Tu avais eu des échos comme quoi Hattori Takai était à ta recherche. Il aurait eu bien du mal de m’envoyer un courrier à quelqu’un qui n’existe pas vraiment. Tu avais su faire transmettre un message pour lui donner rendez vous dans un bar correct du quartier des plaisirs. Il est plus facile de discuter sans danger dans ce genre de lieu que dans la pénombre d’une ruelle. Tu prenais donc la direction de cet endroit tout en étant très pensif et regardant encore le ciel.
On dit que les étoiles dans le ciel sont des soleils lointains. On dit qu’elles sont faites de fragments de la coquille du grand oeuf cosmique. On dit aussi que l’étoile polaire est le nombril du ciel... Et que le monde tourne autour. Que les étoiles sont des yeux, les yeux des personnes qui sont mortes et qu’elles nous regardent de là-haut, ou que se sont leurs âmes envolées. On dit que les étoiles sont les clous dorés qui tiennent le ciel bien tendu. Parfois, un clou tombe, étoile filante, déchirant la toile céleste... Il faut alors vite saisir sa chance et lancer un voeu qui se glisse dans la déchirure . On est sûr alors que le souhait se réalisera : il est passé par la fente au lieu où tout est possible.
En vérité, derrière la toile noire de la nuit, luit un immense soleil immobile et éternel. Il y a bien longtemps, la toile était intacte et les hommes étaient dans le noir total. Un jour, non, une nuit, un enfant pleura, sa mère, à tâtons, s’approcha du berceau et s’aperçut, horrifiée, que des mites grouillaient sur le visage et le corps de son petit, le piquant cruellement. De dégoût et de rage la femme les saisit une à une et les lança dans le ciel, leur déclarant une guerre qui dure toujours. Le peuple des mites se retrouva sur cette grande toile du ciel de nuit et comme elles étaient affamées, c’est d’ailleurs pour cela qu’elles s’étaient attaquées à l’enfant, elles se mirent à manger le ciel immense, par petits trous, pensant bien que personne ne s’en apercevrait... Mais la lumière du grand soleil derrière perça le premier trou et ce fut la première étoile, une autre suivit, une autre encore et encore une autre... La nuit ne fut plus aussi noire sur la terre et les hommes commencèrent à lâcher leurs peurs.
Les mites sont toujours à l’oeuvre, car elles essaient de se faire pardonner des humains, elles tentent de leur faire comprendre que, derrière la nuit, il y a ce soleil éternel et immuable. Alors elles dessinent des figures avec leurs trous de mites mais l’alphabet des insectes est bien étrange pour nous, pauvres hommes. Nous essayons de déchiffrer ce langage en vain. Les marins et les nomades du désert, eux, se laissent guider, confiants, par les lumières du ciel, ignorants de l’incessant travail des insectes. Les mites, elles, dans le ciel, continuent leur immense dentelle, elles nous écrivent, elles mangent la nuit jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus, jusqu’à dévoiler entièrement le grand soleil. Ceci est vrai, aussi vrai que dans mon placard d’autres mites dévorent mon pull de laine.
Une histoire, une chose de ton passé qui ressurgit de la sorte sans avoir d’où ça vient et si c’était bien ton souvenir ou un que l’on t’avait créé. Etrange, tu n’allais pas y faire attention plus que ça. Sans le remarquer, tu étais déjà devant ce lieu de débauche. Quand on est pensif, le temps passe largement plus vite. Tu entrais dans ce lieu et tu déambulais à travers la est ales pour trouver le jeune homme. Il était assis à une table sur la droite du bar. Tu le rejoignais en le saluant avec ton plus grand respect.
« Bonsoir Takai-san, j’ai entendu des échos comme quoi tu désirais me rencontrer de nouveau pour discuter. Je suis prêt à écouter. »
Tu attendais qu’il t’invite à t’asseoir à sa table. Tu étais curieux de savoir ce qu’il te voulait.