Des mois étaient passés depuis que tu avais laissé sur le carreau ton partenaire de mission. Cela avait été le symbole même de ta désertion. Était-il réellement mort pour autant ? La question, pouvait-elle se poser ? Tu l'avais abandonné avec une blessure grave au genou. Dans les marécages de Taki, se retrouver seul avec une mobilité réduite et désarmé, l'espérance de vie se retrouvait grandement amoindri. Mais, au cours de ta vie, il y avait une chose que tu avais bien apprise : ne jamais croire en la mort d'une personne tant que tu ne l'as pas constaté par toi-même. Alors, oui, Kuraso avait de faibles chances de survie, mais ceci ne voulait pas dire qu'il était réellement trépas. Toujours était-il que tu ne regrettais pas ton geste...
Tu avais pris la décision de déserté Kumo lorsque tu avais trahi pour la première fois l'un de tes engagements. Tu te remémorais cet instant, comme un mantra venant soutenir ta décision. Tu avais laissé vivre Saru, alors que lui-même avait déserté Kumo. Mais, tu ne pus te réduire à tuer ton seul ami. Toi, le Cafard, l'homme réputé pour ne ressentir aucune émotion. L'homme connu pour suivre les commandements à la lettre. Toi, Genichi, qui avait pour la première fois verser une larme face à ton incapacité... Saru était vivant... Par ta faute... Ou grâce à toi...
De là avait commencé ta réflexion. Longue, fastidieuse, des journées à marcher dans un silence de plomb. Kuraso était encore à tes côtés, les deux genoux en parfait état... Et alors tu avais compris... Tu avais compris les enseignements de la vieille Okasan, tu avais compris qui tu étais et pourquoi tu étais né dans ce monde. Enfin, tu pris une décision. LA décision ! Tu devais faire de Kumo l'empire unique au prix du sacrifice de ta vie... Putain, Kuraso aurait dû te suivre et à cette heure-ci, tu ne te demanderais pas s'il est encore vivant ou non...
Après l'avoir abandonné dans les marécages, à la merci des Mitsuna et des crocodiles, tu avais décidé d'abandonner la mission que l'impératrice t'avait confié, et alors, tu changeas de direction, au revoir le Sud et sa chaleur, et bonjour le Nord et sa fraîcheur. Ce n'était pas sans raison que tu pris la décision de partir pour les bancs de neige de Yuki. L'été arrivait sur sa fin, et si tu marchais à bonne allure, tu pouvais t'installer dans la cité principale avant l'arrivée de l'hiver, alors, la neige tomberait en conséquence, rendant la zone difficile d'accès. Et c'était exactement cela que tu cherchais, car tu avais conscience que deux mois après ton départ de Kumo, des questions commenceraient à immerger dans l'esprit des Kumojins, et alors, au troisième mois, tu serais potentiellement considéré comme Nukenin... Et, dès lors, des ninjas serait envoyé à tes trousses. Et à ce moment là, Aisu et son hivers rude seraient une aubaine pour toi... Ceci te laisserait le temps de mettre de l'ordre dans tes idées, de t'organiser, peut-être même de recruter...
Deux mois que tu vivais dans la cité des neiges, deux mois que tu te fondais tant bien que mal dans la masse. Tu étais facilement reconnaissable, alors tu avais pris l'habitude d'utiliser ta capacité de Miwaku pour changer d'apparence. Tu avais passé un marché avec lui, de nombreuses nuits et plat offert lorsque tu lui rapportais le cadavre d'ours blanc. Tu te faisais passer pour marchands, client, aubergiste, samouraï, tu étais littéralement qui tu voulais... Aujourd'hui, pourtant, tu sortais avec ta véritable apparence, certain te connaissait uniquement sous ce visage là, le vrai, celui marqué de nombreuses tâche noirâtre. D'ailleurs, si aujourd'hui tu n'utilisais pas de subterfuge, c'était uniquement, car tu retournais dans la toute première auberge où tu avais séjourné et que le tenancier te connaissais sous cette apparence précise. Tu avais passé un marché avec lui, de nombreuses nuits et plat offert lorsque tu lui rapportais le cadavre d'ours blanc. Cet animal était courant dans les environs, mais difficile de les abattre. Pour autant, sa viande était recherchée tout autant que sa fourrure.
Tu tractais la dépouille de la bête sur une charrue sans roue, celle-ci glissait sur des planches en bois travaillé avec un certain produit afin de rendre l'avancement aisé. De la neige te fouettait le visage, mais en deux mois d'existence dans cet environnement, tu t'y étais accoutumé. Le soir se rapprochait, il fallait dire que la nuit tombait relativement tôt. Et bien que tu étais habitué aux efforts physique divers, tu avais hâte d'arriver à l'auberge et de bénéficier de tes nuits offertes. Alors, lorsque tu arrivas au-devant de la porte, tu l'ouvris avec vacarme, faisant retourner le visage des quelques clients présent. Ta démarche était assuré alors que tu te dirigeais vers le comptoir afin d’accoster le patron.
« Le bétail est dehors. »
« Hé bien, Yaru, tu tombes à pic, je commençais à en manquer ! Je te remercie ! Serres lui un remontant dit-il à la serveuse »
Yaru, c'était le nom d'emprunt que t'avais donné lors de tes premiers jours. Tu n'étais pas stupide au point d'offrir ton vrai nom accompagné de ta véritable apparence. Non, Yaru, c'était mieux ainsi... La serveuse à la chevelure blonde t'apporta une bière brune dans une chope faite de bois et dont de la mousse s'échappait par le haut. Vous échangiez qu'un simple regard, elle avait appris à apprécier ton silence et soutenir ton regard froid lui semblait bien difficile...
Cette échoppe, tu l'avais choisie par hasard, errant simplement dans la cité, à la recherche d'un toit ni trop crasseux, ni trop luxueux. Et c'était ainsi que t'avais découvert
L'auberge de l'ours glacé. Cet établissement avait deux spécialités, sa bière brune et sa viande d'ours blanc...
Alors que tu trempais tes lèvres dans l'écume de ta chope, t'entendis de derrière la porte de la cuisine, la voix de Panami, le tenancier.
« Et serres lui de la viande ! »
Tu regardais à nouveau la serveuse, Yuna. Elle savait très bien que par viande, il parlait de sa spécialité.Cette échoppe, tu l'avais choisie par hasard, errant simplement dans la cité, à la recherche d'un toit ni trop crasseux, ni trop luxueux.