Yosei ne réagit pas à la réplique de la jeune femme, mais si elle n’avait pas été en colère à l’instant elle aurait surement ris à cette comparaison. Elle avait au moins eu le don d’adoucir ses traits et d’éloigner l’image de la femme paranoïaque qu’elle s’était faite peu auparavant.
Yosei se retourna uniquement après que la femme aux cheveux blancs l’ait invité à s’installer. Elle ne s’y attendait vraiment pas et son visage trahissait une certaine perturbation, Yosei avait pris l’habitude de recevoir des injures, des menaces ou alors des supplices lorsqu’elle rencontrait des inconnus, chose dont elle se tenait bien à l’écart habituellement.
Elle chassa son trouble en s’installant près du feu comme lui avait conseillé son interlocutrice. Yosei ne remarqua la fraîcheur de cette nuit d’automne que lorsque la chaleur des flammes se posa sur elle, elles se débattaient entre elles avec ce nouvel apport d’aliments. La vampire aimait imaginer quel trait immortaliserait quelle scène, alors qu’elle admirait de nouveau cette bataille gagnée d’avance.
« Je vois que tu n’as pas froid aux yeux »
Yosei appréciait le caractère un peu téméraire de la jeune femme, elle en était elle-même sujette, mais cela ne lui avait causé qu’encore plus de tort.
Une vampire utopiste? Cette idée l’amusa ironiquement, lui causant un petit rire.
« Comment une Kenketsu pourrait changer le monde »
Sa réplique presque murmurée mais audible dans le calme de la nuit n’avait pas l’intonation d’une question. Changer le monde lui semblait tout bonnement irréalisable, mise face à la réalité, elle avait vu tout un tas de regards haineux envers elles, leurs possesseurs ne semblaient pas avoir la moindre raison ou sagesse pour passer au-dessus de leurs conditions de mortes-vivantes.
« Le portrait que l’on te faisait des nôtres ? Pas étonnant qu’on soit tous détestés par le Yuukan si des putains de rumeurs circulent sur nous depuis aussi longtemps »
Yosei avait placé une injure dans son mini discours, un tique de language qu’elle subissait souvent et dont elle essayait de se débarrasser malgré elle. Mais cette “révélation” avait un peu plus alimenté la colère qu’elle éprouvait contre ce monde, et qu’elle avait exprimée à travers ce simple mot.
« Sinon, mon nom c’est Yosei »
La Kenketsu n’avait pas réfléchi sur l’importance de son identité, constatant habituellement que seuls ses cheveux et ses yeux suffisaient, et dont son nom n’avait tout bonnement aucune place et qui de toute façon ne voulait presque jamais être entendu. Quelque part, cette demande lui fit plaisir, et elle pouvait ajouter une nouvelle personne pouvant la nommer à sa très maigre liste, même si celle-ci rétraississerait de nouveau dans 60 ou 70 ans maximum.
« Si tu veux me dire le tien j’essaierai de ne pas l’oublier d’ici quelques années »
Surtout que Yosei allait inévitablement devoir supporter et subir les différents voyages que préparait Ryoko, et dont la date finale était tout simplement inexistante. Elles n’allaient certainement jamais se revoir.