Ne dit-on pas que les héroïnes doivent savoir se faire attendre..?
Non..?
Car, voyez-vous, trop absorbée par l'étude d’un bouquin décrivant dans les moindres détails la splendeur du corps des hommes, j’en étais bien évidemment venue à gaffer… en oubliant complètement la mission qui s’était imposée à moi en ce début de soirée. Eh oui ! Ce fut donc haletante — et au bord de la crise de panique — que je pris la direction du point de rendez-vous indiqué par l’ordre de convocation, un endroit situé quelque part à la frontière du quartier Chikara. Bondissant de flaque d'eau en flaque d'eau avec l'agilité — très très très approximative — d'un fauve, je franchissai en catastrophe le dédale de rues tandis que le vent se plaisait à faire virevolter ma longue tignasse de brunette nouée maladroitement pour l'occasion, tout comme le tissu d’une écharpe sous laquelle je m’étais emmitouflée en toute hâte avant de quitter l’antre du domicile familial.
Il ne fallut heureusement qu’une poignée de minutes de course effrénée avant que ne se dessine, sous les rayons lumineux d’un lampadaire bordant la voie, la silhouette de ceux qui allaient partager, en mon humble compagnie, une aventure au parfum des plus macabres.
Mais en approchant à toute vitesse du trio, bien entendu, rien de daigna se dérouler comme prévu. L'horreur. Alors que j'aurais enfin pu déguster le doux plaisir de voir mon calvaire en arriver à sa conclusion, il fallut qu'un nouveau malheur ne s'abatte sur ma pathétique petite personne : une entrée en scène des plus fracassantes ! Dans un splendide mélange d'angoisse, de maladresse et d'élan piètrement contrôlé, j'en vins ainsi à glisser, perdre pied et à m'étaler de tout mon long, face contre terre, sur un sol humide et poisseux, avant de me relever d'un bond vif, mais peu adroit, l'air de rien. Quelle acrobate.
Tâchant de préserver un minimum ma fierté, je fis mine de ne pas m'inquiéter de mon état ou de celui de mes vêtements désormais imbibés d'eau boueuse, dévisageant tour à tour chacun de mes comparses de mes prunelles céruléennes tandis que j'échappai un léger rire nerveux.
« Haha, je... C'est... Euh... Hmm... »
Je toussotai, histoire de me remettre les idées en place et de chasser cette envie de fuir à toutes jambes, loin, très loin de cet endroit, puis fixai la personne la plus âgée du lot. Il devait s'agir de Chikara Hikari... Oh, malaise !
« Pa... Pardon, Hikari-san. Je... Hmm... crois que je suis en retard, haha... Chikara Misaki, enchantée. Dites-moi, je... J'ai manqué quelque chose..? »