Je pouvais sentir à travers de ses gestes et sa respirations les durs années que mon époux avaient vécu. Je le savais très bien maintenant. Il avait autant souffert que moi de son absence, avait sûrement pensé à moi et notre fils chaque jour dans cette prison pour continuer son chemin, malgré la tristesse de cette solitude que nous avions partagés. Je ne peux dire que notre ressenti était exactement le même avant notre rencontre, mais le coût des années sans se voir et espérer de revoir le sourire de l'un et l'autre nous avait pesé. Malgré mes larmes, mes pleures, je gardais un sourire à travers de ce câlin très court mais qui semblait avoir fait revivre tant d'émotions enfouis depuis des années. Ses paroles étaient toujours aussi douces à mes oreilles, me tirant un léger sourire alors que mes yeux miroitaient par les larmes. Moi aussi, il m'avait tellement manqué et j'étais tellement aux anges de le voir en ce moment, que j'avais totalement oublié l'inconvénient dans l'histoire. Je ne voulais que profiter de sa présence, mais mon amie me ramena à l'ordre. Inoiya avait dû être contente sur le coup pour moi, me laissant profiter de mes retrouvailles, mais, de nature méfiante, elle ramena les pendules à l'heure. Il était vrai que.. en y pensant, on m'avait confirmé que Kyôta était toujours dans les prisons de Kumo et dès que nous parlions de lui, il apparait. C'était une drôle de coïncidence, mais la question véritable question de la Kaguya fut au sujet de sa fuite. Le ton allait devenir beaucoup plus sérieux, surtout que Kyôta annonça qu'il n'était guère en délit de fuite en ce moment.
Sans trop attendre, Kyôta demanda à Shun de jouer avec un homme dehors qui faisait partie de notre clan. Il voulait surement éviter que notre fils entendre les horreurs qu'il avait vécu dans les prisons de Kumo. Sur le coup, sans que celui-ci ne remarque, Shun me regarda du coin de son oeil, comme pour voir si j'approuvais sa demande, puis, en me voyant sourire, il ne se posa pas plus de question et partit rejoindre le grand homme en rigolant joyeusement. Pour ma part, au départ de mon fils, je repris ma place sur le canapé, écoutant attentivement les paroles de mon mari sur sa vie en étant prisonnier la bas. Je n'avais aucun mot à dire, si ce n'est que je me sentais trahi par cette révélation de la nature du Vieux Sage. Lui qui semblait nous guider vers une paix, était prêt à nous vendre pour se sauver lui. Je restais silencieuse, mais mon corps parlait pour moi à ce moment là. J'avais serré les poings, alors que mes sourcils avaient froncé sous la colère d'entendre de telles paroles. Inoiya partagea son indifférence envers la mort de Grand-Père Mishi qui, selon ses dires, était fourbe et manipulateur, mais elle était néanmoins amer par la vie que Kyôta avait décris dans ses mots. Depuis peu, ils vivaient dans un quartier réservé pour notre clan à Kumo et avait un certains conforts. Je laissais un sourire compatissant à mon amie, sentant la confusion et l'amertume de cette dernière. Elle avait tout sacrifié pour permettre aux Kirijin de s'enfuir, elle avait dû se battre pour protéger les siens... Je la sentais perdue dans ses paroles, se demandant sûrement à quoi tout son cheminement lui avait servi au final. Elle voulait des réponses, savoir si nous pouvions sauver les Kirijin restant. Je laissais un regard désolée à la Kaguya sur sa confusion, j'aurais voulu être optimiste, lui dire que tout irait bien et que nous allons les sauver, cependant, j 'ai bien peur qu'après son départ que les barbares aillent manger leurs os depuis...
Puis, mon mari partagea qu'avant qu'il puisse vivre comme de vrai personnes à Kumo, il avait vécu l'enfer dans les prisons de cette dernière. Il avait essayé de ne pas céder dans la violence, mais entendant le cris des personnes de notre propre clan qui devenaient fou de jour en jour, il avait commis des meurtres. Toutes ces années en prison l'avaient pesé et c'était clairement une corde sensible pour lui. Je le sentais plus fébrile, les yeux larmoyants. Voulant le rassurer de ma manière, je pris délicatement sa main dans la mienne pour la serrer doucement, tandis que, de mon autre main, je caressais doucement le revers de sa main. Je sentais cette pierre dans mon coeur qui me faisait mal. La culpabilité avait rongé toutes mes années à chaque rencontre, mais j'essayais de rester forte pour l'homme que j'aime. Je voulais être une présence rassurante pour lui. Étant chef depuis peu, il devait, lui aussi être rongé par la culpabilité et les remords d'avoir causé de tels actes et je me devais rester forte pour lui. En tant que chef et membre du clan, Kyôta ne voulait plus abandonner les siens, ne voulait plus tuer les siens, ne voulait plus les voir souffrir comme dans ces années difficiles. Il volait avoir un futur plus radieux et je le comprenais dans ses paroles et m'éclaircissait sur pourquoi qu'il avait fait de tels choix difficiles.
Il baissa alors son masque pour laisser paraître les crocs qui avaient tant pousser depuis. Je fus aussitôt frapper par la stupeur, sentant mon coeur louper un battement par la vision que j'avais et l'émotion qui m'envahissait. Cela était surement dû par les années de solitudes dans les prisons, me laissant un souvenir lointain où que j'aurais dû le convaincre de me rejoindre. Si j'avais été plus stricte, plus convaincante, mon mari n'aurait guère vécu toutes les horreurs dans cette prison, il n'aurait guère eu cette pression de sauver les siens. Nous serions dans cette fameuse plaine à élever notre fils, à avoir une belle vie comme j'avais, même si la présence de mon époux me manquait. Je n'étais pas la personne à plaindre ni à pleurer, car j'avais plutôt une vie tranquille, mais je ne pouvais m'empêcher de sentir de la culpabilité envers le sort de mon entourage.
Je restais tristement pensive de la situation, laissant mon mari soigner Inoiya. Je me sentais impuissante envers l'enfer qu'ils avaient vécu et aussi responsable que le Grand-Père. Peut-être aurais-je dû défier le chef du clan pour prendre la tête et diriger ma patrie vers un endroit sûre? C'était une question qui passait dans mon esprit, laissant imaginer ce qui aurait pus se passer, mais maintenant, je voyais mon amie encore indécise et confuse envers les dires de Kyôta et je me devais de la raisonner. Elle n'avait plus de maison pour se réfugier et n'avait pas assez d'allié pour assaillir l'île et reprendre les Kirijin restant. Je me levais donc pour rejoindre la Kaguya de l'autre côté, prenant place proche d'elle. Je lui laissais un doux sourit triste sur mon visage avant de signer.
« Inoiya-chan... je peux comprendre ta confusion envers la demande de mon mari et je sais que ça doit être quelque chose de complétement surréaliste ce qui se passe, mais je crois que tu devrais accepter de nous suivre. Tu n'as plus de place et si tu rejoins mon mari dans son avancé, on pourra ensembles trouver un moyen de sauver les Kirijins restant. Même si je n'étais guère au niveau de Mishi, je saurais me débrouiller pour convaincre de venir en aide aux restes des membres de notre clan. »
C'était des paroles que je voulais accomplir. Je ne devais plus laisser passer comme j'avais fait. Je ne voulais plus vivre dans cette culpabilité d'avoir laisser ma famille dans la souffrance et aux portes de la mort. Je ne voulais plus regarder au loin, sans rien faire et me sentir impuissante envers ce genre de situation. Malgré qu'il y ait peu de chances que les sauvages aillent laisser tranquilles nos confrères, je voulais continuer de croire que c'était possible et agir en soit. D'ailleurs, si Kyôta avait regarder attentivement mes signes, il pouvait clairement deviner dans ses paroles que je le suivrais. J'avais promis devant les dieux que je le chérirais et que je l'épaulerais jusqu'à ma mort. Même si nous devions abandonner cette vie que j'avais construis avec mon fils, j'étais prête à laisser tomber pour en vivre une autre plus heureuse, accompagnée avec les deux hommes que j'aimais.