Kitaï était dans l’hésitation. Au fond de toi, tu l’étais aussi. Décider de faire vivre ou mourir une créature était un fait… Qui te faisais froid dans le dos. Une sensation dangereuse de toute-puissance, qui avait eu raison de bien des hommes. La folie des grandeurs… Un fléau humain, rognant et déchirant l’âme de chaque dirigeant de chaque pays. Plus le pouvoir était grand, plus ce poison insidieux était virulent.
« Je ne sais pas si c’est la meilleure option… »
Il y avait décidément trop d’inconnus, trop d’hypothèses… Même cette maladie, le « Minashigo » qui semblait pas si orpheline que ça, était encore… trop obscure. L’euthanasie était l’ultime recours, la solution quand la vie n’est que souffrance et dangereuse pour soi et pour les autres. Mais n’était-ce pas le cas ici ? Ne fallait-il mieux pas en finir, au vu des litres de sang d’innocents que la bête devait avoir sur ses mains ? Est-ce qu’il était possible de le sauver ? Est-ce qu’il voulait être sauvé ? Est-ce son âme n’était-elle pas définitivement perdue ? Non. Il était malade… Mais même si c’était le cas… Est-ce que vous étiez en capacité de le contrôler ?
Ces idées eugénistes te traversèrent l’esprit, mais ne te plaisaient guère. La sélection de la population, l’élimination des malades, des infirmes, des faibles, et de toute autre population minoritaire ou classifiée d'imparfaite ne te plaisaient guère. En vérité, elles étaient antinomiques avec ta fonction de médecin, avec tes croyances. Et pourtant…
Prendre le risque. Oui, mais à quel prix ? Il pouvait te coûter la vie. Mais tu ne pouvais te résoudre à mettre fin arbitrairement à ses jours, malgré ce qu’il avait fait. Kitaï et toi seriez donc ces geôliers pour le reste de son existence. N’était-ce pas là une forme de condamnation pire que la mort ? Le priver de sa liberté jusqu’au dernier jour ?
« Si on fait ça… Il va perdre sa liberté… A jamais. C’est assez… Cruel. »
Tu t’avanças vers le corps, et tu t’approchas, aiguille dans la main. Tu savais ce que tu disais… Tu n’avais jamais vraiment était libre. Depuis le début, tu te battais contre le temps. De faible constitution, chétif, on t’avait malgré tout laissé en vie. Tu avais appris la médecine par défaut… Tu voyais le monde dans un prisme anormal. D’une perspective pas uniquement humaine. Tu étais fondamentalement différent.
Tu n’avais pas d’origine. On t’avait trouvé blond, on t’avait ramené au village, et on avait fait de toi un Gaikotsu par défaut. Un orphelin perdu. Au fond, tu étais aussi un « Minashigo ». Malade solitaire. Seul Kitaï t’avait tendu la main, et offert une autre perspective d’avenir.
Tu t’approchas et posas doucement ta main sur lui. Puis, tu récupéras ta gourde, et lui versa un peu d’eau sur le visage. D’une voix douce, tu établis le contact.
Tu espérais simplement ne pas regretter ce choix.