Vérité, ô vérité

Les derniers jours avaient été particulièrement compliqués. À raison, la propre fille de la Kitto était désormais considérée comme une déserteuse. Une nouvelle que Hegi aura eu bien du mal à accueillir. Surtout car comme de nombreuses personnes, elle ne comprenait pas, elle se reprochait ainsi de ne pas avoir été assez attentive à son égard, pensant qu’elle aurait du voir venir une telle chose. Mais elle n’était pas du genre à se morfondre durant des heures, non, elle préférait avoir des réponses. Second fait important, Kitto Wattan avait perdu la vie durant l’affrontement et l’affaire concernant directement sa propre famille, ses supérieurs s’étaient bien gardés de lui donner des explications. Alors, fidèle à elle même, elle ne tarda pas à partir en direction de l’hôpital. Elle aurait très bien pu interroger l’un des autres intervenants, mais elle préférait faire profil bas pour le moment, le temps d’éclairer un peu la situation.

Elle arriva alors quelques minutes après avoir quitté son domicile. L’hôpital était silencieux, seul le bruit des pas de la Kitto à la démarche déterminée résonnaient dans les couloirs. Elle rendait visite à la seule médecin qu’elle considérait digne de confiance. Cette jeune Chikara l’avait aidée à plusieurs reprises, sans jamais énoncer le moindre mot quant aux manières peu… licites, que la Kitto employait. Elle se retrouva alors dans son bureau, vide à son arrivée mais elle avait demandé à ce que la chûnin soit prévenu de sa visite. Elle se plaça alors au bord de la fenêtre, attendant l’arrivée de la Chikara. Elle observait l’horizon, la forêt de Konoha, dans laquelle sa fille devait se trouver à l’heure actuelle. Quelques minutes plus tard, alors que la médecin faisait son arrivée, Hegi ne tarde pas à la saluer.

Hegi devait venir lui rendre visite aujourd'hui. Tsubomi avait vaguement entendu parler de l'histoire avec sa fille, Kyoko. La pauvre mère devait être bouleversée. Evidemment, elle était en retard. Elle finit en vitesse ce qu'elle était en train de faire, et monta d'un pas pressé jusqu'à son bureau. La Kitto était déjà là, près de la fenêtre.



Mais pourquoi voulait-elle la voir au juste ? Elle ne l'avait pas précisé. D'habitude, elle lui rendait quelques petits services... pour le travail. Rien de bien méchant, mais ce n'était sans doute pas toujours très éthique.



Elle lui indiqua la corbeille de bonbons sur son bureau. Oui, elle était médecin, et elle distribuait des sucreries. Un de temps en temps, ça ne pouvait pas faire de mal.



Tsubomi alla elle-même s'installer derrière son bureau. Hegi n'avait pas l'air en grande forme. Rien d'étonnant, avec sa fille aînée dans la nature...

La Kitto n’était pas là pour boire le thé, ni se gaver se confiserie, ce n’était ni son genre, ni le moment. Elle allait avoir besoin de Tsubomi pour une raison bien précise, cette dernière devait s’en douter, lorsque Hegi avait besoin de « service » à la limite de la légalité, c’est toujours vers elle que la Kitto se dirigeait. Sur son invitation, elle prit alors place face à la chûnin, croisant les bras, elle s’explique alors :



Accéder à ce genre d’endroit n’était en général pas très compliqué, mais cette fois-ci il s’avérait qu’en plus d’y accéder, elle aurait bien besoin de l’expertise de la médecin, afin d’y voir un peu plus clair sur le déroulement de la rencontre.

Elle avait donc vu juste ; sa visite n'était pas sans lien avec la désertion de sa fille. Tsubomi n'était pas étonnée qu'on lui refuse ainsi l'accès au dossier. Ce genre de lien direct avec une affaire pouvait créer des problèmes... c'était le cas en médecine aussi. Mais la frustration de la Kitto la poussait une fois de plus aux limites de la légalité pour y voir plus clair. Soit ses supérieurs ne faisaient pas grandes preuves de discernement, soit il ne connaissait pas Hegi.

Un accès à la morgue, donc... Le corps de Kitto Wattan. La Chikara ne dit rien pendant un instant. Elle ne savait rien de l'affaire, ni même qui était cette femme. Ce n'était pas le sujet, à vrai dire.



Les deux femmes avaient l'habitude de risquer leur travail en faisant ce genre d'incartades. Mais ça avait toujours été pour une affaire de la police, et jamais personnelle. Tsubomi soupira un peu, puis afficha un sourire triste.



Avant de se lever, elle ajouta quand même :

Elle accepta finalement, mais la médecin semblait se questionner sur son état actuel. Son inquiétude était touchante, mais la Kitto ne voyait pas le problème de la manière dont elle le pensait. Au delà qu’elle soit sa fille, Kyoko faisait partit du clan Kitto. Sa désertion ne fera qu’exacerber les doutes concernant les siens pensait-elle.



Cataloguer sa propre fille comme une « déserteuse » était loin de lui faire plaisir, évidemment. Mais Kyoko était pertinemment au courant des lois et des risques. Partir sans un seul mot, laissant un cadavre derrière elle… elle ne pouvait pas se permettre d’agir comme cela. La Kitto se met alors à suivre la Chikara à travers l’hôpital. Sur le chemin, elle ajouta quelques mots à voix basse.



Les minutes passèrent et les deux chûnins se retrouvèrent non loin de la morgue, à quelques mètres des deux gardes postés devant l’entrée. Cessant alors de marcher, Hegi fit un sourire et s’adressa à nouveau à Tsubomi.

Avec quelques sourires aimables et un ou deux mots bien placés, les gardes la laissèrent passer de bonne grâce. Ils regardèrent d'un œil curieux Hegi la suivre à l'intérieur, et Tsubomi referma la porte. C'était le silence. Elle se dirigea vers la zone de préparation, se leva les mains, et enfila des gants. Elle enjoignit Hegi à faire de même.

Après avoir feuilleté un peu le dossier de Kitto Wattan, la Chikara se dirigea vers un des emplacements, et fit découvrir une housse, à la forme d'un corps humain. A l'aide d'une table roulante, elle le déplaça vers la table d'autopsie. Elle fit glisser la fermeture et ouvrit le sac.

Tsubomi avait déjà vu des cadavres, et ceux-ci ne la répugnaient plus vraiment. Cependant, voir un mort ne faisait jamais plaisir. Celui-ci était... en piteux état. Recouverts de blessures, d'ecchymoses, de bosses. Avant même de l'avoir examiné, elle devina que sa mort avait été douloureuse... et possiblement lente.



Elle commença à observer et à sonder le corps de l'extérieur. Elle vit sans grande surprise que le reste était dans le même état. Il ne restait plus beaucoup d'os qui n'étaient pas brisés.



Leur forme n'avait rien d'une lame... elle se pencha sur l'une d'entre elles, et y observa un reste de ce qui avait sûrement causé ces blessures. Elle leva sa pince à la lumière, et la présenta à Hegi.



Tsubomi plaça l'épine dans un petit flacon, qu'elle passa à la Kitto. Après un rapide tour des autres coupures profondes, elle en préleva aussi de la terre et de la poussière de roche, voire même du gravier.

En observant le corps en piteux état de la Kitto, Hegi ne pouvait pas s’empêcher d’être désolée. Quand bien même elle ne portait pas cette jeune femme dans son cœur, personne ne devait trouver la mort de cette manière. Elle se demandait comment les siens étaient capable d’arriver au point de s’entre-tuer. La fraternité des shinobis Konohajins n’existait donc plus ? La Kitto resta silencieuse, elle écoutait attentivement le compte rendu que de la Chikara. Au vu de l’origine des blessures, la Kitto écartait le doute que ce soit sa propre fille qui en soit responsable. Non, le déroulement avait du être tout autre.



Il n’y avait pas besoin d’être une lumière pour comprendre. Soit la Kitto était tombée dans un tas de ronces avant sa mort, soit elle avait du faire face à un Kirishitan. Ils étaient les seuls capable de manier des jutsus liés à la nature elle même. Cela corroborait avec le reste des informations dont la Kitto disposait.



La Kitto se recula un instant et prit un instant pour réfléchir. Cela faisait tout de suite plus de sens, elle imaginait mal Wattan se mettre en travers de la route de Kyoko. Elle s’avança alors à nouveau, alla poser sa main sur les paupières de Wattan pour les soulever une par une, puis sans même regarder la Chikara elle enchaîna :



La Kitto retira ses mains puis leva son regard vers Tsubomi.

Bien sûr qu'elle y avait déjà pensé. Mais ce n'était pas son rôle de porter des accusations. Tsubomi ne savait pas du tout dans quoi Hegi se lançait au juste. Certes, elle avait voulu vérifier si Wattan était morte de la main de Kyoko, mais maintenant ? Ce n'était plus personnel à présent...



La Chikara observa la Kitto faire quelques pas plus loin. Elle s'inquiétait un peu pour elle. Hegi n'était qu'une complice à l'origine, un peu une collègue avec le temps, mais finalement, les secrets qui les liaient toutes les deux les avaient rapprochés. Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'elles étaient amies, mais il n'empêche. Hegi souleva les paupières de la morte.



Elle se doutait de ce qu'elle vérifiait. Le dôjutsu Kitto était rare, et extrêmement jalousé. Il ne serait pas étonnant qu'on lui ait volé dans le feu des évènements. Sans même répondre, elle inspecta ses yeux.



Tsubomi la regarda.

Ce besoin excessif de se battre et de donner le meilleur de soi même, Hegi pensait que c’était là le plus gros soucis de sa fille, elle n’avait pas remarqué qu’en vérité, d’autres choses tracassaient son esprit. Elle poussa alors un long soupir lorsque Tsubomi lui demanda ce qu’elle comptait faire avec le dôjutsu de Wattan. Après quelques secondes de réflexion, elle lui répondit alors enfin :



Demanda fermement la Kitto.



Elle n’avait pas d’affection pour cette femme de son vivant. Au contraire, selon Hegi elle était la cause de la plupart des ennuis de Kyoko. Mais cette fois, elle lui avait sauvé la vie, c’était différent.

Oui, elle s'en souvenait. Kyoko était douée pour s'attirer des ennuis. La jeune fille avait le sang chaud, c'était le moins qu'on puisse dire. Néanmoins, Tsubomi l'appréciait, et l'avait toujours trouvé adorable. Plongée dans ses pensées, mélangeant ses souvenirs de Kyoko, la mort de Wattan et la dernière hospitalisation de Kitto Mamoru, elle mit un peu de temps à réagir à ce qu'Hegi venait de dire.
La Chikara leva la tête et ouvrit de grands yeux. Elle ne dit rien, et la laissa poursuivre.

Après un instant de réflexion qui laissa un silence dans la pièce, la médecin répondit.



Elle gloussa un peu pour détendre l'atmosphère. En réalité, elle ne savait pas quoi répondre. Tsubomi comprenait pourquoi elle voulait le détruire, et elle comprenait aussi pourquoi elle hésitait à le garder. Mais son avis ? Elle n'en savait fichtrement rien.





La vérité, c'est qu'elle était trop faible et terrifiée pour prendre une décision. Cela voudrait dire en assumer une plus grosse responsabilité encore. D'habitude, elle évitait de trop penser aux activités peu légales qu'elle faisait avec Hegi. Et si elles se faisaient prendre ? Le sentiment d'être une petite fille à nouveau. La peur que ses parents découvrent sa dernière bêtise. Le regard déçu de sa sœur...

"Je suis une horrible médecin..."

Tsubomi secoua un peu la tête.

Il restait en revanche compréhensible que la jeune Chikara ne veille tout simplement pas avoir son mot à dire. Peut-être car elle ne se sentait pas concernée par ce genre d’histoire, ou parce-qu’elle n’en comprenait pas les tenants et les aboutissants.



Durant toute sa vie la Kitto n’avait fait ses choix que pour venir en aide à Konoha. Mais cette fois c’était différent. Dôjutsu ou non, cela sous-entendait extirper un œil du crâne d’une personne décédée, moralement, on pouvait faire mieux. Qui plus est, la Kitto s’était sacrifié pour sauver Kyoko, peut-être était-ce la moindre des choses à faire. Quoiqu’elles fassent, elles n’avaient pas intérêt à se faire prendre sur le fait…

Kitto Hegi, faire un compliment ? C'était une première. Enfin, il était un peu dissimulé, mais quand même, elle n'allait pas s'en plaindre. Quant à leur grade... C'était vrai dans la logique. Mais la Kitto était plus âgée qu'elle, et donc plus expérimentée. Tsubomi la respectait parce qu'elle était l'aînée, mais aussi parce qu'elle la savait juste.



Tsubomi l'écouta parler du dôjutsu. Elle était d'avis qu'une arme, même entre de bonnes mains, pouvait changer la bonne foi de ces mains. Éviter de disséquer quelqu'un lui paraissait également mieux.
D'accord, elle était peut-être un peu mal placée, elle qui faisait des autopsies en cachette...

Elle acquiesça à ce qu'elle lui disait. C'était débordant de logique, et elle était parfaitement d'accord.