Les terres d’Ame étaient pauvres. Plus encore après les gigantesques trafics qui y avaient régné par le passé, contrôlés par une immense organisation mafieuse. L’histoire du borgne était solide comme un béton exempt de fissures. Le mercenaire infiltré n’agissait pas en total terrain inconnu. Combiné à son sens aiguisé de l’improvisation qui avait rythmé ses précédents exploits, il était l’homme qui avait été désigné pour agir à Suna.
D'après le délabrement du bâtiment, le quartier dans lequel il était situé, l’interlocutrice poisseuse et la manière d’obtention du laissez-passer, il ne faisait aucun doute : Yuko était une Abura appartenant à la pègre. Les trois Konohajins étaient en plein milieu d’un territoire hostile. Pour autant la situation n’était pas catastrophique, leurs couvertures semblaient tenir. Les précautions prises en amont payaient. Konoha et Suna se prêtaient à un jeu dont les apparences décidaient des règles.
« T’y vas ou j’y vais ? »
La question était loin d’être anodine. S’il pensait juste, une quelconque utilisation clanique pouvait rapidement présenter un problème. Une appartenance au clan Kitto, à Konoha. Ce qui, pour sûr, enflammeraient les échanges. Distant de ces problèmes, Universa refusait, en proie à sa gaieté virulente, une escalade à la violence. C’était à l’homme mature et expérimenté de s’y coller. Face à face, à quelques mètres, les deux combattants cherchaient à la fois le corps à corps et le répit d’user de quelques mudras. Un lancer de sable, une ruse que le borgne semblait mieux maîtriser que son adversaire. Les poings de Yuko annonçaient la destination d’une frappe synchronique. La parade était simple, le coude monté jusqu’à hauteur du cou, la main sur l’oreille, venait réceptionner le coup, laissant le sable s’éclater sur l’épaule.
Une projection soignée suivie d’une droite mieux placée étaient plus destructrices. Keisan affectionnait bien plus cette version de lancer de sable. Réalisant sa précipitation et leur niveau égal, la basanée optait pour une autre stratégie. A reculons, elle formait de ses doigts des figures, auquel son adversaire y répondait par le même procédé. Quand une myriade de petites boules de feu s'élançait vers le borgne, une doublure de boue s’interposait. La pluie embrassée terminée, une silhouette perçait le voile de poussière qui s’était soulevé pour atteindre l’Abura. Le clone de boue se regénérait, l’acculant progressivement dans un deux contre un. Inachevé, le duel se terminait à la simple annonce de Dame Yuko. La copie retournait à la terre.
« Un tatouage ? Un bon vieux papelard ça me suffit. »
La répartie adverse était simple. Koya fonctionnait différemment de ce que le monde connaissait, des grands pays, des grands villages. Une excuse qui avait bien marchée jusqu’ici mais y trouvait désormais ses limites. Le jeu des apparences les rattrapaient néanmoins, forçant les Konohajins à accepter l’accord.
« Pas vraiment fan des tatouages, t’en penses quoi le jeune ? Vu ta tronche ça t’enchantes pas non plus.. Bien bien.. Filez-moi votre bordel, Dame Yuko »
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S’approchant, remontant l’une de ses manches pour accueillir le tatouage, le borgne choyait sa gestuelle. Le quadragénaire connaissait deux moyens pour remporter un jeu d’apparence. Règle numéro une : avoir une meilleure main. Règle numéro deux : l’ex-mercenaire n’était pas un fana de l’ordre établi, un non conformiste qui préférait alors redistribuer ces mains. Habitué à la réalité, il l’appliquait. D’un regard, la femme était privée de ses mouvements. Un œil unique qu’elle n’avait pu ignorer. Par surprise avant tout. Le visage du Kitto s’était soudainement imposé devant elle, exploitant leur proximité, sa fausse reddition et son faux accord, ne lui laissant guère le choix de se plonger dans son iris. L'illusionniste l’a pris alors en otage.
« Changement de programme. »
Une demande d’Universa de les éliminer. Pas encore, il était trop tôt pour impacter le déroulement de la mission. Ils étaient encore dans les quartiers de la surface bien que sous influence de la Pègre de Suna. Cela pouvait encore dégénérer en incident diplomatique s’ils parvenaient à découvrir leurs identités.
« Nul besoin.. N’est-ce pas ? Dis à tes hommes de gentiment se laisser attacher si tu tiens à la vie. Sans quoi, ils mourront. »
Une terrible psychologie qui arpentait Koya. L'individualisme. Si chacun y trouvait son compte, un gain à court terme, tous accepteraient.
« On les emmène dans la ruelle. À l'abri des regards. »
Un interrogatoire musclé allait s’y dérouler.