Le borgne n’avait daigné répondre à la demande de l’Abura. Son sourire éphémère et son silence se passaient de commentaire. Le veuf savourait la mort de Tsuge Shosu, le parrain septentrional, dans une demi-euphorie, une demie-déception : sa vengeance était enfin accomplie, bien loin de l’apothéose qu'il avait prévu. La mission importait avant tout, ils se trouvaient dans la gueule du loup. Les galeries n’étaient pas encore sillonnées par les activités de la nuit qui approchait, mais l’embuscade s’était tenue à un lieu de passage. L’efficacité n’avait pas été un choix. Quand l’Uzumaki les rejoint après un saut, un compte-rendu de la situation se profilait naturellement.
« Tsuge est mort. Et toi, as-tu appris quelque chose ? »
Un peu que le faux Chûnin de Konoha en avait appris ! En forçant sur la boisson pour créer une amitié factice avec le patron du bordel, au nom de la pègre dont il portait le tatouage, Universa lui avait tiré les vers du nez. Prétextant souhaiter un niveau de vie plus luxueux, à commencer par des habits, il avait obtenu l’adresse de la meilleure boutique, avec les meilleurs tanneurs, utilisant un matériel prisé : du cuir de Tanuki. L’ANBU avait tiré le gros lot.
Et pourtant, ce n’était pas tout. L’état d’esprit d’efficacité de l’ancien mercenaire était visiblement beaucoup moins partagé par le nanti. L’Uzumaki s’était payé le luxe d’agir comme bon lui semblait, réalisant une myriades d’assassinats sous l’attention de témoin, qu’il avait libéré pour jouer le preux chevalier. Des prostituées riches d’un jour. Le quadragénaire lui aurait bien refait le visage, mais attirer les regards leur portait préjudice.
« Petit con. On a ce qu’il faut, en route. »
Ronchonnant intérieurement, le veuf s’était retenu contre Tsuge, ce que n’avait pas fait “Yami” par pur caprice. Keisan n’avait pas eu besoin d’insister pour leur signaler qu’ils étaient désormais pressés. L’Abura semblait bien saisir la situation. Les ruelles souterraines se remplissaient. C’était désormais du contre-la-montre. Dans un quartier plus distingué aux espaces plus grands, un tunnel visiblement privé menait vers un véritable manoir, à l’abri des regards. Un lieu qui ne passait pas inaperçu, expliquant la renommée du Baron Braconnier et la connaissance de Yuko à son sujet. Le contrebandier était l’un des hommes qui régissait les lois des Galeries de la Pègre, en témoigne l’emploi de garde. Un homme important et à l’agenda bien chargé. Surtout lorsque ses enclos de Tanuki se faisaient saboter à tour de bras. En empruntant l’allée sans se dissimuler pour frapper à la grande porte, une servante leur ouvrait.
Sous le jeu d’acteur d’Universa exploitant ses informations, il réclamait vouloir faire affaire, sous les conseils d’un gestionnaire de bordel, mais le Baron n’était pas présent. Rebroussant chemin, la fine équipe qui ne faisait pas dans la dentelle, se fondait dans la masse en participant à des paris et des jeux. Après une démonstration pleine de réussite du roux teinté, doublant ses mises de départ, Yuko apercevait et signalait la cible. Le borgne confiait sa bourse à Universa pour faire gonfler la sienne, afin qu’il soit pris au sérieux. S’engouffrant à nouveau dans le couloir, sous le nez des sentinelles assurément dévouées à la Pègre, le groupe se présentait à nouveau. La servante les faisait entrer et patienter jusqu’à l’arrivée de son maître. Un manoir aux intérieurs orientaux, fresques et cadres typiques, nombreux tapis, rideaux et coussins aux tons chauds. L’aube d’une longue scène de cinéma se représentait.
Universa et le Baron discutaient du type de fourrure, une Tanuki femelle apportait une grande douceur mais celle du mâle était bien plus protectrice. La servante prenait les mesures avant d’aller chercher une fourrure appropriée. C’est seulement au moment du paiement que le membre de l’ANBU troquait sa bourse contre un coup de kunai dans la gorge. Au quart de tour, les deux Kitto fonçaient sur les gardes du rez-de-chaussée pour leur enfoncer pieds et poings d’une rapidité étonnantes, évitant qu’ils sonnent l’alerte. L’Abura rôdait dans le couloir pour rattraper la servante et la mettre à mort. A l’étage supérieur, le remue-ménage attiraient d’autres gardes aux balustrades des mezzanines. En guise de comité d’accueil, des hirondelles de glace tranchantes venaient se planter dans ces nouveaux arrivants. Habitué au terrain, le barbu se précipitait aux fenêtres pour prendre conscience de la situation. Fidèles à leurs tâches, les sentinelles extérieures ne bougeaient pas d’un pouce, focalisées sur leur environnement proche. Le manoir isolait bien le bruit malgré les apparences.
« Aussi étonnant que ça puisse être, on a été silencieux. Les autres gardes ne bougent pas d’un iota. Mission accomplie, les deux cibles ont été éliminées. Fouillons le manoir, nous pouvons peut-être obtenir un beau registre. »
Laissant les corps en pleine vue, les Konohajins commençaient à chercher et mettre sans dessus-dessous le manoir. A force de fouiner et d’inspecter, le groupe apportait avec eux des papiers dont le contenu avait été à peine lu, se rattachant à l’aspect global du document ou de l’endroit plus ou moins planqué dans lequel il avait été découvert.
« Allez, finis de jouer, faut dégager. Ta connerie de tout à l’heure va nous foutre dans une merde pas possible. Yuko, nous avons rempli nos objectifs, et à part ces gardes en bas, plus grand chose ne nous lient à toi. A toi de choisir si on s’occupe d’eux ou non. »
Devant la réponse négative de la guide, le vice-capitaine des ANBU souhaitait éviter d’emprunter à nouveau les galeries. Universa était, ce qu’on appelait dans le milieu, grillé. Une vraie bombe à retardement prête à leur sauter à la figure au moindre faux pas ou à la moindre malchance. Une situation qui pourrait arranger la basanée si elle était poussée dans ses derniers retranchements.
« Bien.. Tu connaissais l’adresse, à ton avis, il y a quoi au-dessus de nous ? »
La guide était clair. Les quartiers du Baron Braconnier étaient en-dessous d’une zone contrôlée par Koya et non par Suna.
« On monte. Mettez-vous à l’abri. »
Prenant la peine de vérifier en composant quelques signes avant de disparaître dans le mur, Keisan remontait à la surface. A la surface, il sortait du sol près de deux maisons. La rue était proche. Se décalant quelque peu, il pliait la terre à sa volonté pour l’envoyer percer le plafond de la galerie et s’enfoncer plus bas, créant un pont en presque-vertical. Les éboulements étaient inévitables et attiraient inévitablement la fourmilière en dessous. Mais plus rien n’empêchait leur fuite. Sous l’ultime conseil de la basanée, le groupe s'emparait d’un moyen de locomotion étonnant : des traîneaux d’antilope du désert.