Kagero marchait sans un mot, le regard fixé droit devant elle. Le silence entre eux s’étirait, seulement troublé par le froissement des feuillages et les bruits feutrés de leurs pas sur la terre humide. Elle analysait. Chaque mot de Daiki, chaque nuance dans son ton, chaque hésitation.
Le Kitto parlait avec sincérité - ou du moins, avec la conviction de celui qui croit en ce qu’il dit. Mais la Miwaku savait reconnaître un discours incomplet, une vérité masquée par l’ignorance plutôt que la tromperie. Son esprit tournait à toute vitesse, cherchant à relier les fragments : Hinae, la Gaikotsu, une enfant aux yeux multicolores… Autant de pièces d’un puzzle dont elle devinait à peine les contours.
Elle finit par briser le silence d’une voix calme, presque clinique.
Son regard glissa brièvement vers lui. Un éclat froid, calculateur.
« Et sur la suite ? Rien d’autre ? Un lieu, une image, une sensation ? »
Elle savait que sa question avait l’air anodine, mais derrière, se cachait une tension réelle. Le temps jouait contre eux. Et elle, plus que quiconque, savait ce que signifiait être traquée par l’Empire.
La Miwaku ralentit légèrement le pas. Une ombre passa sur son visage : celle du souvenir d’un samouraï aux gestes trop précis, à la voix trop calme. Si ce général venait ici, leur délai fondait à vue d’œil.
« Nous devons les retrouver avant eux. »
Un souffle, puis son ton se fit plus grave.
« Tu n’as vraiment rien d’autre sur leur position ? »
Elle songea un instant à la solution la plus risquée. Se connecter à sa vision. Effleurer ce lien encore actif, remonter la trace mentale qu’Hinae avait laissée dans son esprit. Elle en avait les moyens. Mais pas sans conséquence. Pas sans douleur. Et surtout, pas sans éveiller les soupçons du Kitto — ni ceux des entités qui les surveillaient peut-être déjà.
Elle serra légèrement la mâchoire, tranchant intérieurement. Non, pas maintenant. Pas tant qu’il pouvait encore parler. Quelques minutes s’écoulèrent. La forêt s’éclaircissait à mesure qu’ils s’éloignaient du campement. L’odeur du sel revint, signe qu’ils approchaient des côtes.
Kagero reprit, d’un ton plus bas :
« Je suppose qu’elles ne sont plus sur cette île. Cela m’arrange, d’une certaine façon. »
Elle fit une pause, jetant un dernier regard par-dessus son épaule, vers la direction d’où ils venaient.
« Les individus dangereux qui viennent d’arriver au campement... J’ai reconnu un samouraï impérial, un de leurs généraux, paraît-il. Et avec lui… une femme. Une tueuse. Cheveux blancs. »
Son regard se tourna de nouveau vers Daiki, scrutateur.
« Tu penses qu’elle pourrait être liée ? »
Sous le masque de son calme, une lueur inquiétante traversa ses yeux. Elle connaissait cette femme - ou croyait la connaître. Et si son instinct ne la trompait pas, leurs chemins allaient bientôt se croiser.