Aïe. Tel un archer aguerri vidant l’air de ses poumons et tirant une flèche parfaite au cœur de sa cible, la remarque d'Ibuki avait fait mouche. Double critique confirmé, comme diraient certains maîtres du jeu du légendaire jeu Donjon et Nukenin. Alors qu’il allait se justifier, le garçon flamboyant perdit de sa superbe, déjà pourtant très faible, et y préféra le silence.
Il avait déçu quelqu’un. Et c’était probablement le commentaire le plus blessant qu’on pouvait lui faire. Lui qui aspirait à devenir un héros aux yeux de tous, d’être digne du sacrifice de son père, il avait inspiré la déception. C’était une des raisons de pourquoi il travaillait aussi dur. Pourquoi il s’acharnait à devenir chaque jour un peu meilleur que la veille. Parce qu’il ne voulait pas décevoir son prochain. Il ne voulait pas faire honte à son père.
Il resta silencieux, écoutant la Chikara. Faire attention ? Il ne pouvait pas se le permettre. Il avait trop perdu de temps. Cela faisait déjà un an qu’il était diplômé. Et de nombreux Genin de sa promotion l’avait déjà surclassé. Avec un sensei absent, il n’avait qu’accès à des missions de rang E, qui consistaient principalement à aider le voisinage : porter les courses, retrouver le chat perdu dans l’arbre, porter les courses des vieilles dames.
Non pas qu’il n’aimait pas aider son prochain, loin de là, mais il fallait avouer qu’il aurait aimé ne pas passer un an en tant que Shinobi sans qu’on ne lui donne une mission avec de vraies responsabilités, un réel enjeu. Mais sans professeur, difficile de progresser en autodidacte complet. Et en l’absence de situation réelle, pour progresser, il lui fallait pousser son entraînement toujours plus loin, toujours plus fort.
Alors oui, ce que disais son médecin du jour, qui semblait presque faire partie de la famille tant sa posture évoquait plutôt celle d’une grande sœur aimante que celle d’un médecin, avait du sens.Un sens qu’il pouvait comprendre, mais qui lui était impossible à respecter. Parce que s’il l’écoutait, il ne progresserait plus du tout.
« Ouais, c’est pas mal. »
La tornade était passée, laissant à la place une légère brise. L’attitude fraternelle du médecin lui permis de lever toutes ses barrières. Elle n’était peut-être pas l’Eiseinin la plus douée, mais elle avait en elle l’art et la manière de soigner les gens. C’était inscrit dans son essence.
« Non, et c’est bien ça le problème. »
Il serra le poing, et grimaça. Sa blessure lui faisait encore mal.
« Mon père est plus là, et mon Sensei est jamais présent. Clairement, ça fait un an qu’on se coltine les missions type d’aller sauver le chat de la mère Michèle ! Ce n’est pas comme ça que j’deviendrai un vrai Shinobi, j’en ai marre, ça me gonfle à la fin ! »
Il frappa du poing sur le banc, avec son autre bras.
« J’ai pas fait tous ces efforts pour rien ! J’veux aller me battre ! J’dois aller me battre ! C’est pour ça que je me suis entraîné pendant ces quatre dernières années ! »
Tel un volcan entrant en éruption, il se leva brusquement du banc. Cette situation éveillait en lui une blessure si profonde, celle qui lui donnait la rage de vaincre, celle qui lui donnait la rage de vivre.
« J’en ai marre ! Marre ! Marre ! Marre ! Tous mes potes sont devenus hyper balèze alors que j’étais plus fort qu’eux avant. Y’a plus que moi et Kano sur le banc de touche ! Ils n’ont pas le droit de me faire ça, c’est injuste ! C’est cruel ! »
À la mort d’un proche, certains enfants se réfugiaient dans l’ombre, et devenaient des êtres emplis de vengeance. D’autres encore, s’éteignait tout simplement. Et malgré son jeune âge et son apparente bonne humeur, Seitô était un jeune garçon plein de rage, n’ayant pas encore fait le deuil d’un père partie bien trop tôt. À la mort, il répondait par des pulsions inarrêtable de vie. C’était sa manière de la combattre : faire vivre le souvenir de son père en marchant sur ses traces. Consciemment ou inconsciemment, c’était ça qui l’avait mené à devenir Shinobi. Ce qui rendait ces missions et cette absence de progrès encore plus frustrant que jamais. Puis il se rassit. Après être entré en éruption, l’heure des larmes était venue.
« J’veux plus rester immobile, j’veux pas rester sans rien faire, pas encore. »
La force du désespoir.