Un sacré cas ? S'il savait à quel point il avait raison. Le blondinet était convaincu que Seishiro n'imaginait pas à quel point c'était sacrément un sacré cas, malgré le fait qu'il le faisait remarquer. Pour reprendre les expressions de son ami rouquin, il irait même jusqu'à dire que c'était un super-méga-giga-sacré cas.
« Vous n'avez pas idée, Seishiro-san... »
Il se permettait d'y faire allusion, devant le concerné, dans l'espoir que cette dernière piqûre de rappel lui suffise pour qu'il se reprenne un tant soit peu. Optimiste ? Malheureusement.
Néanmoins, il préférait ne pas trop rentrer dans les détails, pour ne pas non plus complètement mettre sur la table certains points noirs de Seitô, d'autant plus qu'au vu de la situation actuelle, cela risquerait de donner à Sora des failles à exploiter dans leur petite guerre. Pourquoi et comment en étaient-ils arrivés là ? Le Chikara le savait, c'était une mauvaise idée ce nouveau plan des mini-justiciers. Et malheureusement, c'était un peu tard pour avorter le processus. Quoique, ils pourraient simplement dire, au bout de quelques temps, qu'ils repasseront plus tard... et faire en sorte que ce "plus tard" n'arrive jamais. C'était une option.
Autre fait perturbant, le ninja au bonnet avait remarqué dans le regard de son ami que celui-ci était complètement dissipé. Il n'avait sans doute pas entendu la moitié des choses qui venait de se dire... Le garçon soupirait. Il l'aimait beaucoup, mais parfois il n'était vraiment pas sortable...
De son côté, Sora se contentait d'ignorer sciemment Seitô. Bonne, ou mauvaise chose ? Bonne dans un sens, car ça voudrait dire qu'elle n'allait pas s'énerver de tout ce qu'il venaiyt de lui balancer, et ne pas rajouter de l'huile sur le feu ; mais mauvaise dans un autre, car le rouquin n'apprécierait sans doute pas qu'on l'ignore. Après, vu son incompréhension de la situation, on pourrait espérer qu'il n'y ait pas prêté grande attention. Dans ce cas, il restait un espoir ! La discussion allait pouvoir reprendre une allure plus normale et paisible. Comme quoi, parler du thé n'avait pas été une si mauvaise idée... ! À problème désespéré, solution désespérée ? Pour une fois, ça avait l'air de marcher. Pour le moment.
« C'est très bon je trouve. C'est dommage que ta sœur y soit allergique, j'espère qu'il n'y a pas eu de complication derrière. »
Le blondinet l'écoutait attentivement, répondant à quelques unes de ses questions.
« C'est vrai, après je ne traîne pas vraiment dans le quartier, ou alors quand j'y suis je reste chez moi. Mon père est Chikara Eisuke, nous ne vivons que tous les deux, à quelques rues d'ici. Mh... À côté du parc, à sa gauche précisément. »
Il but une gorgée de son thé, et reprit.
Il fut coupé dans sa discussion, par la reprise soudaine d'activité du rouquin. Lui qui semblait dérouté de la conversation, et réfléchissait depuis pour recoller les morceaux, venait de reprendre le train en marche. Il répondait à sa place, concernant ses facultés d'Eisen-nin, et le flattait pendant quelques secondes seulement. Oui, seulement quelques secondes, puisque ça a dérapé très rapidement.
Kano n'y croyait pas. Que venait-il de dire ? Il avait sans doute mal entendu. Le voilà qu'il sous-entendait ouvertement ce que Ibuki lui avait appris au sujet de son père. Mais... il était complètement fou. Pourquoi aborder ce sujet maintenant, alors qu'on ignorait encore la situation exacte dans cette famille, les relations qu'ils entretiennent entre eux, etc. ? Non parce que, il suffirait que l'un d'entre eux soit complice de leur père pour risquer de faire capoter notre intervention. Ou alors, ils ne sont peut-être même pas au courant ? Dans ce cas-là, ils ne comprendraient pas les sous-entendus... ?
Gêné, le ninja s'enfonçait dans son fauteuil. Là de suite, il aimerait mourir. Ou plutôt, ne pas être là, devenir invisible, être oublié. Quelle mouche lui avait piqué bon sang ! Il savait que son ami agissait souvent avant de réfléchir, mais là quand même c'est même plus un gaffeur ! C'est un véritable génie ! Le génie de l'inconscience. Et le pire, c'est qu'il ne s'arrêtait pas là... Non seulement il rajoutait un sous-entendu, tout en s'attaquant à Sora, mais en plus il renchérissait pour la troisième fois, avec une myriade de questions sur la tranquillité du quartier, ainsi que des bruits de coups, de cris... tout en précisant dans leur entourage proche.
« N’est-ce pas Kano ? »
Non seulement il les foutait dans la merde, mais en plus il lui renvoyait ensuite la balle. Mais... Non, ce n'est pas un génie de l'inconscience. C'est un génie du mal, voilà tout. Comment allait-il faire pour rattraper ça ? Devait-il simuler un malaise soudain pour tenter de faire oublier ce qui avait été dit ? C'était une bonne idée... sauf que, non. Non, parce que Seitô ne comprendrait pas. Par contre, il s'imaginera que les biscuits étaient réellement empoisonnés, et que donc Sora était derrière tout ça ! Et donc, ça va encore foutre la merde. Non, il n'y avait pas trente-six solutions : il fallait soit assumer, soit étouffer l'affaire, soit ignorer.
Une idée, il lui fallait une idée... mais oui ! Kano allait se trouver une nouvelle voie : la comédie !
« Ne... Seitô ! Arrêtes ! Ne... Ah... Ne faites pas attention à ce qu'il raconte, enfin... Je... Il... Enfin... Pour tout vous dire, il sait pas vraiment tenir sa langue. Comment vous dire... mh, c'est gênant. »
Extérieurement, Kano essayait de faire paraître de la tristesse. Intérieurement, il avait envie de balancer Seitô par la fenêtre.
« Mes relations avec mon père sont, comment dire... compliquées, si vous voyez où je veux en venir, d'où sa remarque. Ça lui est arrivé une fois d'en venir... aux mains. Rien de bien grave, j'ai pu m'occuper de ma blessure... Et vu qu'on parlait de mon père, il n'a pas pu s'empêcher de placer ça, n'est-ce pas ? »
Un véritable mensonge. Enfin, presque... ses relations avec son père sont réellement compliquées, mais pas à ce point. Ouais, c'était quitte ou double.
« Et depuis, il fait une fixette là-dessus... On dirait pas, mais ça l'a mis hors de lui. »
Son regard se tournait vers Seitô.
« En leur demandant ça... Tu cherchais à savoir s'ils ont entendu quelque chose, pour moi ? T'étais pas obligé, je t'ai déjà dit que ça irait, que tu n'as pas à t'en faire... Il ne le refera plus... »
Oh que si il avait à s'en faire. Aussi fainéant qu'il était, il lui ferait tout de même sa fête lorsque tout ceci sera terminé. Le garçon n'aimait pas mentir, mais la situation s'y prêtait assez bien tout de même. Il le fallait pour ne pas prendre le risque que les insinuations de Seitô soient mal prises. Et puis dans un autre, ça lui permettait de leur présenter un autre cas comme leur sœur, bien que factice. Peut-être que cela permettra d'aborder ce sujet, d'une manière un peu plus saine ? Qui sait.
« Enfin, n'y prêtez pas grande attention... ! »
Les pieds dans le plat, et la comédie entraient en scène...