Chikatoshi ne s’était jamais réellement confié sur sa décision. Il avait choisi un homme qu’il avait décidé d’accueillir au seins de sa communauté. Un borgne au passé mouvementé, au karma tantôt négatif, tantôt positif. Un fermier, devenu veuf, assassin, mercenaire sous couverture, enquêteur à l’Eda puis chef de clan. L’ex-Kittodôno le savait capable de se salir les mains, de mener un combat par les ombres. Le vieux le savait rongé par la vie, dégoûté du tréfond du monde, son âme tournée vers une lumière qu’il ne pouvait supporter, qui aveuglait trop l’unique oeil qu’il arborait, non pas qu’il possédait. L’ancien régent n’avait pas pu tromper tous les esprits aiguisés de ces penseurs devant lui. Sa volonté perdurait.
La raison qui avait poussé Chikatoshi à le désigner, c’était peut-être sa capacité à voir Konoha d’une autre façon, et surtout, de confronter la popularité de la Prêtresse. Cette femme avait, malgré ses dogmes, balayés l’influence des derniers chefs Kitto. Obtenir son exclusion était un moyen, détourné sans doute, de reprendre la main. Pour autant, les membres de la communauté étaient intéressés à l’avenir, à chaque niveaux. Une agréable surprise pour le barbu, préoccupé que les siens se morfondent ou se rattachent à un passé révolu. En réalité, les Kitto étaient dans l’attente, d’une voie, d’une espérance. La communauté, bien que saisit par les cauchemars du passé, était un peuple de rêveur.
« Par deux fois, les Chikara et les Uzumaki ont tentés de s’éradiquer. Par deux fois, les Kitto les en ont empêchés. Une double dette, dont ils ne pourront jamais s’acquitter. Si notre passivité est pointée du doigt par Konoha, alors pourquoi nous empêcher de nous investir d’avantage ? »
Un paradoxe, amenant avec lui ses réponses. Fou serait celui qui oserait le relever, car il représenterait un frein superflu envers le clan Kitto, et sa crédibilité volerait en éclat en une simple parole. Pour le borgne, les Kitto n’avaient qu’à demander, qu’à réclamer, pour prendre. Kitto Shinji avait prouvé leur vertu. Il avait profité d’un long jeux politique auquel l’ancien mercenaire s’était prêté, un à un, élément après élément, il avait façonné les nouvelles sphères de pouvoir. D’Uzumaki Taram, ancienne dirigeante de l’Eda devenue chef de clan, à Chikara Qazea élu chef de clan, en passant par Kitto Kotaro remplaçant Taram à l’Eda, ceux qui avaient su taper dans l’oeil du borgne avaient inexorablement avancés leur carrière dans le pouvoir et la République.
Kitto Shinji n’avait cependant pas été son choix en tant qu’Hokage, il voyait en son ami Seijuro plus de potentiel. A cette époque du moins.. Le regard qui l’animait après ces trois ans de voyage avait perdu une certaine âme qu’il n’arrivait pas encore à cerner. Le Kitto à la queue de cheval perdurait comme un frère inné et c’est via cette relation que l’ex-régent ressentait que son ami était en proie à une rupture interne. Seijuro s’était confronté au monde extérieur, avait grandi, tout en perdant de sa superbe, amassant une expérimentation unique. Quoi qu’il en soit, l’absence du clan Kitto avait largement participé à faire dérailler et dévier la machination que le borgne avait réglé comme du papier à musique. Il y avait cependant une autre personne à laquelle pensait le Kittodôno.
Sa réflexion, prenait racine dans le passé, lorsque les Uzumaki et les Chikara avaient souhaité en finir une bonne fois pour toute. Il y a presque vingt ans. Quand les Kitto après avoir, fuit le village de Konoha, décliné d’offrir leurs aides aux Uzumaki, s’étaient finalement présentés sur le champs de bataille. Annihilant le pouvoir des deux clans, ils s’opposaient à leurs vieux camarades, soucieux de la protection d’une femme. La Prêtresse, encore et toujours elle. Dans une révélation miraculeuse, elle avait présenté à tous un avenir paisible, une promesse que les ennemis d’aujourd’hui devenaient les alliés de demain. Un serment que la haine devenait amour, que la guerre laissait place à la paix. Keisan n’y croyait pas totalement. Le quadragénaire était sceptique et avait cette impudence de pénétrer l’esprit de la femme. Vision véritable ou illusion ? Il s’était depuis entraîné à cet art qu’était le Genjutsu pour en connaître la finalité, sans jamais la trouver. Le doute avait toujours plané mais ses paroles résonnaient.
« Si j’en crois la majorité, vous votez pour l’exclusion de la Prêtresse, jusqu’à attente de preuve ou que celle-ci se présente à nouveau, suite à quoi un procès pourrait avoir lieu si besoin en est. Pour le moment, la Prêtresse de Konoha a mis ou provoqué péril de nombreux Kitto et son absence s'acquitte de cette sanction. Est-ce bien cela ? »
Un moment pour recueillir les avis de chacun, recentrant l’un des premiers sujets de conversation. Tous avaient désormais une vue d’ensemble, un cumul de regard au point de vue varié et différents. Désormais, ils étaient apte à donner une réponse. L’ancien mercenaire ne comptait néanmoins pas éclipser les sujets qui avaient été abordés.
« Pour ma part, je pense qu’un Hokage Kitto, doit être rassurant. Kitto Shinji a déjà validé ce critère aux yeux de Konoha. Il doit représenter plusieurs aspects : de bonnes relations avec chacun des clans car il est dans l’obligation de composer avec. Je dirai même, qu’il doit être apprécié en supplément des membres qui les composent. De part sa provenance, sa neutralité est légion afin d’assurer son côté rassembleur, prenant en compte les visions et l’histoire des clans Chikara et Uzumaki, et ce malgré sa tiédeur, il doit être capable d’agir et de prendre des décisions. Et.. Il doit être capable de pratiquer la Rêverie propres aux Kitto. »
Une liste intimidante, bourré de qualifications impressionnantes. Digne d’un Hokage, non pas ultime, mais acclimaté à son environnement. Le Kage parfait de Konoha. C’était la raison pour laquelle Keisan pensait que personne n’était prêt. Pourtant, il le sentait. Dans cette pièce, cette chimère pouvait se concrétiser.
« Et la communauté Kitto doit y apporter son entier soutiens. »
Un reproche.
« Vous savez, je me suis souvent demandé, quelles auraient été mes paroles si j’étais la Prêtresse de Konoha, afin de stopper leur guerre. Que sa vision soit réelle ou une illusion.. Elle a dû composer avec.. Je crois.. Que j’aurai prononcé ces mêmes mots, car ils étaient les seuls à pouvoir réunir. Et si.. »
Un silence plombant. Les croyants s’accrochaient aux lèvres de l’ancien régent. Les plus incrédules prêt à le fusiller du regard.
« Et si, un roux n’impliquait pas un Uzumaki. Et si le second Hokage pouvait être un Chikara ou un Kitto ? Et si, les mots qu’elle avait prononcés l’ont été car seuls ceux-la auraient été écouté ? Et s’il comportait, un message différent ? »
A l’annonce de cette demi-vérité, de ce demi-mensonge, de cette incertitude, son regard s’était posé sur Kitto Kotaro.
« Je n’ai jamais entendu une quelconque personne se plaindre de toi…
Kotaro. »
Sa réponse était donnée. Son incroyable faculté à persuader, à aligner des mots choisis avec soin dans une locution quasi-parfaite, avait finalement terminé sa course sur le Kitto roux. Les sous-entendus étaient nombreux. Le barbu l’observait depuis désormais plusieurs années. Sa décision était mûrement réfléchie.