Que cette jeune femme l’accepte ou non, elle était prise au piège dans une spirale de haine, prisonnière de pensées sombres qui la forçaient à ruminer tout ce qu’elle percevait comme néfaste. Hattori Masashi comprenait aisément son désarroi. Ce monde, il est vrai, était gangrené par la corruption, et l’humanité n’agissait que rarement pour le bien commun. Pourtant, Masashi voyait les choses sous un autre angle. Sa curiosité personnelle surpassait toute autre considération, et il avait toujours refusé d'exploiter les richesses de ce monde à son propre avantage.
Bien qu’il fût l’Empereur du plus puissant empire que le Yuukan ait connu, il n’avait jamais nourri l’ambition de le maintenir par la force. Il croyait fermement que le clan Hattori était le seul capable de gouverner dans la paix, mais il savait que cela ne devait pas passer par le sang. Tôt ou tard, le monde ninja aurait dû accepter cette suprématie comme une évidence. Toutefois, le cas de Kiri différait : les Kaguya, avec une témérité déconcertante, avaient pris les armes contre l’Empire. Animé d’un désir de bonne foi, Masashi avait tenté de diviser leurs rangs, espérant les pousser à l’abandon. Mais les pertes infligées par ce conflit s’avéraient bien trop lourdes. Forcé d’agir, il avait ordonné l’anéantissement des troupes extérieures avant de conduire lui-même l’assaut sur les portes de Kumo.
Certains novices auraient pu qualifier cela de massacre ethnique. Mais Masashi, lui, voyait en cette action une forme de pitié envers les Kaguya. Qu’on le veuille ou non, il existait des peuples qui, par leur culture ou leur nature, s'avéraient incapables de s’élever. Tous les esprits ne pouvaient être sauvés. Quant à transformer l’énergie originelle en arme ? Une idée grotesque. Il refusait de souiller la pureté de cette ressource, et à quoi bon, après tout ? Cela ne ferait qu’accélérer la destruction des peuples du Yuukan. Fixant un point indéfini, il finit par répondre à la jeune femme :
« Posséder une ressource ne signifie pas savoir l’utiliser à bon escient. L’énergie n’est qu’une membrane de ce monde, elle lui était sûrement utile. Sa transformation en… ceci, avait sûrement un tout autre but. L’humanité pourrait s’en passer. »
Mais cela améliorerait-il pour autant les choses ? Non. Masashi, marqué par les années, connaissait la réalité : peu importait ce que l’homme tenait entre ses mains, il s’en servirait toujours pour tuer et détruire. Il n’existait aucune échappatoire à cette nature. Et pourtant, il omettait une autre vérité : sans cette énergie, d’innombrables êtres mourraient, incapables de s’adapter. Ce Chakra était devenu une addiction, une substance dont les organismes étaient désormais dépendants.
« Aucun peuple ne mérite de connaître ce monde. (...) Depuis toujours, je mène cette quête seul. En trouvant la vérité, je ne ferai que comprendre notre fonctionnement, notre origine. Après cela... »
Après cela, que ferait-il ? Il n’en avait pas la moindre idée. En réalité, il aspirait seulement à trouver un refuge, un havre où fuir ses obligations et se consacrer à la maîtrise de son énergie. Mais il n’osait se l’avouer : il lui faudrait renoncer à ce monde pour mener une existence sans échappatoire. Cette quête infinie était sa seule passion, son unique raison d’avancer. La jeune femme l’ignorait encore, mais elle se tenait face à un empereur rongé par ses propres incertitudes. Faisant un pas en avant, il s’éloigna d’elle. Lui tournant le dos, il reprit d’un ton posé :
« Cette énergie... Si tu continues à l’exploiter de cette façon, elle te détruira peu à peu. Des marques apparaîtront sur ton corps, et à chaque utilisation, tu annihileras tes cellules. Dans chaque Paradis, il existe des sources. Cette énergie est similaire à celle qu’utilisent les experts en médecine. Elle peut soigner les brûlures de Chakra… »
Dans sa jeunesse, Masashi avait lui aussi subi des blessures en manipulant maladroitement son énergie. Mais jamais au point de porter des marques comme Genichi. Il n’avait jamais possédé cette puissance brute. Loin de cela, il s’était spécialisé dans l’optimisation et la maîtrise, ce qui l’avait prémuni contre de telles séquelles. Ironiquement, cette ancienne Konohajin s'était dirigée vers des sources proches... L'humain était étonnant.
Il était temps pour lui de partir. Un instinct diffus lui soufflait que cette jeune femme pourrait jouer un rôle dans sa quête, mais il refusa de céder à cet appel. S’éloignant davantage, il laissa son regard se perdre à l’horizon. Sa priorité restait inchangée : retrouver les Tanuki et poursuivre son voyage, seul.