dedans...

Était-ce le bon endroit, le bon moment, la bonne soirée et le bon interlocuteur pour parler de tout ça ? Masato n'avait pas l'habitude de parler de choses aussi sérieuses et pour tout dire il n'aimait pas vraiment ça. Converser de façon aussi sérieuse le faisait cogiter et il n'était pas là pour ça, ce soir.
C'est pourquoi il commença par passer ses nerfs sur un premier petit-four. Il le savoura, s'en délecta, se resservit et réalisa que ces petits gâteaux n'affamaient pas que sa seule personne. Il pouffa de rire avant de pousser lentement l'assiette jusqu'au centre de la table, à égale distance des deux hommes. Cela devrait suffire à lui faire comprendre qu'il pouvait se servir, non .
Il espérait passer sur un nouveau sujet de conversation, quelque chose de plus agréable et de pas encore abordé par l'un ou l'autre. Mais pour cela, il fallait d'abord mettre un terme à celle-ci.



Pas notre problème... Masato n'aimait pas ce terme mais il était pourtant vrai. Le clan Kitto n'était pas impliqué dans ces disputes et n'avait aucune raison de changer cela. Ils n'étaient que des spectateurs las et ennuyés par cette rediffusion continue.

Les petits fours avancèrent jusqu'au milieu de la table, chantant leurs suppliques, leurs «maaangeee-moooiiii» à l'oreille de Masao. Remercient d'un signe de tête maladroit son bienfaiteur, le suplicié s'empara avidement d'un amuse-gueule à la saucisse qui avait eu le malheur de chanter un peu trop fort. Approuvant les paroles de son vis-à-vis, il émit un grognement sonore en signe d'acquiescement.



Ce sujet de conversation lancé entre deux bouchées n'avait rien de bien palpitant, mais, le cerveau embrumé par l'alcool, Masao n'avait pas trouvé mieux pour le moment. Et au moins, c'était une discussion qui ne risquait pas de leur coller la migraine !

Ils étaient là, petites proies fragiles et pacifistes, tremblants de peurs devant le monstre qui s'emparait d'eux un à un, qui les séparaient et qui les engloutissaient. Pauvres petits biscuits apéritifs, chassés, persécutés par des mains malfaisantes et impitoyables...

Remplissant son ventre petit à petit de petit fours, Masato apprit une rumeur dont il n'avait encore jamais vu la couleur. Il rit doucement.



Il s'était dit d'arrêter de boire mais manger lui donnait soif. Il se resservit finalement un petit verre de Saké.

Un trou dans son mur, vraiment ? Soit Gekido avait de sacrés cauchemars, soit de violentes sautes d'humeur. Ou peut-être devenait-il simplement fou à lier. Masato perdit de précieuses secondes de sa vie à se demander laquelle de ces possibilités était la pire pour Konoha...



S'étouffant presque avec un friand au fromage, le presque-borgne toussa bruyamment pour dégager des voies respiratoires. Après avoir lutté quelques dizaines de secondes, Masao put reprendre une respiration normale.

Masato oublia le temps pendant quelques secondes, les yeux rivés sur cette assiette qui se vidait petit à petit. Qu'allait-il faire, lui ? Allait-il supporter les Chikara, les Uzumaki ? Ou tout ignorer jusqu'à ce que les Kitto soient pris en tenaille une nouvelle fois ?
Quand on y pense, ils auraient peut-être mieux fait de ne pas intervenir il y a neuf ans... L'un des deux clans aurait dominé l'autre et tout serait plus simple...

Il secoua sa tête pour faire dégager toutes ses idées. De toute façon, si ça venait à dégénérer, il n'attendra pas pour prendre congé de ce village de tarés.
Il pouffa de rire.



Après tout, la réputation inspire à la jalousie. Et la jalousie n'a toujours fait qu'empirer une situation déjà critique. Depuis toujours.

Des platitudes. Ils étaient là, avachis, à déblatérer des platitudes. N'avait-il pas mieux à faire ? Non. Personne ne l'attendait, personne n'avait besoin de lui, il ne manquerait à personne... Si, en fin de compte peut-être à deux personnes : Hikari, son ex-équpière, et Zenjirô, son petit frère. Ses autres amis étaient soit morts, soit s'étaient éloignés de lui depuis longtemps. Au fond, cet exil imposé ne lui pesait-il pas ? Peut-être, il n'était plus en état de le dire depuis près d'une heure...




Il n'avait rien a dire de plus pour le moment, il contenait de scruter fond dada coupelle avec mélancolie... L'alcool le rendait émotif, mais avait-il réellement besoin de cela ?

Sur ces paroles sensées mais plates, vagues, ternies par l'alcool et la fatigue qui le prenait, Masato se dit qu'il était peut-être l'heure de rentrer. L'heure d'oublier cette journée, l'heure de s'évader. L'heure de passer une bonne nuit sans plus de complications. Après avoir mangé un énième friand, le borgne se redressa et s'étira longuement, faisant alors craquer ses articulations au niveau du coude, et bailla légèrement. Il posa son regard sur son voisin de table, hésitant une seconde, attendant de voir si un nouveau sujet à analyser d'un œil enivré allait être délivré.
N'entendant rien de plus que des respirations et des casseroles clinquantes au loin, il se leva -assez difficilement- et s'appuya sur le comptoir le temps de retrouver son équilibre.



Il resta immobile encore un moment. Les derniers biscuits lui faisaient du gringue mais il décida de les laisser à son acolyte.



S'il restait plus longtemps, il recommanderait une bouteille. Et ivre, il aurait probablement fini par s'endormir sur le comptoir.

Regardant son compagnon d'un soir se lever d'un air absent, Masao se rendit compte que le temps ne s'était pas arrêter tout compte fait. Écoutant ses sages paroles d'une oreille, il décida qu'il était peut-être temps, pour lui aussi, de quitter les lieux pour retrouver un sommeil réparateur. Après tout, se connaissant il allait repartir en mission le plus rapidement possible, autant essayer de ne pas trop se mettre des bâtons dans les roues. D'autant plus que l'alcool commençait à perdre son effet salvateur pour le laisser encore plus mélancolique qu'au départ...




Il lui restait simplement à finir le peu d’apéritifs restant sur le plateau avant de s'éclipser... ça serait dommage de gâcher tout de même...