L’Empereur l’observa attentivement, notant la légère crispation de son corps, le poids de la douleur qu’elle portait sans mot. Il comprit immédiatement la raison de ce silence chargé : elle aurait voulu répondre, répondre avec cette certitude sèche et mesurée qui lui était propre, mais quelque chose l’en empêchait. Une brèche imperceptible s’était ouverte dans sa force. Il savait. Comme il avait toujours su. Il avait perçu ce frisson intérieur, cette culpabilité muette qui se glissait entre ses défenses. Et il n’avait besoin d’aucun mot pour cela.
Il prit une inspiration, laissant ses yeux descendre un instant sur les bandages, sur la tension contenue dans ses muscles. Il ne s’agissait pas de la douleur physique qu’elle portait. Non, c’était le poids invisible de l’échec, la fuite de ceux qu’elle avait dirigés et qui avaient disparu malgré ses efforts. Et cette reconnaissance silencieuse, ce sentiment d’avoir été un maillon faible… il le voyait, et il ne pouvait rester indifférent.
D’une voix grave, posée, mais empreinte d’une douceur rare, il rompit le silence :
« Tu ne me dois rien. La seule personne à qui tu dois rendre des comptes, c’est toi-même. »
Il laissa ces mots suspendus dans l’air, pesant chacun. Il sentit la tension de ses épaules se relâcher imperceptiblement, le soulagement silencieux qui passait avant même qu’elle ait pu répondre.
« Ces parasites qui ont tenté de briser notre chemin… ces hommes et femmes qui n’ont jamais su reconnaître la valeur des leurs… ils n’ont aucune place dans ta vie. Ils ne te voient pas pour ce que tu es, mais dans le groupe dans lequel tu étais. Tu es bien plus que ... Konoha. Tu es Mai. »
Rien n’avait changé dans le salon, et pourtant tout était différent. La présence de Mai, droite, fière malgré les blessures et le bandage qui comprimait son flanc, emplissait la pièce d’une force silencieuse.
L’Empereur inclina légèrement la tête, presque en signe de respect. Sa voix, plus basse, plus intime cette fois, ajouta :
« Ton échec n’est pas le reflet de ta valeur. Tu as tenu, tu as survécu, et tu es toujours debout. C’est cela qui compte. Et maintenant, tout ce qui t’incombe… je sais que tu le relèveras. »
Il savait qu’elle l’entendait, qu’elle avait compris sans avoir besoin de continuer. Il n’y avait ni fierté vaniteuse, ni louange inutile à donner.
« Tu nous aideras à établir cette liste avant ton départ. Mai. Ensuite, nous les traquerons pour les chasser de ta vie. »
Un rictus ne tarda pas à apparaître.
« Pour rompre avec le passé et naître de nouveau, il est malheureusement nécessaire de le radier. J'ai vécu cela différemment. Bien évidemment. Ce que tu ressens est un deuil. Crois-moi, un deuil s'affronte seul, mais il est parfois nécessaire de le regarder droit dans les yeux... »
« Par chance, j'ai pu remonter jusqu'à une personne que tu ne connais que trop bien, Mai. Tu risques de souffrir, mais tu es assez forte pour faire face à ton passé aujourd'hui. »
Il ne parla guère de son échange avec Hikaru... De cet entretien sur un courrier manquant de finesse... Sans la moindre honte, Borodari faisait lire son courrier... Généralement, ce n'était que peu intéressant... Mais il lui permit de remonter à de nombreuses pistes... Dont une au Sud. Sûrement l'auteure des récents monologues épistolaires. L'empereur se doutait depuis longtemps qu'Hikaru blanchissait son argent pour une quelconque cause, mais il avait su trouver la combine que depuis peu... Examinant les combines du pharmacien de ce dernier, il avait pu remonter à une demeure au Sud... Cela coïncidait avec un séjour autorisé il y a quelques années.
« Akiko et Hinae... Elles semblent cacher quelqu'un qui pourrait nous permettre de guérir tes maux... »
Il posa alors sa main droite sur celle de Gaikotsu Mai.
« Ce n'est pas un ordre. Mai. Je pense sincèrement que tu cesseras de les entendre. Je te laisserai décider du sort des tiens. »