A ta vue, Nobuhisa s’approchait de toi pour avoir un geste de familiarité qui te laissait de glace. Tu n’avais pas de réaction particulière et le repousser n’était pas courtois, mettre un froid avant même d’avoir commencé cette drôle de mission n’était pas à faire. Il était trop extravagant pour toi et même dans la façon de te parler. Il n’était pas bien méchant, Toulouse ça à retenir.
« Oui, nous verrons bien si cela reste anodin. »
Il faisait ensuite une remarque à voix haute pour que les Hattori l’entendent mais ils ne relevaient pas la chose, préférant sans doute l’ignorer.
« Tu ne dois pas te faire que des amis. »
Tout en avançant, tu repensais à un souvenir d’un autre temps qui te traversait l’esprit en voyant les montagnes de Kumo. On y va à cheval ou plutôt on y grimpe sur des rochers éboulés dans le sentier, on gravit en quelques instants à des hauteurs immenses, s'étonnant de la vigueur de son cheval, dont le pied ne glisse pas sur le granit ni sur le marbre et dont le poil, après une journée de fatigue, est aussi sec et aussi dur que les pierres auxquelles il se cramponne. Ce qu'on appelle le Pont des âmes est un pont jeté sur le torrent, que l'on traverse environ une heure après la cascade de Shisui.
Alors on entre dans une forêt de sapins, et bientôt nous marchons sur une grande prairie au bout de laquelle se trouve le lac. Sa teinte vert-de-gris le fait confondre un instant avec l'herbe que nous foulons ; il est uni et calme ; son eau est si calme qu'on dirait une grande glace verte ; au fond se dresse une drôle de sculpture naturelle, dont les sommets sont couverts de neige, de sorte que le lac se trouve encaissé dans les montagnes, si ce n'est du côté où nous sommes.
Certes, si on y allait seul et qu'on y restait la nuit pour voir la lune se mirer dans les eaux vertes avec la silhouette des pics neigeux qui le dominent, écoutant le vent casser les troncs de sapins pourris, certes, cela serait plus beau et plus grand ; mais on y va comme on va partout, en partie de plaisir, ce qui fait qu'on n'a pas le loisir d'y rêver ni l'impudeur de se permettre des élans poétiques désordonnés.
Tu retrouvais là une bribe de ta conscience, de ta mémoire sans doute évanouir dans le chaos de ton passé. Était-ce réel ou un souvenir que tu t’inventais pour une vie que tu n’as jamais vécu. Parfois. Tout cela te tourmentait sans que tu ne puisses y faire quelque chose. Chaque réaction qui pourrait te donner un sens d’humanité s’évapore comme si ton moi les détruisait instinctivement pour ne pas te défaire de tes objectifs et de tes missions. Tel était le sacrifice à faire pour devenir un parfait serviteur de l’empire. Tu retombais à la réalité quand Nobuhisa s’adressait de nouveau à toi alors que nous avions été très silencieux jusque là.
« Ça nous divertirait un peu et on pourra défendre ces 2 là. Ils ne semblent pas à leurs aises. »
On finissait par s’arrêter pour se restaurer. Tu tentais la discussion avec les Hattori avec des questions anodines sur eux, si ils avaient une familles, des hobbies, des ambitions. Une manière de détendre l’atmosphère sans être trop lourd. Pendant ce temps, Nobuhisa faisait des cure-dents avec son Kunai et il s’en vantait, si il était heureux, tant mieux pour lui. Il finissait par te lancer de bout de bois que tu attrapais et tu pouvais voir le chiffre 5 dessus. Intéressant, tu te relevais.
« Je vais aller me soulager, je reviens. »
Tu pénétrais la flore environnante, calmement et tu en profitais réellement pour uriner. Il ne fallait pas longtemps pour que 9 hommes d’encerclent. A la senteur et leurs odeurs des plus nauséabondes, il s’agissait de brigands qui pensaient qu’agir en nombre leur donnait un avantage. Tu finissais ce que tu avais à faire avant de te retourner vers eux.
« Messieurs, est-il possible d’avoir un moment de discrétion? Je n’aime pas être observé quand j’urine. »
Ils se mettaient tous à rire bruyamment en brandissant leurs armes vers toi et commencer à être menaçant dans in charabias presque incompréhensible.
« Puis-je disposer? Je n’ai pas le temps de vous éduquer Messieurs. »