Le futur se dessine sous la lune

N'est-il pas étonnant que dans une démocratie telle que celle du Pays du Feu, toutes les prérogatives de puissance publique aient été détenues par un seul homme : l'Hokage ? Que celui-ci avait un ainsi un pouvoir si démesuré qu'il pouvait changer la vie de miliers de personnes, sans même les consulter, par la seule signature d'un décret ? Shinji refusait cet absolutisme. Il en avait vu les limites sous l'ère de son prédécesseur où un clan avait fini par prendre le dessus sur tous les autres, nourrissant les braises d'une nouvelle guerre civile. Heureusement que lui, qui au début avait juré fidélité à Gekido, eut la lucidité d'intervenir et d'arrêter ainsi le génocide avant même qu'il ne commence.

Maintenant qu'il était Hokage, Shinji s'était promis de ne pas reproduire les erreurs de ses prédécesseurs. Il ne devait pas succomber à la tentation de la monarchie ou de la dynastie. Il devait rester droit et juste. Et pour cela, il avait besoin de soutiens. Des soutiens qui seraient puissants et influents, afin que le pouvoir soit divisé, car il faut diviser pour mieux régner. Il avait ainsi eu l'idée d'introduire un conseil des anciens qui réunirait tous les chefs des clans du village. Cette nouvelle institution aurait pour but de conseiller l'Hokage sur ses décisions, et les grandes familles auraient ainsi toutes leur mot à dire. Il lui fallait maintenant trouver ces personnes de confiance. C'est pourquoi il décida ce soir-là, sous la lueur de la lune pleine, de se rendre au quartier d'habitations du clan Chikara.

Shinji avait du mal à se souvenir de la dernière fois où il avait mis les pieds là-bas. Il devait être encore très jeune, à l'époque où fils d'armuriers, il livrait les commandes de ses parents. Ce fut donc d'une certaine manière dépaysagé qu'il traversait les ruelles du quartier. À une heure si tardive de la nuit, personne ne traînait dans les rues. Shinji finit par se poser au milieu d'une place, sur les bords d'une fontaine. Il s'adressa au membre des forces spéciales qui l'escortait.



Le shinobi acquiesça derrière son masque et disparu aussitôt. Même seul, Shinji n'avait rien à craindre ici. Après tout, n'était-il pas maintenant apprécié des Chikara ?

Tetsu dormait peu. Depuis longtemps, il avait perdu le sommeil. Toujours à la demeure familiale, il couchait tôt ses parents, qui ne s'étaient jamais réellement remis de la mort de leur plus jeune, malgré les apparences. Tetsu veillait jusqu'à ce que le sommeil ne vienne le chercher. Étrangement, chaque matin, aux petites lueurs lorsqu'il s'éveillait, l'étreinte de la fatigue n'était plus aussi étouffante qu'elle avait déjà été. Même que Tetsu s'endormait souvent plus tôt, ses pensées plus clairsemées de problème.

Il cognait des clous lorsque l'homme vint le chercher. Surpris d'un tel appel, surtout lors de la nuit, il obtempéra et rejoignit l'Hokage, non sans certaine appréhension. Il ne connaissait pas spécialement Shinji, malgré ses années à servir le village. Il lui vouait simplement la politesse que son titre demandait. À sa rencontre, il s'agenouilla respectueusement et la tête basse :



Tetsu ignorait pourquoi il était ainsi convié, dans un lieu aussi peu conforme. Il n'était pas s'en ignorer les nouvelles politiques de l'Hokage Shinji, aussi pensa-t-il qu'il était appelé à conseiller l'Hokage sur le représentant du clan Chikara. Il était vrai que Qazea pouvait parfois être jeune. D'ailleurs, Tetsu ne l'avait plus vu depuis un moment.

L'Hokage n'eut pas besoin d'attendre longtemps avant que Tetsu se présente à lui. Les deux shinobis se connaissaient que très peu. Tandis que le Chikara avait été une figure médiatique du village, principalement du fait qu'il avait été le bras droit de Yasuo, Shinji avait toujours été une figure de l'ombre. Leurs sphères d'évolution avaient été bien différentes, et pourtant, les voilà face à face sous le claire de l'une.. Qui l'eut cru un jour ?



Shinji savait que non. Comme beaucoup d'autres shinobis importants et influents du village, Tetsu était surveillé depuis déjà quelques semaines par des membres des forces spéciales. Ces derniers avaient reporté à L'Hokage que le Junin avait des problèmes de sommeil.. Compréhensible quand on enchaîne les pertes comme il l'avait fait.



L'Hokage souriait. Unifier un pays divisé, tel était sa volonté. Il avait cependant besoin de soutiens, de shinobis qui partageaient sa vision.

Était-ce trop poli pour le jōnin ? Élevé dans le respect de ses supérieurs et aînés, Tetsu ne s'était jamais posé la question. Il était important pour lui d'avoir ce respect parfois démesuré, car il se devait de montrer l'exemple. Aussi se redressa-t-il seulement parce que son Kage le lui avait demandé. Bien qu'il accrocha sur « la survie de la République », le Chikara acceptait humblement les remerciements de son Kage. Toutefois, maintenant que Shinji lui ouvrait la porte, il se permit un commentaire sur le terme employé.



Tetsu regardait Shinji de face et était impressionné par l'aura maîtrisé et calme de l'Hokage. Difficile de penser que le blond était son aîné !



Tetsu, pacifiste dans l'âme, ne pouvait être plus satisfait de la situation. De plus, tout comme Qazea ou Shinji, Taram aussi était jeune. Seul Keisan régnait au sommet des têtes grises.



Tetsu se retint d'ajouter d'autres commentaires. Il se surprenait lui-même de son intérêt dans la politique du village. Il avait, au fil des ans, tant gardé de commentaires personnels, que la visite surprise de son Kage lui permettait enfin de déverser son trop plein. Mais respectueux des règles comme il était, la politesse voulait de ne pas monopoliser la conversation.

L'Hokage ne fut pas déçu par la discussion qu'il échangeait avec Tetsu. Ce dernier était, malgré toutes ses mauvaises expériences, sage et réfléchi. Shinji n'en attendait pas mieux de la part de l'ancien bras droit du disparu Yasuo. Il trouvait dommage que son potentiel avait été éclipsé par la volonté suprématiste des anciens dirigeants du Clan Uzumaki.. Cela aurait pu éviter tellement d'événements.



Bien plus que les quelques shinobis qui se livraient des batailles idéologiques profondément racistes, ce que craignait le plus le nouvel Hokage était certainement les citoyens lambdas, les civils. Plus les années passaient, moins ils avaient confiance en le pouvoir militaire. Pour eux, la politique se résumait en une lutte acharnée de quelques uns pour les commandes. D'une certaine manière ils avaient raison, car cela était la résultante naturelle des rivalités claniques, mais Shinji s'était fixé comme objectif de regagner leur confiance.



L'ancien Hokage n'était jamais revenu de son voyage diplomatique au Pays de l'Eau. Il avait été présumé mort mais beaucoup accusait Gekido d'un coup d'État planifié. Or, Shinji ne croyait pas du tout à cette hypothèse dont il n'y avait aucunes preuves..



Était-ce risqué quand on sait que l'un des shinobis les plus puissants n'était jamais revenu des terres de brume ? Sûrement, mais le clan Chikara méritait la vérité.

Tetsu serra le poing à l'annonce de la disparition de Yasuo. Il serra si fort que ses jointures devinrent blanches et ses ongles laissèrent des marques dans sa paume. Puis il se calma, tentant de ne rien laisser paraître de sa soudaine frustration. Il releva un regard décidé vers son Hokage.



Il s'en mordit la lèvre. Depuis longtemps, il avait voulu partir à la recherche de Yasuo, mais la mort de son frère et les différents politiques entre les clans l'avaient ralentis. Tetsu n'était pas dupe : comme semblait le sous-entendre Shinji, lui aussi croyait à un coup monté de Gekido. Il avait également tenté d'en apprendre plus, mais sans résultats.



Sa voix se brisa. Avec tous les événements des dernières années, le blond avait presque oublié son Hokage et chef de clan. Il s'en voulait terriblement, comme s'il avait trahi cet homme dont il...



Même s'il l'avait toujours pensé, le dire était autre chose. Un coup de poignard, que s'administrait seul le jônin. Il souffla un grand coup, afin de chasser ses émotions. Il se devait de garder la tête froide. Il devait bien ça à la mémoire de Yasuo.



En fait, Yasuo pouvait toujours être emprisonné, mais la rumeur voulait que Kiri aie été anéantie par les forces Kumojins. De plus, les kirijins n'avait pas la réputation d'être des tendres... Yasuo n'aurait jamais trahi Konoha, alors inutile de le faire parler. L'éliminer avait sans doute été l'option la plus prometteuses.

L'Hokage sentit qu'il avait touché un point sensible. Parler du disparu Yasuo devait être très difficile pour son ancien bras droit - n'avait-il pas juré de le protéger ? Toutefois, Shinji estimait que le temps n'était pas aux remords. Il fallait aller de l'avant.



Shinji se mordit la lèvre. Au fond de lui, il était en colère. En colère contre Gekido, qui avait délibérément menti sur la disparition de Yasuo pour nourrir ses intérêts personnels, mais aussi contre Yasuo. Si ce dernier n'avait pas fait l'erreur de partir seul, le village ne se serait pas retrouvé au bord du gouffre. Tant de choses auraient pu être évitées si les bons choix avaient été faits.
Shinji soupira longuement. Il devait se ressaisir ; le passé était passé.



Shinji pensait par exemple au fils du porté disparu. Pour l'avoir fait surveillé pendant plusieurs semaines, il savait que celui-ci gardait une certaine amertume des épisodes passés. Et il était loin d'être le seul.



Si il y avait bien une chose que craignait l'Hokage, c'était Kumo. Pour le bien de la République, il devait savoir si ce village présentait un danger ou non, et ainsi agir en conséquence. Une guerre, dans la situation actuelle du Pays du Feu était exclue, mais de la diplomatie musclée pouvait toujours être envisagée.

Tetsu le savait : Shinji était fait pour être Hokage. Son calme et son pragmatisme en étaient des preuves suffisantes. Si quelqu'un dans le village avait le pouvoir de changer les choses, c'était lui. Le blond en était certain. À la rumeur de Kiri, Tetsu se passa de commentaires. Si cette rumeur s'avérait juste, elle sèmerait sans doute la panique. Kumo était crainte et c'était avec regret que les Chikara, par le passé, leur avait été soumis. Shinji, prévisible, ajustait le tir. Konoha avait effectivement été trop refermée sur elle-même, elle ne savait rien de la politique mondiale et...

Le jônin fut ébahi de la proposition de son Kage. Lui, prendre la tête de clan ? Vraiment ?



Pourquoi Shinji s'intéressait-il à lui ? Dû à son passé avec Yasuo ? À son pacifisme assumé ? À son histoire personnelle ? Tant de question, Tetsu ne voulait pas manquer de respect à toutes les posées...

Apparemment, le Chikara ne s'attendait pas à cette annonce de la part de l'Hokage. Ce qu'il comprenait tout à fait : comme beaucoup de ses frères d'armes au sein du clan, il n'était pas encore prêt à voir Yasuo être dépossédé officiellement de son pouvoir de contrôle sur sa famille. Cela devait être un choc d'être désigné comme étant son successeur alors qu'on croyait dur comme fer à sa survie, et surtout, à son retour. Toutefois, Shinji estimait que le village avait suffisamment eu le temps de pleurer ses morts et ses disparus. Il fallait se relever tout de suite et avancer ensemble, avec de nouvelles forces ; pour le bien de tous.



Le grand blond avait en effet été le bras droit de l'Hokage. Il avait donc déjà pu expérimenté de près le pouvoir exécutif. Il était aussi estimé, ce qui était important pour Shinji. Les citoyens devaient pouvoir avoir confiance en lui, pas seulement les Chikara mais tous les villageois.



L'Hokage avait fait surveiller le fils du précédent Hokage et les informations qui lui étaient parvenues ne le réjouissaient pas. Le garçon avait encore la disparition de son père et la trahison de son collègue au travers de la gorge.