Consciente de la souffrance de son hôte, et ceci malgré son attitude stoïque, l’Eisenin analysa en silence son champ des possibles. Même si le diagnostique vitale n’était pas engagé, repousser les soins pourraient entraîner une escalade des symptômes. Il serait notamment fâcheux que ce jeune homme meure dans le salon familial. Ainsi, tout en écoutant les propos de ce dernier, elle quitta sa posture assise et s’approcha lentement du corps de son patient. Attendant le moment propice, elle resta là, souriante, à ses côtés. Ses mouvements et son visage étaient gracieux et réconfortants. De l’extérieur, on aurait même pu croire qu’il s’agissait d’une parade digne du règne animalier. La médecin faisait, en effet, preuve de finesse et de charme afin de pratiquer son art, en toute confiance. Il était hors de question d’agir avec brutalité ou empressement. Son comportement détonnait énormément de ces précédentes initiatives dans la ruelle. Durant toute cette approche tactique, elle répondit avec calme à son interlocuteur.
« L’idée de l’Hôpital ne vient pas de moi, c’est un… Ami qui m’a aidé à rendre cela possible. Pour moi, ce lieu sera le brasero qui enflammera la flamme de notre renouveau. Et ne t’inquiète pas, je protégerai ce projet des êtres malintentionnés. Il s’agit d’une chance unique pour les Miwaku de sortir de leur faible condition. Par le travail, l’effort et en formant une communauté unie, nous pourrons faire valoir nos intérêts et quitter l’esclavage stérile. J’en suis persuadée. »
À travers son regard, il était évident qu’une ferveur et une confiance exceptionnelle gouvernaient son cœur. Même si elle paraissait idéaliste et naïve, sa volonté de fer imposait le respect. Rien, ni personne n’arriverait à éteindre sa passion créatrice.
« Pour Kaguya Kyota, j’ai vu son nom dans les documents que mon ami m’a transmis. Je le contacterai en temps voulu. »
Quand il évoqua le sort des enfants et des pédocriminels, Kagero comprit qu’une part de l’histoire de cet homme était entachée par de sombres moments. Ne voulant pas être indiscrète, elle tut toute réaction et commentaire.
« Nous sommes deux versants d’une même pièce. Finalement, même si nous divergeons sur un bon nombre de points, je suis persuadée que nos actions sont complémentaires et indispensables pour notre désir commun. Ensemble, chacun dans son domaine, nous pourrons changer Kumo pour la rendre meilleure. »
Une fois ce vœu pieux énoncé, l’Eisenin réutilisa sa technique pour soulager son invité. Une fois cela fait, elle l’intima de s’allonger dans le divan et de se détendre.
« Bien, je vais commencer à te guérir. La priorité reste ta côte fêlée. Lorsque j’aurais fini, je ferai en sorte de réduire tes hématomes et tes plaies. Je pense qu’après cela, tu pourras marcher sans problème. Bien sûr, tu devras limiter tes combats de rues durant un certain temps. Je ne peux pas te soigner entièrement, du moins, pas hors d’un véritable établissement de santé. Mais j’imagine qu’enregistrer tes blessures et leur origine de façon officielle, n’est pas dans ton intérêt premier. »
Un large sourire illumina la pièce. Finalement, la kunoichi avait baissé sa garde.