Cela faisait des jours que vous avanciez dans les marécages. Des jours que la progression se faisait dans un lourd silence. Un silence de réflexion pour ta part. Tu réfléchissais sur ta personne, chose que tu n'avais probablement jamais faite. Jusqu'à ce jour tu n'existais pas vraiment, tu n'étais que l'extension de tes "maîtres" et tu n'avais jamais été invité à penser par toi-même. Mais, les derniers événements de ta vie avaient brisé cette chose en toi, détruit cet énorme mur dans lequel tu avais enfermé ta capacité de réflexion. Tu avais enfin compris chacune des paroles de la vieille Okasan, chacun de ces enseignements prenait sens dans ton esprit. Et ces derniers jours t'avait permis d'assembler toutes les pièces. Un long processus que la marche au travers des marécages avait finalement rendu possible... Bien sûr, rien ne fut simple. Tu avais douté, extrêmement douté... Il était chose difficile que d'accepter que sa vie avait été dicté, et pourtant, tu l'avais enfin réalisé...
Ce long processus t'avait mené dans une souffrance mentale. Une souffrance normale pour quiconque tenterait de sortir du chemin que nous lui avions tracé. De nombreuses paroles tenus par ton ancien ami le singe avait résonné dans ton esprit. En l'occurrence, celle qui évoquait le fait que tu ne représentai qu'une arme manipulé par Kumo. Plus ses phrases résonnaient en toi, plus celle-ci prenait racine et trouvait des situations de ta vie qui prouvait cela. Pourtant, tu continuais à t'accrocher au simple fait que tout ceci avait eu lieu pour le bien de Kumo, de cela, tu étais bien incapable d'en douter, tu en étais même intimement convaincu. Tu n'avais jusqu'à ce jour vécu que pour cela, pour un Empire. Était-ce de l'endoctrinement ou bien une pensée naturelle pour toi ? Tu n'en savais rien, et ce point-là, tu ne désirais guère l'approfondir. Tu aimais ton village, tu aimais ton Empire et cet amour, même s'il n'était pas naturel, il existait désormais... Peut-être pouvais-tu même dire qu'il était ta raison de vivre...
Bien que tu aimais ton Empire au-delà de ce qui devait être raisonnable. Un certain dégoût avait commencé à naître en toi. Un dégoût envers toi-même. Jusqu'à ce jour tu n'avais été qu'une arme et malgré les avertissements reçu par Saru, tu n'avais pas su changer. Bien au contraire, tu avais même été le formateur d'une de ces nouvelles armes utile à Kumo: Soshi. Tu l'avais torturé, humilié, brisé jusqu'à ce qu'elle ne soit que ton simple pâle reflet. Tu avais brillamment réussi, et seulement maintenant, tu prenais conscience de ce que cela représentai, de ce qui tu étais... Tu avais ressenti pour la première fois des émotions lorsque ton regard croisa pour la dernière fois le singe, et à compter de ce jour, tu n'avais su taire cette douleur qui t'animait.
Tu venais seulement de comprendre ce qu'était la douleur, la souffrance d'une âme. Et cette découverte t'ouvrais un nouvel horizon: les émotions. Et c'est seulement dès lors que tu compris ce que la vieille Okasan avait attendu de toi. Ainsi, des discussions vieilles de plusieurs années étaient remontées à la surface. Et tu compris comment cette dame était intelligente, consciente que ton rôle à joué serait vraiment important et qu'elle t'avait préparer à ce qui allait suivre... Ta voie.... Elle t’avait parlé de paix, d’une paix atteignable grâce à « nous » les Miwaku. Selon ses dire, nous avions rôle à jouer, malgré les contradictions que ce devoir terminerait par apporter. Et tu ne pu t’empêcher de créer un lien avec certaines autre de ces paroles. Elle t’avait demandé d’évoluer, afin qu’un monde meilleur puisse se profiler et que tu aurais le choix, soit de l’encourager, soit de le combattre…
Tu avais compris à cet instant que la vieille Chihiro espérait intimement que tu représente la dernière arme de Kumo. Celui qui apporterait la paix sur cette terre… Tu avais sondé ton âme en peine, et tu ne pus t’empêcher de souhaiter que nul autre ne puisse connaître cette douleur. Cette souffrance n’avait que pour origine le fait d’être une arme et de combattre. Et tu pris conscience que tu avais été le créateur de souffrance chez bien d’autre individu en affrontant des pères, des mères, des frères et des sœurs. Tu avais mutilé, frappé ou tué quiconque se mettait en travers de ta route. Jusqu’à ce jour, avais-tu vraiment œuvré pour la paix ou bien l’avais-tu finalement combattu ? Qu’aurait pensé la vieille Okasan de ton mode de vie, elle qui avait tenté de te faire accomplir de grande chose ? Elle qui avait espéré que tu sois celui qui arrive à lier le monde… Et pour cela, tu te devais d’arrêter les guerres, arrêter de créer des armes humaines…
Bien sûr, tu avais pris conscience que la guerre était l’origine du problème et rapidement, ton esprit se mit à réfléchir au moyen de réussir une telle prouesse. Chose qui jusqu’à ce jour n’avait été rendu possible par aucune autre personne… Mais, tu sentais une force invisible, celle de la sage de ton clan, te porter. Et tu compris bien rapidement que Shizuka et ses ambitions étaient la réponse à ton problème. Un Empire unique, régnant en tant que maître sur toutes les terres. Terminé les guerres de territoire… Un seul Empire pour un monde uni… Bien sûr, un tel concept comportait pourtant une faiblesse, celle de la succession et des luttes interne afin d’accéder au pouvoir. Mais encore une fois, l’impératrice était la solution parfaite. Elle qui avait été transformée en vampire, elle qui désormais possédait l’éternité devant elle pour régner….
À tes yeux, nul autre empire que Kumo ne pouvait régner en tant que maître suprême sur les terres. Pourtant, tu n’étais pas dupe et tu savais que ce qui représentait pour toi une évidence, serait pour d’autre une impossibilité. Ainsi, Shizuka serait dans l’obligation de mener une conquête sans fin, entraînant des guerres de nation, longue, coûteuse en ressource et en vie humaine. Mais également, ceci se terminerai par une soumission d’un peuple qui, un jour ou l’autre, finirait par se rebeller, tout comme les Kirijin l’avait fait. Cette vision n’offrait guère un futur viable.
Suite à cela, il t’avait fallu plusieurs jours d’intense réflexion afin de trouver une solution à ces problèmes. Et tu remerciait intérieurement Kuraso d’avoir respecté le silence que tu avais imposé afin de t’immerger totalement dans tes pensées. Et finalement, une idée était sortie du lot. Une idée qui au commencement t’avait paru impensable, totalement saugrenue, voire dangereuse pour le monde… Et pourtant, ton esprit revenait constamment sur celle-ci, comme si, finalement, elle était une évidence. Mais cette idée, sombre, terrifiante te poussait dans un retranchement que jamais, ô grand jamais, tu n’aurais pensé imaginable pour toi… Et doucement, tu ne pus t’empêcher de penser à cela, telle une obsession…
Une larme avait coulé le long de ton visage lorsque tu finis par comprendre que tu ne disposais pas d’autre choix que de déserter Kumo afin d’amener Kumo au règne qu’il méritait amplement. Et ce fut ta seconde larme de ta vie. La première était pour un ancien ami que tu devrais tuer un jour ou l’autre. Ta seconde était ta prise de conscience concernant le rôle que tu avais désormais à jouer… Tu allais devoir abandonner ta mission en cours, abandonner ton peuple, abandonner ta sensei, abandonner ton village, abandonner tes dirigeants et plus compliqué encore, ne jamais leur expliquer ton projet, ton GRAND projet… A jamais, à leurs yeux tu resterais un nukenin, un ninja sans valeur qui avait choisi l’obscurité, alors que la réalité, était tout à fait différente… Tu allais tout bonnement te sacrifier pour Kumo, offrir ta vie pour le plan de Shizuka, un Empire unique pour une Impératrice éternelle.
L’obscurité que tu avais finie par choisir te semblait une nécessité afin de préparer le monde au règne de Shizuka. Car finalement, ton plan était simple… Devenir le fléau de ce monde, celui qui absorberait la haine de chaque habitant de ce globe, celui dont la mort serait un rêve pour tous. Ton plan était diabolique : une dernière course à la destruction avant une paix éternelle. Tu avais décidé d’agir pour le mal, devenir la hantise de chaque famille, celui qui mettrait à sang les territoires, celui dont nul individu n’arriverai à vaincre. Jusqu’à ce que tu acceptes de mourir de la main de tes « maîtres », le sacrifice ultime qui mettrait inévitablement Kumo en position de sauveur et ouvrirait le cœur des différents peuples à rejoindre l’empire Kumojin... Bien sûr, afin d'éradiquer la violence, il était nécéssaire d'en offrir une dernière dose inacceptable pour tous... Ceci allait être mon rôle...
Tu connaissais la difficulté d’une telle tâche. Bien que tu ne doutais pas de ton talent, tu avais aussi conscience que tu ne pouvais mener le monde au bord de la destruction en agissant seul. Non, pour cela, tu avais longuement réfléchi et tu avais décidé qu’il te fallait une équipe sur qui compter… Du moins, le temps que tu estimais cela nécessaire… Bien évidemment, la première personne à laquelle tu pensais se trouvait juste à côté de toi…
Tu regardais le bleu qu’arborait Kuraso sur son cou. Un souvenir que tu lui avais laissé, il y avait une semaine de ça et tu repensais à la phrase qu’il t’avait dite ce jour-là « tu n’as pas à porter l’empire à toi seul sur ton dos. ». Peut-être pourrait-il comprendre mon but, peut-être pourrait-il en faire partie… Ou alors, peut-être devrait-il être mon premier meurtre de discorde…
Je faisais une courte pause.
« Je ne peux porter l'empire seul sur mon dos... Mais je ne peux également demander au peuple entier de supporter la violence de ce monde... Du moins, pas éternellement... »
Je m'écartais quelques peu de Kuraso.
« Et si je te disais que j'avais trouvé un plan... Un plan pour éradiquer la violence de ce monde ? Mais que pour cela, nous devrions sortir des chemins tracés, sacrifier tout ce que nous possédons... Jusqu'à nos vies afin d'offrir un monde meilleur à notre Empire et à notre monde... Que tu me répondrais-tu Kuraso ? »