Kagero resta un moment immobile, les bras croisés, le regard tourné vers la ligne d’horizon noyée de brume. L’esprit en alerte, elle réorganisait mentalement les fragments d’informations accumulés depuis leur arrivée sur l’île : la capture volontaire de Hinae, la présence du samouraï impérial, la tueuse à la chevelure blanche, et ces indices fugaces laissés par la vision du Kitto.
Tout commençait à prendre sens ... ou, du moins, à se dessiner dans une direction précise.
Elle savait désormais quoi faire.
La Miwaku pivota brusquement, ses mèches noires effleurant son visage. D’un ton ferme, elle déclara :
« Un pêcheur m’attend sur une île voisine. Nous pouvons le rejoindre en moins d’une heure et demie si nous nous pressons. Deux, si tu préfères la prudence et que nous évitons les routes principales. »
Ses yeux se posèrent sur Daiki, l’évaluant comme on jauge un partenaire d’opération. Il n’était pas question ici de confiance, mais d’efficacité. Le temps jouait contre eux, et chaque seconde risquait de transformer une poursuite en enterrement.
Elle reprit, d’un ton plus bas mais toujours aussi assuré :
« Un ferry part en fin de nuit, avant la matinée, vers Shinkiri-jima. Il transporte des ouvriers vers les chantiers portuaires de la capitale du Sud. Cela semble correspondre. »
Elle marqua une brève pause, le regard s’assombrissant à la simple évocation du lieu.
Shinkiri-jima… C’était un nid d’espions, de soldats, de travailleurs surveillés. Une zone où même les mouettes semblaient voler sous ordre impérial.
Mais c’était aussi, paradoxalement, l’endroit idéal pour disparaître.
« Plusieurs ports y sont desservis. Si elles ont quitté Hirui-shima, c’est forcément par là. Et si c’est le cas, alors nous approchons de la solution. »
Le vent de mer se leva, soulevant leurs manteaux. L’odeur du sel et du bois humide emplissait l’air.
Kagero se mit en marche, rapide, déterminée. Chaque geste trahissait la rigueur d’une femme qui n’attendait plus les ordres de personne.
« Allons-y. Nous n’avons plus le luxe d’hésiter. »
Le sentier descendait en pente raide, longeant des falaises couvertes de mousses. En contrebas, on distinguait les reflets argentés de la mer. Leurs pas précipités faisaient craquer les branches, et le souffle du vent couvrait le rythme de leur respiration.