Héritage familial

Au beau milieu de l’été, tu avais convié Kohana à te rejoindre non loin du lac Yakumo. Comme elle devait déjà s’en douter, ce n’était évidemment pas pour un pique-nique, mais bien pour rester à l’abri des regards indiscrets. Ce que tu avais à lui montrer aujourd’hui était intimement lié au chakra, et c’est le genre de chose que tu préférais faire loin de la capitale, là où son utilisation était très réglementé, même pour toi. Tu avais également demandé à Kohana et Saori de se montrer discrètes à ce sujet, car bien qu’elles bénéficiaient grâce à toi d’un statut spécial il valait mieux continuer à montrer patte blanche. Après tout, vous serviez volontairement l’Empire et il était de votre devoir de respecter ses règles, du moins du mieux possible.

Tu étais arrivée quelques heures en avance au lieu de rendez-vous, car tu voulais profiter de ta présence ici pour méditer. Celle-ci n’avait pas pour but de recharger tes batteries, non, cette méditation était spéciale, car il s’agissait de celle que t’avait enseigné Hattori Masashi il y a bien des années de cela. Lorsque tu pratiquais celle-ci, tu devenais capable de ressentir l’énergie, de la même manière qu’un senseur, toutefois celle que tu ressentais était… particulière. Tu n’étais nullement capable de localiser quelqu’un, non, ce chakra était plus pur, plus parfait. Il s’agissait probablement du même chakra que celui dont se servait l’entité qui s’était éveillée lors du cataclysme.

Tu qualifiais alors celui-ci de chakra « ancien », néanmoins s’il était auparavant abondant, tu peinais aujourd’hui à en localiser la moindre trace. Il était comme disparu, à l’exception d’un endroit que tu ne pouvais identifier, une sorte de perturbation qui apparaissait chaque fois que tu méditais pendant plusieurs heures. Malgré tes nombreux essais, tu enchaînais les échecs, ce qui devint rapidement une source frustration. Aujourd’hui encore, ta tentative allait se solder par un échec, car tôt ou tard Kohana ne tarderait pas à t’interrompre…

La jeune femme traversait les herbes hautes qui bordaient le rivage, ses pas feutrés à peine audibles. Le souffle tiède du lac portait avec lui des relents de soufre et de végétation humide, mêlant l’agréable à l’inquiétant. Chaque pas la rapprochait de cette étendue d’eau aux reflets étrangement métalliques, comme si le ciel lui-même hésitait à s’y refléter. Il était clair que son aînée ne l’avait pas conviée en ces lieux pour le plaisir d’une baignade ou pour goûter au moindre repos.

Vêtue d’un simple kimono de lin, elle avançait sans hâte, attentive aux moindres bruissements. Loin du tumulte de la ville, le silence ici avait un poids presque sacré comme un calme épais, tendu, où même les oiseaux semblaient retenir leur souffle. Elle savait que Kyoko-sama ne l'avait pas convoquée ici sans raison. Ce lieu n'était pas choisi au hasard. Il fallait du silence, de l’oubli, et peut-être… un peu de crainte. Le Lac Yakumo en offrait bien plus encore.

Mais soudain, au détour d’un bosquet de roseaux, Kohana aperçut une silhouette familière, droite et immobile, tournée vers le lac.
C’était elle. Même de dos, il n’y avait aucun doute : la posture digne, la nuque dégagée, la longue chevelure sombre que la brise effleurait comme si elle craignait de la froisser ; Kyoko-sama.

Un sourire malicieux vint étirer les lèvres de la jeune femme. Son aînée lui avait appris bien des choses comme la rigueur, le silence, la prudence, mais certainement pas à ignorer les rares occasions de se jouer d’elle. Avec la souplesse d’un chat, Kohana s’approcha, se glissant derrière la grande dame de l'Empire sans un bruit. À quelques pas à peine, son cœur battait plus vite, partagé entre l’amusement et une pointe d’appréhension. Si Kyoko la surprenait avant qu’elle n’atteigne son but… elle serait déçue et frustrée. Ceci signerait un échec cuisant.

D’un geste rapide, elle tenta de poser ses mains sur les yeux de son aînée.


Murmura la peste d’une voix taquine, un rire contenu dans la gorge. Sans attendre la réponse, elle relâcha son piège et se jeta contre elle dans une étreinte joyeuse, le menton posé sur son épaule, les bras passés autour de sa taille.


Enquiquiner Kyoko était presque un art pour Kohana, une tradition affectueuse qu’elle réservait à celle qu’elle aimait comme une sœur.

Comme prévu, ta méditation ne tarda pas à être interrompue. Kohana avait ce petit jeu bien à elle, qui au-delà du fait d’essayer de jouer avec ta patience prenait un malin plaisir à essayer de te surprendre dans diverses situations. Si au départ elle était aussi discrète qu’un Hattori dans un bordel, elle était devenue bien plus douée avec le temps. Ce qui avait un côté peu rassurant, mais c’était le risque du métier et tu devais bien compter sur sa loyauté, pas vrai ?

Si ton cœur lui fit un léger saut, tu restas d’abord stoïque, ne montrant pas une once de surprise, ni même un sursaut. Peu de personnes oseraient t’approcher et encore plus te toucher de cette manière. Bien entendu, c’était un jeu pour Kohana qui savait pertinemment que tu étais loin d’être une personne tactile. Pour autant, tu ne lui en tenais pas rigueur, car elle comptait assez pour toi pour que tu ne veuilles personnellement refuser une étreinte et que tu savais que c’était avant tout un jeu, néanmoins ce n’était pas possible pour toi de montrer une telle affection, encore moins en publique, là où n’importe qui pourrait te voir. Tes yeux se dirigèrent vers elle tandis qu’elle posait son menton sur ton épaule, ton visage n’était alors qu’à quelques centimètres du sien lorsque tu lui répondis :



C’était évidemment manière polie de lui demander de te lâcher, feignant comme toujours de ne pas rentrer dans son jeu. Qui plus est, ta séance de méditation t'avait rendue plutôt calme. Tes yeux se tournèrent alors vers le lac en attendant qu’elle ne lâche prise. Tu lui fis alors de signe de s’asseoir à côté de toi, et tandis que ton regard ne se détournait pas de ce lac étrange, dans lesquels d’étranges mouvements pouvaient se discerner de la surface de l’eau. Puis, d’un ton montrant presque une certaine satisfaction, tu ajoutas :

Kohana relâcha l'étreinte en riant malicieusement, ses yeux pétillant d’un amusement complice. Elle se recula juste assez pour croiser le regard de Kyoko-sama, un sourire en coin toujours accroché à ses lèvres. Elle posa ses mains sur ses hanches, défiant, puis se pencha légèrement en avant, comme pour chuchoter un secret.



Elle riait sarcastique, ses yeux brillants d’une malice évidente. Kohana savait pertinemment que la Kitto détestait ce type d'interaction sociale. Cependant, la Miwaku se vit un peu déçue de constater qu'elle l'invitait uniquement à prendre place à côté d'elle. Un léger sourire en coin, Kohana posa son coude sur ses genoux et se pencha vers elle, son regard accrochant le sien.



La jeune femme la dévisagea un instant, visiblement lassée par ce petit jeu qui n’avait que trop duré. Finalement, elle adressa à sa partenaire une question, teintée d’une pointe d’impatience :

Il était difficile d’arrêter Kohana lorsqu’elle était lancée. Il y avait bien longtemps qu’elle avait cessé de craindre une réaction excessive de ta part. Elle savait qu’au fond tu restais une personne calme et plus affectueuse que tu ne le laissais paraître. C’était peut-être ce qui l’amusait le plus au fond, peut-être représentais-tu un certain défi dans son esprit quelque peu tordu ? Quant à toi eh bien… ta seule réaction fut d’abord de fuir son regard. Pour peu, l’on aurait presque pu croire que tu étais gênée par ce que tu venais d’entendre.



Pouvais-tu seulement avouer qu’en vingt-huit années tu n’avais jamais eu ce genre d’interaction avec quiconque ? Tu doutais sincèrement de ta réaction si Kohana venait à pousser son petit jeu malicieux jusque là. Tu soufflas légèrement, tâchant de retrouver un minimum de sérieux, puis tu ajoutas :



Kohana avait forte tendance à pousser les entraînements un peu trop loin, et tu en étais probablement la meilleure témoin. Tu étais loin de lui reprocher de mettre du cœur à l’ouvrage, mais tu craignais que son caractère ne soit un peu trop particulier pour enseigner. Quoiqu’il en soit, cette idiotie était le résultat d’une bataille perdue d’avance avec certains individus haut-placés du gouvernement, qui jugeaient encore que Saori et Kohana devaient faire leur preuve, en tant que vraie « impériale ». Tu avais préféré céder, au moins vous laisseraient-ils tranquille pour l’année à venir…

Bien entendu, cette raison seule ne justifiait pas la venue de Kohana jusqu’ici. C’était une simple broutille dont tu devais lui faire part. Il y avait d’autres sujets que tu voulais aborder, gardant le meilleur pour la fin tu te lanças d’abord quelque chose qui pouvait être assez déplaisant pour la Miwaku.



Ton regard alla alors rencontrer le sien, ton regard était profond, comme si tu cherchais le moindre signe de sincérité dans ses yeux.

Le silence s’installa un instant entre elles, tendu mais pas hostile, chargé de tout ce que Kyoko ne disait pas à voix haute. Kohana resta là, assise à côté de la Kitto, son sourire joueur s’effaçant peu à peu, remplacé par quelque chose de plus rare, plus vrai. Elle redressa son buste lentement, les bras croisés contre sa poitrine, le regard fuyant d’abord, puis résolu. C’était bien là toute la magie ou la malédiction de Kyoko : elle ne forçait jamais les réponses, mais elles venaient toujours, comme appelées par le vide de son regard calme. Et cette fois encore, Kohana n’y échappa pas.



Elle tenta un sourire narquois, mais celui-ci n’atteignit pas ses yeux. Elle détourna brièvement la tête, comme si elle cherchait les mots dans les recoins de la pièce. Puis elle reprit, plus doucement.



Elle releva enfin les yeux vers Kyoko, cette fois sans détourner le regard. Une intensité particulière s’y était installée, comme une mer agitée sous un ciel trop calme.


Elle eut un rire sans joie, sec et bref, presque amer.



Elle s’interrompit, laissant le silence remplir l’espace à nouveau, cette fois plus lourd, plus personnel. Son visage se durcit, une ombre passant dans son regard.



Elle baissa un instant les yeux. Puis, dans un mouvement presque imperceptible, son visage s’adoucit. Elle fit un sourire léger à Kyoko.





Un court silence s’ensuivit, puis Kohana leva les yeux au ciel en ricanant, comme pour alléger la tension de ses propres paroles.



Elle ponctua sa déclaration d’un clin d’œil espiègle, mais cette fois, son jeu n’avait plus rien de superficiel. Elle était sérieuse. Kyoko n’eut même pas le temps de soupirer que Kohana, avec tout le naturel du monde, s’installa comme si elle était chez elle, posant sa tête sur ses genoux avec une nonchalance étudiée. Ce geste aurait pu passer pour affectueux, s’il n’était pas teinté de ce besoin presque instinctif de désarçonner. Un léger sourire effleura les lèvres de la Miwaku, bien consciente de l’effet de ses actions. Elle croisa les bras derrière sa tête, le regard fixé vers le ciel, puis tourna lentement les yeux vers Kyoko, un sourcil levé.



Son ton était léger, presque moqueur, mais ses doigts pianotaient distraitement dans ses propres cheveux, trahissant une certaine agitation. Elle n’aimait pas qu’on lui impose ce genre de responsabilité sans réelle explication. Et elle sentait bien qu’il y avait plus derrière cette assignation.

Tu écoutas ce que Kohana te répondit en gardant un silence des plus total. Pas un son ne sortit de ta bouche, et ton visage gardait une expression neutre tout du long. Intérieurement tu étais… heureuse t’entendre ses paroles, car elles te rassuraient. Tu n’avais plus beaucoup de personnes sur qui compter, et tu savais que la loyauté était une chose fragile et que les sentiments rendaient les choses d’autant plus compliquées lorsqu’il faut faire des choix. Tu avais déjà laissé à Kohana plus de place que tu ne l’imaginais, parce-qu’elle était bien la seule à te côtoyer ainsi, et à te parler de cette manière. C’était un rafraîchissement plus que bienvenu lorsque l’on voyait la vie que tu menais depuis des années.



Kohana avait intérêt d’avoir bien entendu car tu n’allais certainement pas te répéter. C’était peut-être la première fois depuis une décennie que tu osais montrer ton affection à quelqu’un. Ce n’était pas arrivé depuis que tu avais perdu la dernière personne qui comptait réellement pour toi. Inconsciemment ou non, tu ne voulais pas reproduire le même schéma, car la douleur qui avait suivit sa perte avait été indescriptible. C’était l’un des éléments déclencheurs qui te transforma en la femme sans cœur que tu avais eu besoin d’être à plusieurs reprises. Ce n’était pas celle que tu étais au fond, car tout tes objectifs partaient d’un but louable qui n’était autre que la paix, mais tu pensais que rien ne te devait t’en détourner. Mais en aidant le gouverneur à accomplir le rituel du Kakusei et à fonder son Empire, tu avais désormais bien plus de sang sur les mains que tu ne l’aurais jamais imaginé.



Depuis le Kakusei, tu émettais des regrets, car tu réalisas après à quel point tu avais dévié de ta promesse initiale. Tuer partie intégrante de la vie d’un ninja, c’était inévitable dans certains cas. Mais pourtant, après la première fois, la seconde paru plus simple, et la troisième d’autant plus. La valeur que tu accordais à la vie avait changé, ceux que tu pouvais considérer comme innocents ou non avait aussi changé. Le massacre des Rihatsu en fut certainement le point culminant, et tu te demandais souvent comment Saori se remémorait ce jour de son côté. Tu ne pouvais pas t’empêcher de sentir un léger sentiment de culpabilité au fond de toi, car bien que tout ces gens étaient des criminels et des escrocs en tout genre… vous aviez retiré bon nombre de vie ce jour là et détruit un clan.
Pourtant, tu avais décidé de continuer, car il était trop tard pour renoncer. Abandonner voudrait dire que toutes les vies prises l’auraient été pour rien, et tu te refusais d’en arriver là. Tu allais te battre pour tes convictions, jusqu’à ton dernier souffle et tu te réjouissais de savoir que quoiqu’il advienne, Kohana serait là à tes côtés.



Lui dis-tu alors qu’elle prenait à nouveaux ses aises en installant confortablement sa tête sur tes genoux. Tu n’étais toujours pas très à l’aise, mais le sentiment de malaise s’effaçait peu à peu. Tu la laissais donc faire, bien que ton regard avait toujours du mal à soutenir le sien. Tu ne l’avais pas faite venir ici pour cela, mais peut-être avais-tu besoin d’un moment de complicité comme celui-ci au fond.

Kohana resta silencieuse quelques secondes, son regard toujours levé vers le ciel. Elle ne réagit pas immédiatement, comme si elle digérait la question… ou comme si elle cherchait la réponse la plus théâtrale possible. Puis, un coin de sa bouche s’étira dans un sourire malicieux, le genre qui annonçait rarement quelque chose de très sérieux.

Elle tourna la tête vers Kyoko, ses cheveux sombres glissant contre ses genoux, et répondit avec un ton faussement dramatique :



Elle laissa échapper un rire léger, moqueur, les yeux toujours levés vers le ciel, la tête bien calée contre les genoux de Kyoko. Son corps resta parfaitement détendu, comme si cette posture lui allait à merveille, parce que c’était le cas. Mais dans sa voix, quelque chose avait changé. Plus calme. Moins théâtral, sans pour autant perdre cette pointe de sarcasme qui semblait faire partie de son ADN.



Elle esquissa un clin d’œil, puis se réinstalla confortablement, comme si ce genre de discussion était aussi banal que le choix d’un thé pour l’après-midi. Mais sa voix devint plus douce, presque pensive, trahissant qu’au fond, la question l’avait quand même un peu touchée.



Elle ferma les yeux une seconde, un soupir tranquille s’échappant de ses lèvres.



Elle termina avec un rictus en coin, un éclat de défi dans les yeux. Comme si toute la violence retenue de ses années passées, toute la douleur, toute la rage… n’attendaient qu’un signal. Et que sans Kyoko, ce signal serait immédiat.

Comme à son habitude, Kohana répondit d’abord avec un certain humour. Cette question venait un peu de nul part, et elle n’avait pas vraiment eu le temps de s’y préparer. Cela dit, bien qu’elle n’était pas tout à fait sérieuse… tu n’aurais pas été étonné de trouver une certaine véracité dans ses propos. Mais, c’était étrangement une chose que tu appréciais chez elle. Elle avait un caractère unique en son genre, qui la rendait particulièrement dangereuse, mais les années t’avaient appris à lui faire confiance. Après tout, elle était revenue vers toi même après avoir échoué à se venger de sa sœur. Cette idée lui occupait toujours l’esprit, mais elle était visiblement surtout attachée à toi et son destin était lié au tien. Sans toi tu imaginais alors parfaitement la voie qu'elle prendrait... C’est pourquoi tu ne doutas pas sa sincérité dans les paroles qui suivirent. Sa déclaration était plus que touchante et te laissait difficilement insensible.



Tu peinais à trouver tes mots, car elle avait beau te le répéter, tu ne comprenais pas forcément cette loyauté. Ce n’était pas de sa faute, c’était simplement car tu ne réalisais pas que des gens étaient prêts à te suivre toi. C’était contre ta propre nature, mais la vie t’avait fait adopter cette attitude de personne froide et solitaire, ce n’était pas un choix, mais un besoin. Volontairement ou non, Kohana avait cette capacité à faire apparaître la fille que tu étais autrefois, même si ce n’était que très brièvement.



Tu n’étais évidemment pas sérieuse, et ce rare sourire sur ton visage le laissait facilement entendre. Tu ne savais simplement pas comment réagir et cette réponse maladroite mais laissant entendre un certain humour était tout ce que tu pouvais lui offrir pour le moment. Ton expression reprit toutefois bien vite un air naturel lorsque tu enchaînas :

Kohana roula des yeux avec un sourire en coin, clairement pas du genre à se laisser faire si facilement. Elle se redressa lentement, s'étirant comme une chatte avant de se lever complètement, un peu trop décontractée pour une situation qui aurait pu être sérieuse.

Elle croisa le regard de Kyoko, son sourire s’élargissant avec une pointe de malice.



Lança-t-elle moqueuse, glissant ses jambes sous elle avant de s’asseoir correctement. Elle se redressa sur le champ. Puis, avec une lenteur calculée, elle tendit la main vers Kyoko, toujours un peu joueuse.



Son sourire s’élargit, mêlant défi et tendresse, alors qu’elle attendait de voir ce que Kyoko avait préparé.

Dis-tu d’un ton ironique tandis que attrapais sa main, puis une fois redressée, tu te dirigeas vers tes affaires qui était posées à quelques pas de vous. Il y avait là-bas un objet enveloppé dans une sorte de toile. Tu en dégainais alors tout bonnement une épée. Ce n’était pas n’importe laquelle, car il s’agissait de celle que tu avais maniée durant les derniers moments du Kakusei. Depuis celle-ci était restée accrochée chez toi, en guise de simple décoration.



Tu avais ces souvenirs ancrés dans ta mémoire, tu avais beau être très jeune à cette époque, tu te souvenais parfaitement des moments que tu passais avec ton père. Tu le revoyais s’exerçer avec cette même arme, pendant que tu tentais de reproduire ses gestes avec une vulgaire épée en bois. Mais surtout tu te rappelais ce qui te passionnais au sujet de cette arme, c’était sa capacité à changer de poids, au point que même toi tu avais pu la porter en n’étant qu’une gamine.



L’arme changea alors subitement de forme, ressemblant d’avantage à une immense plaque en métal qu’à une épée. Sous son poids que tu ne cherchas pas à soulever, elle s’écrasa alors violemment au sol.



Si tôt la démonstration terminé, tu fis reprendre à la lame sa forme d’origine. Il existait de nombreuses armes considérées comme légendaire ou exotique en ce monde, et celle-ci était l’une d’entre elles. Elle aurait probablement été une excellente épée pour toi mais tu n’en avais fais usage qu’une fois depuis qu’elle était entre tes mains, le jour même où tu l’obtins, lors du Kakusei. Depuis, tu t’étais refusée à l’utiliser, la raison principale était que tu ne te pensais pas digne d’en hériter, mais surtout parce que son potentiel était limité entre tes mains.



Tu balanças alors la lame – d’une légèreté sans pareil – en direction de Kohana. C’était un cadeau d’une valeur inestimable, mais en plus de maîtriser l’affinité nécessaire, la Miwaku avait été la personne la plus loyale que tu n’ai jamais eu à tes côtés, ton choix de lui offrir l’héritage de ta famille était alors parfaitement réfléchi.

Kohana attrapa l’épée au vol, d’un geste fluide et sans hésitation, la lame parfaitement légère entre ses mains comme si elle l’avait déjà maniée cent fois. Elle la fit tourner une fois dans sa paume, admirant le reflet du métal avec un petit sifflement admiratif.

Elle resta un instant figée, les yeux rivés sur la lame flottante que Kyoko venait de lui lancer, comme si elle avait du mal à croire à ce qu’elle venait d’entendre. Puis, lentement, un sourire se dessina sur ses lèvres, pas celui qu’on offre par politesse, ni même celui qu’on accorde à une amie chère. Non. C’était un sourire plus large, presque carnassier, un éclat d’excitation pure dans le regard. Le genre de sourire qu’elle n’affichait que dans deux circonstances : quand elle s’amusait… ou quand elle s’apprêtait à trancher quelque chose.



Elle rit, un rire cristallin mais avec une pointe de folie dans le fond, comme si cette offrande venait d’éveiller une bête qui sommeillait juste sous la surface. Puis elle la fit tourner autour d’elle, une seule main suffisant à maîtriser l’arme, malgré son apparente puissance.



Elle pivota vers Kyoko, l’arme en main, ses yeux brillant d’une intensité nouvelle. Pas de menace réelle dans son ton, juste cette espèce de fièvre guerrière que même le plus sage des discours ne pouvait jamais totalement éteindre chez elle. Ce n’était pas la guerre qu’elle voulait. C’était le feu, la danse, la sensation du danger. Elle bondit sur un rocher non loin, tenant la lame au-dessus de sa tête, en équilibre instable mais gracieux comme une funambule.



Elle retomba légèrement, ses pieds glissant sur l’herbe, et rangea la lame contre son épaule, la caressant presque comme on cajolerait un chaton un peu trop armé.




Puis, plus doucement, elle s’approcha de Kyoko. Plus de blague dans le regard, juste… une reconnaissance muette, qu’elle avait du mal à exprimer autrement qu’à travers ses sourires tordus.



Mais déjà, l’instant de sincérité lui collait trop à la peau. Elle leva les yeux au ciel, grimaça légèrement comme si elle allait vomir une émotion de trop.



Elle dégaina la lame une nouvelle fois et la pointa vers l’horizon.



Et au fond de ses pupilles, il n’y avait pas que la joie d’une chipie. Il y avait une promesse : celle d’une nouvelle ère. Une Kohana plus libre, plus dangereuse… et désormais, armée comme jamais.