Tourner le dos au passé

La route entre les terres enneigées de Yuki et le sable froid du Pays de l'Eau avait été longue, et pas une seule heure Raion avait été sobre. Que ce soit sur les routes étroites des montagnes d'Iwa, au milieu du désert aride que lui offrait Suna, ou encore sur le bateau qui le ramenait sur sa terre natale, le Lion Blanc ne put s'empêcher de forcer sur la bouteille. Il ne fut pas surpris de constater que son retour lui avait pris une semaine de plus qu'à l'allée : entre les nombreuses tavernes fréquentées et les marchandes d'amour rencontrées, chaque occasion avait été bonne pour participer aux festivités locales. Certains pouvaient penser que l'alcool était la cause principale des maux de ce monde, mais pour Raion, il était aussi la solution. Il lui permettait d'oublier les nombreuses semaines de solitude, perdu au milieu de la neige, qu'il avait du enduré.

Néanmoins, il était enfin rentrer à la maison. Il ne savait pas exactement combien de temps sa quête lui avait volé, mais il était sûr de trouver à son retour un village méconnaissable. C'était comme ça à chaque fois. Kiri était en perpétuel changement et la loi du plus fort faisait que les Mizukage ne duraient jamais assez longtemps. Le dernier en date, selon ses souvenirs, était Gochiro.

Raion avançait difficilement. La bouteille à la main, il se contentait de tituber sur quelques mètres avant de chavirer sur le côté. Il avait aussi une pressante envie de vomir, mais l'odeur si familière de la mer semblait le revigorer. Il finit, tant bien que mal, par se rapprocher des remparts. La nuit était tombée depuis quelques heures.



Il se redressa, de sorte à apparaître aussi droit que possible. Les portes s'ouvrirent, laissant passer une silhouette féminine aux formes généreuses. Toutefois, la pénombre et l'ivresse ne l'aidaient pas à distinguer son visage. Il se pencha légèrement, de façon à bien observer les deux masses floues qui lui donnaient l'impression de flotter dans les airs.

Du haut de la tour de garde, Kioko avait vu de loin cette silhouette titubante qui semblait se diriger vers Kiri. Qui était-ce ? Encore un ivrogne ? Lorsqu'il demanda à entrer, Kioko hésita. Oh et puis zut, cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas amusée.

Lorsque les portes s'ouvrèrent, elle découvrit un visage familier. Les mains sur les hanches, elle haussa les sourcils.



Le Kaguya n'avait vraiment pas bonne mine. Il dégageait une odeur de sueur d'alcool que même Kioko avait du mal à supporter. Elle n'avait pas vu Raion depuis des années, pourquoi revenait-il aujourd'hui ? Et pourquoi dans cet état ?

La solitude était la prison la plus impitoyable : vous aviez beau vous raccrocher aux rares souvenirs heureux qui vous restaient, les noms commençaient à vous échapper, les visages autrefois familiers devenaient anonymes et vous perdiez petit à petit votre identité. Néanmoins, Raion n'eut pas besoin d'entendre cette voix deux fois pour reconnaître la personne qui venait l'accueillir.



Il voulut l'embrasser, mais finit par trébucher avant même de pouvoir espérer toucher ses lèvres. Il lâcha la bouteille et sa tête retomba sur les épaules de la jeune femme.



Il pensa à son frère Nowaki dont les nouvelles avaient été rares. Était-il toujours au village ou avait-il été lui aussi envoyé en mission ?

Raion s'approcha et Kioko put encore plus humé l'air éthanolé du buveur. Elle tira une grimace alors qu'en même temps il lui tomba dessus. La belle blonde lâcha un petit cris, surprise.



La jeune femme gloussa et repoussa doucement Raison.



Elle prit alors son bras part dessus son épaule comme elle l'aurait fait avec un blessé et prit le chemin de la maison de Nowaki.

Le Lion Blanc fut soulagé de savoir que son frère était encore sous la protection maternelle de la brume. Rares étaient les moments fraternels que les deux Kaguya partageaient, mais contrairement aux autres membres de sa famille, Raion avait tout de suite exprimé de la sympathie envers son aîné qu'il admirait presque. Ainsi, il ne pouvait que ressentir de la culpabilité à se présenter chez lui dans cet état après une absence si longue.



Il se mit à rire. Ce qu'il ne précisait pas, c'était que c'était souvent à cause de Raion que Nowaki se retrouvait dans ce genre de situation. Tandis que la jeune femme passait son bras par dessus son épaule, il en profita pour l'attraper par les hanches et la serrer contre elle.

L'homme ivre donnait du fil à retordre à Kioko qui essayait vainement de marcher droit. Il avait attrapé sa hanche comme si Kioko était "sa poulette" et lui fit même une proposition qui la fit glousser.



Kioko gloussa à sa propre blague alors qu'ils continuaient à arpenter les rues de Kiri. A un moment, ils trébuchèrent et Kioko se rattrapa de justesse.

Raion n'eut pas besoin d'être sobre pour savoir que sa garante rencontrait quelques difficultés à le porter ainsi. Cela devait être difficile de porter à la fois le poids d'un homme et celui d'une aussi grosse poitrine.



Le couple finit par arriver à la demeure des Kaguya. Au silence qui régnait dans le quartier, Raion devina que ses habitants s'étaient tous endormi depuis un moment déjà. Il espérait ne réveiller personne d'autre ; quelle image auraient-ils du grand Lion Blanc si il le voyait ivre à une heure si tardive de la nuit et aux bras d'une Gaikotsu ?



D'un geste brusque, il frappa sur la porte. Une fois, deux fois, puis il finit par perdre le compte.

Ouvrant la porte de son domicile, Nowaki fut face à un piètre spectacle... Un Chuunin tapant dans le vide. Sans remarquer Kioko, il prit la parole :



Le ninja était relativement franc. C'était sa première nuit depuis son retour de mission. Le vieil homme semblait être déjà au courant de cela.



Soudainement, Nowaki remarqua Kioko, il baissa sans visage durant une second pour le relever de suite.

Nowaki, se dégoter une nana ? Kioko avait toujours pensé que le Kaguya n'était pas de ce bord là ... Mais peut-être le frère n'avait pas un aussi bon oeil que la Gaikotsu ?
Alors que l'ivrogne martelait la porte d'entrée, Kioko tenta de l'en empêcher en le tirant en arrière, ce qui n'eut aucun effet. La porte s'ouvrit, dévoilant un Nowaki a moitié endormi. Il ne sembla pas avoir remarquer tout de suite Kioko.



Le voyant rien faire, elle prit le bras de Naoki qu'elle avait autour de l'épaule et le tendit à Nowaki. Il était temps qu'elle se débarrasse de ce fardeau ...

Raion ne fut pas surpris de retrouver un Nowaki aussi froid qu'avant. Le temps semblait même l'avoir durci davantage. Néanmoins, la présence féminine de Kioko semblait l'avoir déstabilisé.. Était-il assez bête pour avoir des sentiments pour une Gaikotsu ? Non, ce n'était pas son genre.



Il n'attendit pas sa permission pour s'engouffrer dans l'appartement. Un certain temps s'était écoulé depuis son départ du village et il ne doutait pas que son propre foyer avait fini par être cédé. Il pouvait toujours le récupérer, mais cela risquait de prendre quelques temps. Il profiterait cette nuit de l'hospitalité de son frère avant de déménager dans la demeure familiale où résidait leur grand-père.



Il avait tant de questions à leur poster, sur le village, le sacrifice mais aussi les relations avec Kumo. Il voulait rattraper le temps perdu.

Nowaki en oubliait sa timidité. Son frère n'était qu'un homme représentant la mocheté de son monde. Un immonde pervers se noyant dans l'alcool comme un chien reniflant sa gamelle.



Le père de Kitsune... Mort face à Gochiro. Cet homme voulait redorer l'image des ninjas. Sans réellement faire la leçon à Kioko, le ninja observait son frère avec un mépris ahurissant.



Nowaki fixait son frère. Dans son propre logis. Les bougies étaient éteintes. Non loin, la demeure de Mishi se baigner dans l'obscurité. Un endroit gigantesque. Une place qui n'était plus celle du frère du ninja. Ressaisissant la poignée de la porte d'entrée, l'homme aux cheveux blanchâtres se tut dans un silence moralisateur.

Nowaki semblait pas vraiment content de revoir son frère. Kioko avait envie d'être n'importe où sauf ici, entre ces deux Kaguya. Elle fit alors un sourire gêné et répondit :



Kioko tourna aussi rapidement que possible les talons pour fuir cette scène à laquelle elle n'avait aucune envie de participer. Ce genre de situation n'était pas faite pour elle. C'était l'une de celles où il fallait dire ses sentiments, pleurer et ... pire encore !

Lorsqu'elle ferma la porte derrière elle, Kioko soupira. Avait-elle bien fait de laisser Raion avec son frère qui semblait fou de rage ?