Une petite escapade (ouvert)

« Je suis persuadé de vous avoir déjà vu quelque part. » Elle s'attendait à beaucoup de choses, sauf à ça. Se seraient-ils déjà vu ? Même s'ils s'étaient déjà croisés, comme se souvenir d'un homme si discret ?



Elle avait honte de dire ça. C'est vrai, c'est vexant, non ? Que personne ne se souvienne de vous. Même si elle se doutait que cet anonymat faisait partie de sa vie quotidienne... En tant que ninja.
Sur ce point, elle remerciait son statut de future geisha. Asae ne portait pas beaucoup d'intérêt à son existence et ne s'estimait pas comme quelque chose d'important mais la pensée de perdre son identité, de ne plus exister en tant que personne mais en tant qu'arme la faisait frémir. Certes, en tant que geisha, elle devra devenir insensible et se façonner de façon à séduire le monde entier mais son nom restera toujours celui que ses parents lui ont donné et elle ne finira pas totalement dans le néant comme ses hommes de la nuit.

S'ils s'étaient déjà vu, elle ne s'en souvenait pas. Tant pis. De toute façon, ça n'avait pas vraiment d'importance. C'était juste un peu perturbant.
Le sujet avait donc été clos aussi vite qu'il avait été ouvert. Tant pis. Une nouvelle ère de silence s'immisça jusqu'à ce que le duo se retrouve à l'entrée du quartier Miwaku.



Interrogation, affirmation, déclaration ? Un peu les trois à la fois. Son visage n'exprimait rien, son ton ne laissait paraître aucun sentiment de façon claire. Un parfait ninja.
Son regard parcouru les environs calmement, ils ne couraient de toute façon aucun danger ici.

L'avait-il mal pris ? Elle s'en voulait. Par sa faute, un silence s'était encore une fois incrusté bien que personne ne l'ait invité. Dommage, vraiment. Mais que dire de plus . Elle se sentait maladroite, un peu idiote même. Et puis, il reprit parole, pour son plus grand plaisir.



Espérait-elle qu'il l'accompagne jusque-là bas ? Oui. Mais elle ne voulait pas le forcer, ni même lui demander. Asae n'aime pas s'imposer, c'est comme ça. S'il l'accompagne jusqu'à son pas-de-porte, ce sera de son plein gré.

Il aurait pu la laisser, là, il aurait surement dû. Mais ce n'était pas dans ses habitudes d'abandonner un travail commencé. Il suivit donc la route que lui avait indiquée la jeune femme sur plusieurs centaines de mètres, profitant du calme des lieux et de leur beauté. Le quartier Miwaku était très élégant, comme ses habitants, d'ailleurs. La jeune femme s'arrêta finalement devant la porte d'une petite maisonnette charmante et déclara que c'était sa demeure.
D'un geste calme, Gareki lui tendit le sac de commissions qu'il avait porté le long du trajet, un léger sourire aux lèvres.

Ils étaient finalement arrivés devant son petit chez elle, les pas éclairés par les simples rayons de la lune. Une scène qui aurait pu être romantique, si ces deux âmes n'avaient pas été de parfaits inconnus.



Elle lui sourit et saisit ses courses timidement, serrant le sac contre sa poitrine alors que lui commençait déjà à reprendre sa route. Hésitant un instant, elle finit par prendre son courage à deux mains et l'interpeller encore une fois. C'est vrai, c'était l'au revoir le plus naze de l'histoire des rencontres, ça.



Interpellation pathétique.



Le froid accouplé au gène de la situation al fit grelotter un peu. Mais au moins, elle se sentait allégée par cette déclaration simplette.



Ce n'était plus qu'un murmure qui sembla se perdre dans le noir de la nuit.

Il était déjà parti. Son corps avait beau être toujours là, son esprit levait l'ancre pour voguer sur ses souvenirs agités jusqu'au lever du soleil.
« Monsieur le ninja ». Drôle de surnom. Ça le fit pouffer délicatement. D'un mouvement de tête, Gareki montra l'attention qu'il apportait au discours de la jeune Asae. Pourquoi elle se présentait ? Il n'en savait rien. Mais une fois qu'un nom est donné, l'autre doit suivre. C'est la règle.


Il lui offrit un bref salut de main avant de s'enfoncer dans l'obscurité, un sourire doux masqué par les ténèbres de la nuit aux lèvres.

Et il disparut aussi mystérieusement comme il était apparu : dans l'obscurité et le silence. Seule, Asae soupira, les yeux rivés sur la rue. Comme si elle s'attendait à ce qu'il revienne. Elle ne se décida à rentrer que lorsque le vent la fit grelotter.

Une fois chez elle, elle apprécia un instant la sobriété et la propreté des lieux en tapotant sur son sac . Il était temps de se mettre aux fourneaux, où toute cette soirée sera vaine. Elle retroussa donc ces manches et sortit sa recette d'un placard ainsi que tous les ingrédients nécessaires et s'attela à la préparation de la pâte, se remémorant sa rencontre encore fraîche comme un souvenir qu'elle aimerait conservé indéfiniment.
Kumo. Ce village était vraiment fantastique, comme ses habitants. Et bientôt, elle devra tout faire pour le protéger et le servir, comme ses ancêtres avant elle.