Une simple voyageuse.

Son regard se perd dans les flammes qui crépitent. Elle se rappelle ce fameux soir, celui de sa fuite. Un soir où la chance l’avait accompagnée. Elle se rappelle avoir attendu longuement ce fameux jour de marée haute, ce jour qui marquerait le début de sa nouvelle vie. Son plan avait été bien ficelé, mais pourtant… Rien ne se passa comme prévu. Ce qui devait une fuite furtive se transforma en course poursuite. Avec l’une des pires personnes qu’elle pouvait rencontrer ce jour là… Kaguya Nowaki. Dès que qu’elle compris qu’il était à sa poursuite, elle n’y réfléchis pas deux fois, la fuite était sa seule option. Elle avait couru longtemps, la course se transformant parfois en une partie de cache cache. Emi savait que s’il l’avait à porté de main, elle pouvait dire adieu à sa quête de liberté et probablement à sa vie. Ce fut presque le cas, et ce jour là, le yoton lui sauva la vie pour la première fois. Sans le jutsu qu’Emi utilisa ce jour là, elle n’aurait jamais pu mettre une distance suffisante pour atteindre son embarcation et quitter le quai.

Au moins y eut-il une chose qui s’avéra fonctionner comme prévu : l’emplacement d’un tout petit voilier, semblable à une barque. Jouant du peu de relation qu’elle possédait, elle avait réussi à prendre contact avec un « agent » d’une flotte mercenaire. Elle leur acheta le seul moyen de transport disponible pour quitter l’île, et dans leur immense bonté, ils le déplacèrent même à l’endroit désiré. Au vu de leur réputation, tout portait à croire qu’ils l’attendraient de pied ferme de l’autre côté de la mer et ainsi récupérer la prime sur sa tête. Elle s’attendait à un petit jeu de ce genre. Elle savait à quel point les gens étaient prêts à tout les coups tordus, elle n’avait qu’à prendre exemple sur l’un de ses frères aînés… Tout ce qu’Emi devait faire désormais, c’était lever l’ancre et traverser la mer.

Plus facile à dire qu’à faire. Surtout lorsque l’on a jamais utilisé de bateau auparavant. Déplier la voile était d’une simplicité enfantine, savoir la gérer en revanche… Entre les rafales de vents et les courants, l’embarcation de la Kaguya dévia plusieurs fois de son cap. Au point qu’elle ne savait plus du tout où elle se rendait durant la nuit, et ne sachant pas refermer sa voile, son voilier dérivait toujours un peu plus. Au bout du deuxième jour, la solitude commençait à se faire sentir. Sa seule compagnie était des gerridés, plus communément appelés araignées d’eau. Elles avaient embarquées avec Emi finalement, elles aussi faisaient partie du voyage en quelque sorte. Mais ce n’était pas le seul soucis. Dans son empressement, elle dû abandonner une grande partie de ses vivres. Le temps commençait à être très long et la soif très présente… Finalement, c’est au début du troisième jour de traversée que ses espoirs revinrent. Le soleil était très haut dans le ciel lorsqu’elle aperçu la terre à l’horizon. Elle était soulagée, soulagée de ne pas avoir fuit la guerre pour mourir stupidement en mer.

La traversée avait été longue, rester immobile aussi longtemps n’était pas bon. Aussitôt posa-t-elle un pied sur la terre, que ses jambes faiblirent. La pesanteur la ramenant très vite au sol, elle resta incapable de bouger de longues minutes, et pourtant elle était tout à fait souriante. Enfin ! Enfin elle était parvenue à quitter cet archipel et échappa à une mort quasi certaine. La liberté qu’elle souhaitait tant, elle l’avait obtenu. Elle avait réussie à briser ses chaînes.

Malgré cette fuite, avait-elle pour autant perdu toute ambition ? Pour l’heure, elle ne se voyait que comme une personne libre. Elle pouvait faire tout ce qu’elle souhaitait, c’est ce qu’elle recherchait en un sens. Il lui faudrait encore quelques années avant d’avoir cette étincelle qui lui donnera une ambition encore plus démesurée qu’à Kiri. Sans doute était-ce pour la même raison qu’elle trouverait la mort un jour ou l’autre. Comme aujourd’hui, cette ambition découlait d’une forte confiance en elle. Fière et arrogante en plus d’être une jeune femme intelligente. Elle pensait avoir tout ce qu’il lui fallait pour réussir. De plus, elle bénissait ses ancêtres de lui avoir offert le don qu’elle possédait aujourd’hui. C’était pour elle le signe que son destin était prometteur.



Dit-elle alors son regard était encore plongé dans les flammes. Elle releva alors la tête en direction de la Uzumaki. Comment pouvait-on vivre avec une telle nonchalance constante ? Ne craignait-elle donc rien ? Pas même la mort ? Lorsque la Kaguya lui entailla la main, elle n’émit même pas le moindre signe de crainte. Emi pensa d’abord que la femme la sous-estimais, mais il n’en était finalement rien. De l’audace ou de l’imprudence… Difficile d’en juger, mais au final, cela avait fonctionné. Emi se confiait rarement, encore moins au sujet de son passé. Mais pour la première fois depuis des années, elle pouvait avoir une discussion « normale ».



C’était un peu morose comme manière de penser, mais en vérité elle n’en attendait pas plus de la vie. Elle avait plus ou moins ce qu’elle voulait à l’heure actuelle et elle avait dû se battre pour en arriver là. Elle ne pouvait pas prendre le risque de tout perdre sur un coup de tête. Elle fit alors un triste constat de sa vie.

La jeune Kaguya semblait pensive. Je pouvais voir son regard se perdre dans les flammes. Nul doute qu’à cet instant elle repensait à sa vie d’avant. Qui ne le faisait pas après tout ? Même moi je me surprenais parfois à ressasser de vieux souvenirs. Mais je m’étais promis de ne plus me laisser affecter par tout cela. En un sens, je crois que cette gamine et moi nous ressemblions plus que nous pouvions le penser. Faire une croix sur ses sentiments, ses attaches, ses projets… Ce n’était pas une chose facile.



Son ambition n’était peut-être pas perdu, mais elle n’avait visiblement plus aucun objectif. Il ne fallait pas compter sur moi pour lui donner des idées, mes conseils n’avaient pas l’air de l’intéresser plus que ça. Mais je ne pouvais m’empêcher de me demander ce qu’elle espérait au fond d’elle. Elle avait perdu les siens, disait être incapable d’avoir une vie « normale » et elle n’aspirait pas non plus à une vie de richesse et de luxure. J’avais du mal à croire que l’on puisse être vide à ce point. Toutefois elle était encore jeune, et vivait probablement seule depuis un moment déjà. Je suis bien placée pour savoir que toutes les compagnies du Yuukan ne sont pas bonnes à prendre. Je n’étais peut-être pas la plus empathique, mais je prenais presque en pitié cette pauvre fille perdue.

Même si dans le fond, elle savait très bien qu’elle avait fait le meilleur choix possible, elle restait encore jeune. Elle était à un âge ou le doute était encore présent, elle n’était pas certaine de qui elle voulait être, ce qu’elle voulait devenir. Ses désirs autrefois bien déterminés n’étaient aujourd’hui qu’un lointain souvenir. Elle n’avait pas encore l’espoir de voir les siens se relever, pour elle les Kaguya étaient finis, seuls quelques vagabonds subsisterait. Elle mettra plusieurs années avant de se rendre compte de la vérité. La dernière remarque de l’Uzumaki la fit sourire, non pas un sourire de joie, mais car elle se rendait compte que la femme était loin d’avoir compris. Elle tendit alors sa main vers cette dernière, bien consciente qu’elle allait la brûler, c’était un moyen plus rapide que de lui expliquer.



Elle garda sa main tendue, laissant la Uzumaki apposer la sienne. À peine quelques centimètres suffisait pour qu’elle puisse sentir la chaleur émaner du corps de la Kaguya. Un grand pouvoir qui était aussi une grande malédiction pour elle. L’impossibilité de toucher qui que ce soit sous peine de le brûler grièvement.

Je ne m’attendais pas à rencontrer une jeune femme comme elle. À vrai dire j’étais vraiment surprise de la tournure que la conversation prenait. Elle qui m’avait accueillie joyeusement avec une entaille à la main, elle avait finit par se confier. Les apparences étaient visiblement trompeuses, et pour cette fois, j’étais heureuse de m’être trompée. À première vue, elle était pas différente de ses pairs, mais dans le fond, il y avait ce détail qui la rendait comme… attirante. Je ne savais pas trop dire, cela n’avait rien à voir avec son physique, je sais que j’étais accro à ce détail, mais tout de même. J’espérais la recroiser à nouveau dans quelques années, pour apercevoir l’évolution de la jeune Kaguya. C’est alors qu’elle me tendit sa main. Chose étrange, elle qui paraissait très distante depuis le début de notre rencontre… Je songeais à un genjutsu, mais j’étais curieuse. Alors que j’approchais ma main de la sienne, je compris que c’était tout autre chose. Je n’avais pas encore touché sa main que je sentais la chaleur émaner de son corps. J’hésitais un court instant… mais la curiosité était un vilain défaut dans ce genre de cas, c’était humain j’imagine. Je posais à peine le bout de mes doigts sur sa peau le temps d’une seconde, que déjà je la retirais par réflexe. Ma première pensée fut qu’elle maîtrisait le katon à un niveau extrêmement élevé… Mais comment avait-elle pu en apprendre autant à Kiri ? Agitant ma main pour réduire la douleur, je la regardas alors, le sourire aux lèvres :



J’étais intriguée, plus que d’habitude du moins, un peu comme quand je mettais la main sur quelque chose d’une valeur inestimable. Quoiqu’elle soit capable de faire, cela expliquait sa confiance en elle. Avoir la peau brûlante au point que personne ne puisse vous toucher, c’est un moyen d’autodéfense assez pratique… Petit à petit, je comprenais un peu mieux son histoire. Elle ne vivait pas de cette manière par choix, mais par contrainte. Peut-être s’était-elle toujours sentit différente ? Je ne suis pas très empathique, je dois bien l’avouer, mais je savais qu’être différent des autres était parfois difficile, peut-être avions-nous ce point commun.

Cette Miyuka était douée pour faire parler la Kaguya… Un peu trop peut-être. Cela remuait d’anciens souvenirs dans le cerveau de la jeune femme aux cheveux blancs. Cela lui rappelait son ambition d’antan, aujourd’hui enterrée sous des montagnes de doutes. La Uzumaki ne le savait pas encore, la Kaguya non plus, mais ces paroles resteraient gravées longtemps dans la tête d’Emi. Sans le vouloir, elle venait de redonner un semblant d’ambition à la jeune femme. Maintenant que la mèche était posée, il ne restait plus qu’une flamme pour l’allumer… Et Emi n’aurait jamais imaginé que cette flamme serait Nowaki, quelques années plus tard.

Mais revenons à l’instant présent. La Uzumaki venait de découvrir que la Kaguya était naturellement dangereuse. Et elle en fut amusée. Rien d’étonnant, tout semblait l’intéresser. Elle ne se plaint même pas de sa brûlure et s’empressa de faire une remarque suivie d’une question. C’était une chose rare qu’Emi ne montre cette partie d’elle même, bien souvent elle y était forcée. Elle était bien consciente du danger qu’elle représentait.



Ajouta-t-elle avec un semblant de rire. Mais cette affinité n’avait rien d’amusant. Rien n’était gratuit en ce monde, et elle payait finalement un lourd tribut. Cette incapacité à toucher autrui l’avait rendu plus indépendante, plus froide, distante. En contrepartie, elle possédait une force rare, que certains enviaient probablement, elle était une arme d’une grande puissance. Elle était parfaitement consciente, c’est pourquoi elle n’en parlait que très peu. À Kiri, Sakkaku était le seul à avoir connaissance de ce fait, leur père lui n’avait que des doutes. Pour tout les autres, elle se contenta d’agir comme si elle n’était qu’une Kaguya « normale ». Visiblement « détendu », ce qui était une chose rare pour être soulignée, Emi ajouta une remarque à sa camarade du soir…

Sa remarque me fit tout de suite rire. Était-je une personne malhonnête ou non ? La réponse dépendait de la personne que vous interrogiez. Mais de mon point de vue personnel ? Allons… Nous savons déjà très bien la réponse. Mon but principal est de m’enrichir, parfois je dois voler pour y parvenir. Qui à déjà rencontré un voleur honnête ? Si c’est le cas, cette personne devrait songer à une reconversion. Mon sourire amusé parcourant toujours mon visage, je répondis alors sereinement :



Avec tout ce qu’elle m’avait raconté jusqu’à maintenant, je pouvais difficilement faire fausse route. Mais tout ce comportement s’expliquait relativement bien désormais que je savais pour cette « caractéristique » qu’elle possédait. Plus les minutes passaient, plus je me disais que j’avais devant moi l’une de ces personnes capables de pousser les autres à la suivre. Elle était assez intelligente et charismatique pour devenir influente, et pour les autres moins sensibles à celle-ci, elle possédait sûrement la force nécessaire pour finir de les convaincre. Il restait néanmoins un point dangereux à son sujet. Cette ambition qu’elle réfrénait au fond d’elle. Doublé de cette confiance en elle… c’était un cocktail parfois chaotique. Deviendrait-elle aveuglée par sa propre personne ?



Je jugeais cette affinité d’une valeur aussi inestimable que les reliques que j’avais pu voler jusqu’ici. Même si, elle me le faisait bien comprendre, cela lui demandait de sacrifier sa propre personne. Je dois bien l’avouer, pour le coup elle n’avait pas tort. Être incapable de toucher d’autres humains ? Une véritable malédiction. J’étais d’ailleurs étonnée qu’elle sache faire preuve d’un sens de l’humour à ce sujet, enfin qu’elle ait de l’humour tout court en fait.

Une nouvelle fois, la Kaguya avait du mal à donner totalement tort à la Uzumaki. Bien qu’elle agissait constamment avec une nonchalance laissant penser à une stupidité sans pareil, Emi se voyait bien surprise d’avoir finalement grand intérêt à discuter avec elle. Peut-être était-ce car pour une fois dans sa vie, elle acceptait d’écouter au lieu de s’en maintenir à ses propres idées ? Ou bien était-ce car cette Uzumaki était suffisamment bavarde pour se faire entendre ? Elle qui ne s’estimait pas comme une leadeuse, elle était plutôt douée pour user des mots visiblement…



La Uzumaki avait la réaction habituelle des gens découvrant la véracité des histoires concernant cette affinité. Son regard parlait pour elle, la Kaguya était soudainement devenue d’autant plus intéressante pour Miyuka. Voyait-elle en Emi une source de profit ? À l’entendre ce ne serait pas étonnant… Elle était d’ailleurs surprise que la Kaguya sache faire preuve d’humour. On ne pouvait pas lui en vouloir, l’attitude constamment fermée d’Emi n’aidait en rien, mais dans le fond, elle était une humaine comme les autres. Elle rajouta donc une petite pique envers la Uzumaki.



Cette haine qu’elle vouait envers les Chikara était inquiétante. La Kaguya ne comprenait pas bien pourquoi elle les détestait tant au point de vouloir tout bonnement les anéantir. Mais il commençait à se faire très tard, et la conversation n’en finissait plus. La Kaguya ajouta quelques morceaux de bois sur le feu avant de se retourner vers Miyuka.

J’avais eu vent de méthodes de Kiri. Ce n’était pas pour rien que l’on les comparait à de simples barbares. Pourtant, après une partie de la nuit en compagnie de cette Kaguya, je commençais à me dire qu’ils n’étaient peut-être pas tous pareils. Enfin, je ne me faisais pas d’illusion, elle était une paria, il y avait peu de chances que d’autres des siens agissent de la même manière qu’elle. Bien que de prime abord elle paraissait comme une jeune femme froide et dénuée d’une quelconque once de sociabilité. Finalement, comme la plupart des autres humains, elle était apte à se dévoiler. D’autant qu’elle restait encore jeune. J’hésitais à instant à lui proposer de m’accompagner à Tsuyo, mais c’était certainement peine perdue. Toutefois, je me demandais si j’aurais la chance de la croiser à nouveau d’ici quelques années. Ne serait-ce que pour constater son évolution par moi même. Puis avec de la chance, elle se souviendrait de mon visage, et peut-être même de mon nom. Ce qui m’éviterait d’avoir à me faire entailler la main une nouvelle fois en guise de présentation. Je riais alors de bon cœur avant de lui répondre.



Le plus drôle avec ce genre de sous entendu, c’était lorsque je parlais avec une personne totalement dénuée de connaissance sur le sujet. Je vis très vite son regard dériver du mien. Quel charmante et triste histoire à la fois. La jolie Kaguya du village qu’il était impossible de toucher sous peine de s’en brûler les doigts. Aurais-je un semblant d’empathie envers elle ? Pas vraiment, j’imaginais simplement ma vie si j’avais dû vivre comme elle. Honnêtement, sans façon. À bien y réfléchir, je préfère ma condition d’être humaine tout à fait lambda.



Sans nul doute qu’avec le caractère de la Kaguya, la conversation risquait d’être assez… mouvementée. J’espérais qu’elle en profiterait pour faire fondre l’un d’eux au passage, mais je me retins de faire la remarque. Peu après, la Kaguya m’invita à aller me reposer. Une bien aimable attention de sa part… Je jetais alors un œil à ma bouteille presque vide, puis je tardas pas à m’écrouler de tout mon poids juste auprès du feu.



J’allais fermer les yeux l’esprit tranquille. Je ne craignais pas qu’elle ne m’assassine dans mon sommeil, ça n’avait pas l’air d’être son genre… puis dans le cas contraire, c’était au moins une mort simple et indolore ! Au lendemain, je ne tardas pas à reprendre ma route, laissant la Kaguya et son camp derrière moi. Elle était sans doute l’une des rencontres les plus intéressantes que j’avais pu avoir depuis mon départ de Konoha, juste après Miwa, bien entendu.