La reddition ne tarda pas. Face à l'ouragan violet, le Démon des Montagnes implora la clémence. Malgré ses mots pitoyables, la petite furie continua son assaut. C'était comme si elle se libérait de toutes les craintes et les passions tristes refoulées. Cette pluie de coups était la malheureuse conséquence de la longue absence de Kaya. À cause de l'enlèvement, Kyoko eut le sentiment de toujours vivre dans l'ombre de Kaya. À travers les yeux tristes de sa mère ou les avertissements de sa grand-mère, la gamine ne cessait d'être rappelé à ce jour tragique. La famille n'arrivant pas à avancer, l'innocente souffrait en silence de sa place de second enfant. La mort de Shun n'aida en rien la petite dernière. C'est pourquoi, dès qu'elle en avait l'occasion, Kyoko usait de la violence pour soulager ses maux. Cette soirée n'échappa pas à cette habitude.
Lorsque le bâton quitta le corps de l'adulte, la farouche enfant regardait avec dureté sa cible. Ce qui suivit la laissa de marbre. Trop soudain et trop inattendu, ce câlin fut perçu comme une agression, au premier abord. Ce n'est que lorsqu'il s'inscrivit dans le temps que peu à peu, la carapace de la terrible se fendit. Touchée par cette marque d'affection, des lourds sanglots perlèrent sur ses joues. Puis, avec une franche sincérité, elle ouvrit les vannes.
« Pourquoi ? Pourquoi tu n'es pas rentrée plus tôt ? Maman était si triste ! C'était si dur de jouer ton rôle, de l'aider à sourire ! Moi aussi, je voulais être triste pour Papa ! Pourquoi tu ne l'as pas sauvé lui aussi ! Tu étais où ? Tu es forte, non ? Tu aurais pu tuer les vilains ! »
A mesure que la jeune fille se livrait, elle s'enfonçait dans l'étreinte et semblait fusionner avec Soshi. Ce n'était pas vraiment des reproches, mais plutôt des regrets. Kyoko attendait ce jour depuis si longtemps, qu'elle avait encore du mal à le réaliser. Tout ceci était si soudain, si rapide.
« Et tu pars plus, hein ? Je ne veux pas que tu me laisses encore toute seule ! Une sœur, c'est pour la vie ! »
Son visage bascula en arrière, permettant aux pupilles de l'enfant de se plonger dans les iris émeraude de la kunoichi. Sans le dire, elle attendait une promesse solennelle, une de celles qu'on ne peut briser.