La Dame de Fer était solidement assise sur son siège. Elle le savait : cette période de transition serait délicate, susciterait l’incompréhension, le flou, la désorganisation. Pour autant, c’était exactement de ces éléments dont elle avait besoin pour sortir le village de sa torpeur anxieuse et pathologique. Rongé par son passé, par les remords, et par l’avidité de quelques-uns, soutenue par un système perverti, qui n’avait pas été pensé dans cet objectif à la base. Elle devait agir, parce que cette anxiété avait atteint même les plus hautes sphères du village. Elle le savait, depuis sa nomination, Kimino avait toujours marché sur des œufs. Il avait d’ailleurs rempli tous les prérequis à cette transformation plus profonde. La jeune génération, plus ouverte et dont l’identité était plus Konohajin que clanique, était désormais suffisamment mûre pour détruire définitivement les barrières séparant les clans. Il avait fait du bon travail. C’était désormais à elle de transformer l’essai en véritable réussite.
Derrière son visage attentif ne laissant paraître aucune émotion, elle ne pouvait s’empêcher de sentir l’adrénaline dans ses veines, due au danger de sa manœuvre, et de la satisfaction à voir qu’elle avait réussi à parlementer avec les puissants acteurs du village à une même table. Ils en manquaient, elle en était consciente. Ses interlocuteurs aussi, d’ailleurs. Tous ne manquaient pas de souligner l’étrangeté d’un timing trop… Imparfait. Brutal. Provoquant la zizanie. Tous n’avaient sur les lèvres qu’une seule et même question : « pourquoi maintenant ? ». Tous avaient pourtant la réponse, mais la Cheftaine des Services Secrets et Chikara Shirona étaient toutes les deux les seules à en avoir pleinement conscience.
« Sans surprise, vos questionnements sont pertinents, tout comme l’analyse de chacun. Et je suis d’accord, Azukiyo-san. Shinji n’a pas la légitimité pour agir, c’est pourquoi il n’est pas dans cette pièce. Mais c’est une figure emblématique du village et de la IVème république, d’où ma précision. Pour finir, l’essence même de la politique est de confronter des idées qui émergent de réalités qui sont propres à chacun. Mais ce qui est fascinant, c’est que je n’impose rien. Nombreux ici à cette table sont en accord avec mon idée qui prône la nécessité d’un changement, et les critiques porte essentiellement sur la méthode. Et je ne peux qu’être heureuse d’un tel état de fait. »
La Régente avait fini par décrocher un sourire confiant face à cette assemblée. Leurs soutiens été nécessaire. Une condition presque sine qua none de son plan…
« Pourquoi maintenant ? Pourquoi avoir attendu le départ de certains membres du conseil des Sages ? Pourquoi avoir attendu le départ de Kimino ? Il y avait dix mille autres moyens de provoquer ce changement, autre que part une prise de position aussi brutale. Est-ce que la cheftaine des services secrets se révèle être une femme envieuse, vénale, prête à tout pour s’accaparer un pouvoir qui n’est pas le sien ? A-t-elle caché son jeu depuis le début ? Est-elle corruptible ? Tous ici présent, une de ces questions ou presque est parvenue à votre esprit. »
C’était probablement l’image qu’elle dégageait face à ses détracteurs. Et c’était entièrement voulue. La brutalité de son action, son discours sur le pardon, calqué sur le changement des modalités de détention de la prisonnière, la réduction drastique des interlocuteurs de pouvoir… Tout ceci avait un but très précis. Et elle venait, visiblement, de l’atteindre.
« Avant de répondre à ces questions, permettez-moi de dissiper quelques malentendus. »
Elle fixa gravement l’assemblée.
« Kimino n’est pas au courant. Pour être totalement franche, personne ne l’était. Pas même Kazami sur sa libération. Alors est-ce qu’il prendra cette décision comme une trahison de sa confiance ? Probablement. Est-ce qu’il serait forcément en désaccord avec mon idéal ? Je ne pense pas. Seth, notre Hokage à toujours affiché une volonté d’établir, ou de rétablir, un lien fort entre les clans. D’où la maladroite nomination d’une Kirishitan et d’un Chikara en Hokage. Il reste l’Hokage légitime, mais c’est parce que sa position politique est affaiblie depuis l’incident avec le Genin Uzumaki Seitô qu’il ne peut prendre de décision aussi importante, et ne peut être assimilé à cette période de chaos que je viens de provoquer. Ma position, en revanche, est plus stable. Enfin, jusqu’à il y a quelques heures. »
Quel sens cela avait-il de s’affaiblir en tentant une manœuvre aussi grossière et risquée ? La Dame de Fer n’était pas pressée d’y répondre. Tout devait venir en son temps, à son rythme.
« Avant d’entamer le processus de transformation, la république doit être purifiée des éléments responsables de sa corruption. Des hauts-dignitaires et autres réfractaires usant et abusant de leur position dans leur simple intérêt personnel… »
La dame de fer sorti alors un parchemin. De ce dernier, elle descella un parchemin pour chaque personne de l’assemblée. Puis, elle se leva, et le distribua. Un par un.
« Ils avaient une position confortable, des intermédiaires efficaces, dissimulant leurs traces. Pour cause, avec un nombre important d’interlocuteurs, ils avaient un large choix pour agir. En fonction de leur besoin, en fonction de leur envie. Du moins… Jusqu’à aujourd’hui. »
Elle revint alors à sa place.
« Le chaos que je viens de provoquer va irrémédiablement faire paniquer ces petits rats qui se terrent bien au fond de leur bureau. Impressionné par la pseudo-libération factice que personne ne croyait possible. Un énième artifice, qui malgré tout, possède un intérêt stratégique. La panique va les envahir, en l’absence d’important interlocuteurs et intermédiaires, comme Keisan, ou Shimazu, et même Kimino. Il était nécessaire d’agir lorsque notre nombre est le plus restreint. Ils iront alors vers la cible la plus juteuse, la plus intéressante, la solution de facilité, celle qui possède une majorité des clefs et qui semble avoir terriblement besoin d’aide… »
La Dame de fer afficha un sourire.
« Ne suis-je pas aujourd’hui l’appât parfait ? »
Soudainement, tout prenait sens. Mako Uzumaki devait paraître corruptible. L’Inflexible devait jouer son rôle, une parfaite mascarade, un jeu des ombres. La chef des Services secrets corruptibles, un appât terriblement attractif pour ceux qui, dans la panique, chercheront la solution la plus enviable.
« Alors si je cherche a m'octroyer des droits totalement irréel, digne d’un état totalitaire… ? Evidemment. Plus j'en aurai, et plus la tentation sera grande. Ce que je vous demande sans équivoque, c’est de me confier votre pouvoir, et vos responsabilités. Que chacun me reconnaisse en tant que légitime et unique régente dans ces temps troubles, et approuve mes décisions comme si elles faisaient loi. De prendre cette décision courageuse, de calmer les ardeurs des innocents outragés à l’intérieur de vos clans, sans jamais me contredire. Désemparé face à cette mascarade de zèle soudain, les rois des rats n’auront d’autre choix que de venir vers moi, se trahir pour tenter de me corrompre et survivre au chaos qui s’annonce. Et le piège fatal se refermera derrière eux. Konoha enfin débarrassé de cette vermine, le temps de la transformation sera enfin venu. En douceur. »
La Dame de Fer ferma les yeux. Elle risquait tout. Des années de labeurs, son honneur, sa vie. Mais elle n’avait aucune crainte. Ses fils étaient en bonne santé, libre de vivre et de choisir. Puis, elle les rouvrit sur l’assemblée. Ses yeux brûlant d’une volonté infaillible, inflexible. Elle semblait comme enflammée par sa propre détermination.
« Cette passe d’arme politique nécessite de la subtilité, de la patience, et de la tactique. Le contraire de notre Hokage, qui est impulsif, et direct. Et c’est justement parce que je suis son bras droit que je ne peux agir comme simple conseillère, je dois être complémentaire ! Kimino a réussi un tour de force en éteignant le feu de la guerre civile, c’est à mon tour d’éteindre ses braises ! Il ne peut accomplir cette mission, alors c’est à moi de porter cette responsabilité ! Dès son retour, le village doit être prêt pour son renouveau. »
Elle passait de regard en regard, l’assemblée.
« Vous trouverez dans ces parchemins une liste de noms, une liste de suspect, que j’ai identifiée par l’intermédiaire de l’Anbu. Tous ne sont pas coupable. Je compte sur votre coopération pour nous permettre de les identifier, et de concrétiser pour les coupables les suspicions en preuves afin de les mettre hors d’état de nuire. »
Sur cette liste, il n’y avait aucune discrimination. Des Uzumaki, des Chikara, des Kitto, d’autres noms de non-shinobi… et même des Kirishitan ! Des civils, comme des militaires, des marchands, et des hauts-dignitaires. La Dame de Fer avait enquêté sur un large spectre de la population, en partant des pistes offertes par l’intendante. Une position stratégique. Elle ne se le cachait pas, il y avait des innocents dans cette liste. Mais il ne fallait pas laisser porte ouverte à une éventuelle stigmatisation contre-productive.
« Je n’ai aucune assurance à vous offrir, autre que ma bonne foi et mes années de services du village, mon honneur et ma parole. Une fois cela terminé, je me destituerai de ces pouvoirs exceptionnels, pour permettre à tous de s’asseoir et d’avancer vers notre idéal. »
La Dame de Fer s’arrêta un instant… Avant de reprendre d’une voix solennelle.
« Ce village m’a beaucoup offert, et si je dois y laisser ma vie pour son avenir… Alors ainsi soit-il. »
Et elle se tue, attendant le jugement de chacun. Elle avait beaucoup parlé, parce qu’il y avait beaucoup d’informations à transmettre. La Dame de Fer jouait plus que sa vie dans cette manœuvre. Elle y jouait ses amitiés, son honneur, son nom, son histoire, son avenir. Mais à ces yeux, c’était un bien maigre prix a payé pour offrir à ses enfants, et aux jeunes générations, un avenir dont elle-même avait rêvée.