Kohana se tenait immobile, le vent jouant doucement avec ses cheveux alors qu’elle observait la courbe de la lame sous la lumière. Le métal brillait d’un éclat nerveux, presque impatient. Elle aussi. Son pied se posa sur la lame, d’un geste assuré, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde que de monter sur une épée.
Elle inspira profondément. L’air était lourd de promesses, chargé de cette énergie volatile qu’elle sentait vibrer au creux de son ventre chaque fois qu’elle flirtait avec l’impossible. Un murmure s’échappa de ses lèvres, presque inaudible.
« Allez ma belle… Montre-moi ce que t’as dans le ventre. »
Elle canalisa doucement son énergie spirituelle, l’injectant par la plante des pieds, laissant son chakra effleurer le métal comme un feulement. L’épée frémit sous elle, et un frisson lui remonta l’échine, délicieux. Elle sentit le poids changer sous ses appuis. Dix kilos au départ. Mais là… c’était comme poser le pied sur une plume d’acier. À peine 500 grammes, une respiration. Puis, d’un coup, la poussée. Verticale. Brutale. Parfaite. Kohana éclata de rire alors que le sol se dérobait sous elle.
« Oooooh merde oui !! C’est CA que je voulais ! »
L’épée fendait l’air comme une flèche vivante, ses pulsations d’énergie se synchronisant avec les siennes dans un ballet improvisé. À cinquante kilomètres à l’heure, le vent lui claquait le visage, mais elle s’en moquait. Elle ouvrit les bras, comme une funambule céleste, riant toujours, exaltée, les yeux brillants.
Elle n’avait jamais volé aussi librement. Pas portée par des ailes, ni par une invocation, ni par une machine. Juste elle, son énergie, et cette foutue épée qui semblait l’aimer autant qu’elle l’aimait déjà. Elle bascula en arrière, se tenant en équilibre inversé sur le dos de la lame, la tête en bas, les cheveux fouettant l’air.
« T’as intérêt à tenir, ma belle. J’veux pas m’écraser dans un champ comme un... cadavre ! »
Un virage sec, un looping. L’épée répondait à chaque impulsion, comme si elle était vivante. Non… comme si elle était elle. Une extension de son corps, de sa fougue, de cette envie de danser sur le fil du rasoir jusqu’à s’y couper. Au sol, Kyoko devait la regarder avec cette expression mi-fière, mi-épuisée qu’elle tirait à chaque fois que Kohana faisait un truc un peu trop suicidaire pour être raisonnable. Mais là, elle ne pensait pas à Kyoko. Ni au passé. Ni même au futur. Seulement à l’instant. À la sensation du vent qui chantait dans ses oreilles, à la pression de l’air contre sa peau, à l’adrénaline pure qui hurlait dans ses veines.
Une minute. Peut-être un peu plus. Elle n’avait pas compté. Elle ralentit légèrement, stabilisa l’arme en vol stationnaire au-dessus d’un sommet. Le ciel s’étalait devant elle, immense, infini. Elle murmura, plus pour elle-même que pour quelqu’un d’autre.
« C’est pas qu’un jouet. C’est un putain de miracle. »
Elle serra la garde de l’arme entre ses doigts, et ferma les yeux un instant. Juste un. Un battement de cœur. Puis elle les rouvrit, un sourire revenu sur ses lèvres plus calme, presque doux.
« Va falloir qu’on trouve un nom à ta hauteur, toi et moi. »
Une dernière poussée, avant que le temps ne soit écoulé. Elle redescendit lentement vers Kyoko, planant avec grâce jusqu’à atterrir dans un souffle d’herbe froissée. Son pied toucha le sol avec une élégance féline. Elle sauta de l’arme, la tenant désormais dans son dos. Elle posa les yeux sur Kyoko, encore électrisée, les joues rouges d’excitation, mais les yeux soudain très clairs, très sincères.
« Tu viens de me filer plus qu’une arme, Kyoko. Tu viens de me filer des ailes. »
Et après une pause, un clin d’œil insolent, le retour de la chipie.
« Faudra pas t’étonner si je rentre pas tous les soirs, hein. »