Les cris de ton frère te brisent davantage le cœur que les oreilles. Toi, tu restais silencieuse, le chemin barré par la canne de l'inconnu. Tu t'effondres en larme, mais à la différence de Jurojin, tu restais silencieuse. Seul ton souffle accéléré émettait une sonorité angoissante. De tes yeux mouillés, tu regardais ton frère accourir vers la porte, déjà close que tes parents avait emprunté. En vain, puisque la canne qui, la seconde auparavant te barrait le chemin, s’abattit sur ses jambes, le faisant chuter. Tu accourus vers lui, afin de le prendre dans tes bras, sous le regard médisant de celui qui était devenu votre propriétaire. Ses paroles acerbes donnaient le ton pour la suite... Tu ne réalisais pas encore la réalité de cette situation. Tu ne comprenais pas pourquoi vos parents étaient partis sans vous, bien loin de t'imaginer que vous aviez été une monnaie d'échange...
Vous marchiez alors derrière l'individu, dans un silence que seule vos pleurnichement venait trahir. Tes yeux, bien qu'embués par les larmes, se posaient de part et d'autre. Tantôt sur une statue, tantôt sur un tableau. Cependant, la qualité de la bâtisse s'amoindrissait au rythme de votre progression jusqu'au moment, où tu en étais certaine, cela ne pourrait être pire. Après avoir passé une porte au bois mité, vous arriviez dans un silence où quelques individus semblaient habiter ce lieu. Leurs peaux était d'un pale maladif et leurs maigreur inquiétante. Quelque toux ressemblant à un crie d'agonie fit mettre la main devant sa bouche au propriétaire de ce lieu. Enfin, je sentis une main se poser sur mon dos, bien évidemment, cela n'était en rien un geste de tendresse, mais nous forçait seulement à continuer notre marche jusqu'à une minuscule pièce qui nous fut expliquée comme étant notre chambre. Tes sanglots reprirent à cet instant précis... Ce n'était pas une chambre, simplement une pièce dont les interstices entre les planches de bois qui servait de murs laissaient pénétrer l'air froid de l'extérieur. Tu aurais voulu contester, mais tu craignais de recevoir une punition...
L'homme vous laissa cinq minutes. Alors, tu profitas de ce court instant pour laisser Jurojin se réfugier dans tes bras. Tu le sentais trembler sous tes caresses. Probablement que lui aussi, sentais tes grelottements. Tu reniflais négligemment, tentant de ravaler tes larmes. Ton petit frère avait besoin de toi. Tu avais le rôle de grande sœur, tu ne pouvais te laisser ébranler. Alors, à sa question, le visage étouffé sur ton corps, tu vins lui caresser les cheveux avec un instinct maternel.
« Ils vont revenir ! J'en suis certaine ! »
Alors que tu étais en train de réconforter ton frère, la porte s'ouvrit de nouveau. Ton regard accourut vers celle-ci, espérant voir vos parents derrière et comprendre que tout cela, n'était en réalité, qu'un simple malentendu. Mais hélas, ce ne fit pas le cas. Derrière le bois, apparut seulement l'homme qui venait de vous acheter, accompagné d'une femme dont la sévérité de son regard n'avait que d'égale la quantité de rides qu'elle possédait. Tu reçus un regard désapprobateur de sa part avant que tes mains ne viennent recevoir un coup de trique douloureux...
« Hum ! Ce jeune garçon doit s'endurcir ! Et cela ne se fera pas sous des caresses consolatrices ! Allez, allez... Séparez-vous ! »
Ta main te faisait souffrir. Le coup n'était pas réellement violent, seulement sec et sévère, suffisant pour faire rougir le dessus de celle-ci. Tu poussas alors avec une certaine délicatesse Jurojin, ne désirant nullement que lui, ou toi, ne reçoive un nouveau coup. Tu reniflais à nouveau, tentant tant bien que mal de contenir tes larmes.
« Désormais, vous m'appellerez Maître Wataru et vous répondrez aux ordres de la gouvernante Ume. »
Sa voix était sec, stricte et dénuée d'émotion, son regard ne laissait rien transparaître, contrairement à la vieille femme, qui elle, semblait jouir de la situation.
« Croyez-moi les enfants, j'ai les coups de trique faciles... Alors, ça a intérêt de filer droit ! Je ne vais pas me laisser marcher dessus par deux petits orphelins ! »
Orphelin ? Non, tu étais à ce moment, certaine qu'il y avait erreur sur la personne. Vous n'étiez pas orphelin puisque vos parents étaient là quelques instants auparavant. Tout cela n'était qu'un mal entendu, et tu souhaitais le faire savoir, afin que tout puisse rentrer dans l'ordre au plus vite.
« Il doit y avoir erreur, nous ne sommes pas orphelins, nos... »
La trique vint s'abattre violemment sur ton dos, laissant t'échapper un léger cri de surprise et de douleur. Les larmes te remontaient directement aux yeux, sous le regard cruel de la gouvernante Ume, et détachaient du Maître Wataru.
« Vous ne parlerez que lorsque vous y serez invités, mal élevé ! »
« Afin que tous soient clairs. Vos parents... Vous ont vendu pour une somme... En réalité, bien médiocre... Vous avez été pour eux, le seul ticket leur permettant d'espérer refaire fortune dans la cité d'Aisu... »
Vendu... Vous aviez été vendu... Tes jambes te trahir et tu vins tomber sur tes genoux sous le regard amusé de la gouvernante. Vos propres parents vous avaient vendu... Vous étiez le "
Prêt à tout" de votre père... Tu compris à cet instant la raison des larmes de votre mère. Elle pleurait votre perte, mais avait, cependant, accepté cette situation... Tu ne comprenais pas encore tout ce que cela signifiait, ni la raison d'un tel acte. Cependant, ton cœur sembla se briser en un nombre de morceaux incalculable. Tu ne pouvais désormais, plus arrêter le torrent de larmes qui sévissait sur tes joues. Tu criais de désespoir, sans même avoir conscience que ce cri strident provenait de toi. Ton monde tout entier semblait disparaître. Tu semblais t'écrouler intérieurement sous la tristesse qui t'envahissait...
Ton regard fixait le vide, tu ne te rendais aucunement compte que votre maître quittait la pièce, probablement insupportée par les cris de deux enfants détruit. Seule la gouvernante restait là, devant vous avec un sourire malaisant...
« Vous êtes désormais des esclaves à qui, nous allons trouver une utilité... »
Un léger rire cristallin émanait de sa bouche, qui cependant, ne pouvait rivaliser avec le torrent de vos cris...