Tu avais perdu la notion du temps, mais tu ne savais plus depuis quand, là était toute l'ironie de la situation. Tu voyais ton reflet au travers de ce miroir, sans être sûr que cela était bien toi. Tu connaissais chaque trait de cette peau meurtrie, tu parcourais tes déformations du bout de tes doigts, sentant le contact de ta propre chair, pour autant, était-ce bien toi ? Tu en étais presque sûr. Et comme pour te convaincre, tu répétais ton nom, Kodoku, encore et encore, tel un mantra qui finirait par rendre réelle cette chose dont tu doutais tant. Kodoku. Était-ce seulement ton vrai nom ? Où simplement avais-tu fini par oublier ta véritable identité ? Depuis quand utilisais-tu ce prénom ? Peut-être depuis toujours, mais tu n'en étais pas certain. Kodoku. C'était toi désormais, mais jusqu'à quand ? Peut-être finalement, que tu finira pas oublier cette chose également et alors, tu te feras appeler autrement, et le même questionnement reprendrait. Ta main vint parcourir ton front, à la recherche d'une chose qui n'existait pas. Tu savais qu'ici devrait se trouver quelques choses. Tu en étais persuadé. Convaincu. Pourtant, le reflet ne te montrait que de la peau, ridé qui plus est. Tu réfléchissais, tentant de retrouver des morceaux de souvenir perdu. Que pouvait donc manquer à ton front ? Tu n'en savais rien. Du moins, pour le moment. Tu savais que tes crises amnésiques n'était que temporaire. Et que chacune de tes questions finirait par trouver une réponse. Mais tu avais conscience également que ces épisodes se produisait plus couramment. Était-ce dû au fait que tu étais un Minashigo ? Au fond de toi, tu le savais. Bien qu'actuellement, tu n'étais plus capable de donner ton âge, tu savais que tu étais trop vieux pour un monstre tel que toi... Minashigo ? Monstre ? Ah, tu te rappelles désormais, ce sont les cornes. Tes cornes étaient absentes de ton front. À quoi pensais-tu déjà ? Que tu étais trop vieux. Tu avais vu au fil des années passé ton état psychologique se dégrader. Tu oubliais. Ou devrais-tu dire que tu t'oubliais... Alors, lors de ces moments, tu te retrouvais pratiquement nu, devant ton miroir, tu te fixais, cherchant à savoir qui tu étais. Kodoku. T'observais ta chevelure blanche, assortie à tes iris anormalement blanc également. Tu suivais du bout de tes doigts les cicatrices qui habitaient ton visage, incapable de savoir comment elles sont arrivées ici. Tu regardais ton torse, couvert de marque inesthétique et tu ne t'inspirais qu'une seule chose : le dégoût. Tu te dégoûtais, malgré le fait que tu n'étais pas sûr que ce corps était tiens. Mais à qui pouvait-il appartenir puisque tu le ressentais et que celui-ci te réagissais.
Ton poing vint s'écraser contre le miroir. Des bruits de verres brisés rompirent le calme ambiant. Et doucement, des gouttes de sang commençait à couler le long de ton avant-bras. Du sang. L'odeur de fer. Un sourire naquit sur tes lèvres. Pourquoi trouvais-tu cela si plaisant ? Tu croisas ton propre regard dans un morceau de verre brisé et tu ressentis de la peur. Ce visage, dont tu doutais être le tiens t'effrayais. La folie. Voilà la seule chose que tu aperçus. Tu pris dans le creux de ta main l'un des morceaux de verre. Tu devais te protéger et pour cela, tu devais vaincre ce que tu voyais dans ce reflet. Toi. Lui. Peut importe qui c'était. Tu sentis la douleur de ta paume, la peau céder sous le coupant du verre. Doucement, tu ramenas ton arme au niveau de ta gorge. Tu sentis la pression du tranchant sur ta peau. Et là....
Tu sentis ta chaire au niveau de ton front se déformer. La douleur prenait le contrôle ton visage. Des cornes grandissaient. Les mêmes dont tu avais oublié l'existence. La peau de ton torse se déchirait, mais enfin, tu te rappelais. Tu savais qui tu étais. Mais tout cela, n'avait plus d'importance. Car dans ces moments-là, plus rien n'avait d'importance... Tu apportais ton avant-bras au niveau de ta bouche afin d'y cueillir le sang à l'aide de ta langue. Un rire tonitruant régnait désormais dans la pièce. Le tien. Kodoku était ton nom. La folie te représentait. Tu te retrouvais dans cet état inquiétant, et ce, de manière de plus en plus courante. Par chance, tu vivais seul. Seul dans un manoir où tes parents t’avais exilé. Et comme à chaque fois où tu perdais le contrôle de toi-même. Ton meublier allait se retrouver détruit. Des planches de bois se retrouveraient étalées aux quatre coins de ta demeure. Des morceaux de verre joncheraient le sol. Des ustensiles de cuisine se retrouveraient fusionnés avec les murs. Tout. Tout serait sans dessus dessous. Et alors, lorsque tu auras terminé ta transe. Tu te retrouverais à tout nettoyer, une fois de plus. Tu étais prêt. Kodoku le fou. Le premier meuble vola en éclat...
Tu te réveillas allongé sur le sol. Ton corps était moite et le creux de ta main te faisait souffrir. Tu jetas un coup d’œil sur la plaie que ta paume arborait et tu te souvins. Une nouvelle crise. Tu avais cessé de les compter depuis quelque temps. Au préalable, tu les sentais venir, tu connaissais les éléments déclencheurs. Une vaisselle qui se brise, une mauvaise nouvelle, une situation de stress. Mais désormais, tu avais ces phases amnésiques, ces moments de doute, tu perdais pied et trop souvent, celle-ci se terminait par une transformation. Tu avais quarante-cinq ans et tu étais en train de perdre pied… Du moins, plus que d’habitude...