Le prix des affaires


Je tremblotais sous ma veste pourtant épaisse. La météo était clémente en cet automne, et pourtant, je tremblais. Le froid n'était pas la raison de mes frissons. C'était la peur. Je tentais d'interpeller ma mère, en tirant sur sa longue veste, mais en vain, elle m'ignorait. Se posait alors sur ma petite personne, le regard sévère de mon père qui me dissuadait du moindre mouvement. Je n'avais nul autre choix que de cesser et de rester avec ma peur, sans aucun adulte pour me réconforter. Pour autant, je n'étais pas seul, j'avais à mes côtés mon petit frère, alors, je passais mes bras autour de ses épaules. Je feintais de le rassurer, mais la réalité était tout autre, c'était moi-même qui cherchait du réconfort dans ce contact. Des larmes s'échappèrent de mes yeux, bien que je ne connaissais pas la vraie raison de ma tristesse et de ma peur, je sentais l'atmosphère pesante qui régnait dans cette salle.
Un homme dont la taille était impressionnante fit son apparition. Son regard nous survola quelques instants avant que celui-ci ne ramène son intérêt sur nos parents. Sa tenue semblait immaculée, parfaitement taillée et les boutons de ses manchettes brillaient de mille feux. Tu avais connu le luxe, du moins, le genre de confort auquel tous marchand en proie à la réussite pouvait espérer, mais, cela remontait désormais à de nombreux mois auparavant. Et malgré ta connaissance d'un tel univers, tu n'avais jamais aperçu de tunique aussi belle, semblant si... pur. Mais ton attention fit rapidement détourner de cet homme lorsque tu entendis ta mère sangloté. Tu n'apercevais que les spasmes qui parcouraient son dos, faisant virevolter sa longue et merveilleuse chevelure. Elle n'avait cessé de pleurer ces derniers jours et semblait refuser le moindre contact avec ses deux enfants. Tu avais senti cette atmosphère si particulière des jours auparavant également, et les bribes de conversation que tu réussissais à attraper par ci et par là, faisait état de la pauvreté dans laquelle se retrouvait désormais tes parents. Cependant, tu reprenais espoir sur le fait que tout allait désormais s'arranger puisque qu'un homme visiblement riche se trouvait devant vous quatre...

Dialogue de personnage
« Ainsi, il se dit que vous êtes sur la paille... »


Tu baissais ton regard, par honte. Bien que tu n'avais que 7 ans, tu savais ce que cela signifiait... Vous étiez ruiné... Vos parents avaient toujours été suffisamment clairs à ce sujet. Chez les Rihatsu, la pauvreté est une honte et une insulte pour votre divinité. Ton père avait été clair à ce sujet, et ce, à de maintes reprises, la pauvreté n'avait pas sa place dans votre famille, et que le jour où cela arriverait, il serait prêt à tout pour se renflouer. Tu n'avais jamais réellement pu imaginer que cela arriverait un jour, mais surtout, tu n'avais aucunement conscience de ce que signifiait "être prêt à tout".

Dialogue de personnage
« J'avais déjà entendu dire que votre... Clan... Était prêt à tout pour faire fortune, mais, jamais je n'aurai pensé que vous iriez jusque-là... »


Les sanglots de ta mère gagnèrent en puissance. Tu te penchais légèrement sur un côté afin de tenter d'apercevoir son visage. Tu y découvris des joues rougie et de nombreuses larme s'écoulant sur celles-ci. Tu posas alors ta main sur son dos, cherchant à la réconforter alors que tes propres larmes commençaient à s'échapper de tes yeux. Le regard de ton père se posa sur toi, et tu aperçut toute la colère d'un homme à cet instant précis. De peur, tu retiras immédiatement ta main du dos de ta mère et vins la reposer sur ton petit frère, en laissant ton regard tomber sur tes chaussures.

Dialogue de personnage
« Les termes du contrat sont clairs. Dès l'instant où vous percevrez le montant de la transaction, vous quitterez la citadelle... Je ne souhaite nullement que mes nouvelles acquisitions ne risquent par mégarde de tomber à nouveau sur vous, et désire vous retrouver... C'est un sacré montant que je débourse là, je ne souhaiterai que rien ne viennent m'en priver. »


Tu ne comprenais pas tout ce que disait l'homme. Mais tu comprenais une chose, vous alliez devoir quitter la Citadelle. Tu appréciais cette ville, celle où tu étais née, mais tu étais prête à t'en séparer si cela pouvait redonner le sourire à ta mère et faire disparaître cette atmosphère angoissante au sein du foyer familiale. Tu compris enfin les raisons des larmes de ta mère. Elle appréciait énormément cette cité et probablement, que tout comme toi, elle ne voulait pas s'en séparer. Mais comme disait ton père, il fallait être prêt à tout pour refaire fortune, même si cela impliquait de quitter sa maison...
Tes parents acquiescèrent d'un hochement de tête synchronisé juste avant qu'une lourde bourse probablement rempli de pièce ne vînt tomber sur la table dans un bruit métallique. Ton père s'empressa de la récupérer afin de compter la somme gagnée.

Dialogue de personnage
« Comptez, mais sachez que je ne suis nullement un voleur... Je suis un homme avec des principes, contrairement à vous autre... »


Visiblement, le compte était bon, puisque ton père affichait enfin un sourire. Chose qui n'était plus arrivée depuis de longs mois. Il attrapa ta mère par le dessous de ses bras, afin de l'aider à se relever. Sans le moindre regard pour vous, ils prirent la direction de la porte. Tu commençais à emboîter le pas derrière eux, lorsqu'une canne vint se mettre en travers de votre chemin. De ton regard, tu suivais le bois jusqu'à la main qui la tenait, c'était le richissime inconnu et son regard qui paraissait si sévère. Tu ne comprenais pas ce que cela signifiait alors, tu te mis à regarder dans la direction de tes parents et enfin, ta mère vous jetais un regard avec les yeux embué par les larmes. Tu pouvais voir ses lèvres formuler le mot "Désolé"...

Publié le 14 Février 2022 vers 17h


La vie n’est jamais parfaite. Elle pose toujours cette même et unique question, vaut-elle la peine d’être vécu et de survivre corps et âme ? Je n’ai toujours pas la réponse. Lorsque nous vivons nos meilleurs instants, un seul grain de sable peut nuire à tout ce bonheur. Un grain de sable qui, s’il intervient au moment le moins opportun, peut vous transformer en la pire vermine de ce monde. Un grain de sable qui, sans possibilité de vous en défaire, vous envoie vers un profond désir de vengeance comme si personne ne méritait de vivre une meilleure vie que la vôtre. L’histoire qui est la nôtre en est un parfait exemple et plus jamais je ne serais ce petit enfant peureux, ignorant et sans problème.

Mon sommeil est constamment chamboulé par mes cauchemars. Des horreurs que je n'oublierai jamais. Cette nuit ne déroge pas à la règle et la présence de ma sœur ne suffit pas à oublier… allongé sur un lit de paille à la belle étoile, je gesticulais tellement que mon corps transpirait comme dans un marathon. Les sueurs me faisaient trembler violemment que l’on aurait cru que je couvais une maladie. Ce qui se tramait dans ma tête n’était que l’éternel recommencement de notre enfance.



Bondé de monde, les rues de la citadelle étaient presque impraticables. Je n’étais pas serein de peur de perdre de vue mes parents et ma sœur. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi mon père était si pressé ni même pourquoi il refusait que maman me porte. J’ai mal au pied, je n’ai pas l’habitude de traverser la citadelle entière d’un pas pressant.

L’endroit que nous atteignons offre une vision luxueuse et voilà des mois que nous n’avons pas vu une si belle chose. A l’intérieur, les événements s’enchaînent à une vitesse fulgurante sans que je ne comprenne la situation. Blotti dans les bras de ma sœur, je peinais à contrôler mes tremblements. L’attitude glaçante de mon père m’attristait tout comme l’ignorance de notre mère. Pourtant, cette peur, je ne la comprenais pas. Que pouvait-il nous arriver de mal en présence de nos parents ?

Soudainement, un homme à l’intérieur nous invitait à le suivre. Lui aussi était beau et ses habits respiraient la richesse. La richesse… voilà bien des mois que nous l’avions perdu et ça, même moi je le comprenais. Sa tunique, au couleur de la pureté, m'envahissait de bonheur si bien que je m’imaginais porter cet habit. Mais une fois à l’intérieur, tout changea. Mon père nous ignorait complètement et ma mère n’osait plus nous regarder. Je ne comprenais toujours rien. Très discrètement, je tirais sur la manche de Kannon comme pour obtenir des réponses, mais elle ne réagissait pas. Si l’homme riche parlait de notre faillite, j’étais bien trop occupé à capter l’attention de ma mère pour entendre les remarques déplacées. Finalement, je ne comprends que ces mots : “ prêt à tout “. Mon père avait-il fait quelque chose de mal ?

Dialogue de personnage
« Maman, pourquoi tu pleures ? »


Demandais-je au bord des larmes. Mon regard croisa le sien et je mis à pleurer en sanglots. Des sanglots que j’essai de contenir alors que mon père me jette un regard noir. Il me faisait peur, il n’était plus ce papa attentionné.

De l’argent, puis le départ de nos parents. Mes sanglots deviennent des hurlements et je les supplie de revenir. Personne ne nous répond et sous les regards pleins de larmes de maman, je comprends enfin que plus rien ne sera comme avant. Je profite alors que ce nouveau “ propriétaire “ bloque ma sœur pour tenter de les rattraper, en vain. Soudainement, alors que jamais je n’aurais imaginé une telle chose, la canne de bois vient me frapper dans les jambes.

Dialogue de personnage
« Il y a des règles à suivre ici, petit. Au moindre écart, vous serez punis. »


Hurlant de douleur, je regardais ma sœur, elle qui devenait mon unique espoir. La vie que nous avions connu se terminait pour faire place à une vie pleine de désolation.

L’homme riche à la tunique nous ordonne de le suivre et, guidé par la peur, nous le suivons pour qu’aucun de nous ne reçoive un nouveau coup de canne. Nous longeons un long corridor dont le tapis rouge faisait écho à la richesse de notre geôlier. Le couloir était éclairé par de nombreux luminaires en cristal. Puis, nous montons de nombreuses marches jusqu’à emprunter un escalier bien plus miteux et moins entretenu. Nous traversons une porte en bois dont le grincement laissé penser à une maison hantée. A l’intérieur, l’air était humide et nous croisons quelques personnes dont l’état physique laissait penser que leurs jours comptaient. Enfin, nous sommes jetés tel des bêtes dans une pièce pour seul lit une planche de bois.

Dialogue de personnage
« Ce sera votre chambre. Je vous laisse cinq minutes pour prendre vos marques. »


Dit-il sur un ton ironique accompagné d’un sourire narquois.

L’homme partie, je me cachai dans les bras de ma sœur en pleurant. Mes tremblements deviennent incontrôlables tellement je suis envahie par la peur. Entre quelques sanglots, je réussis à dire :

Dialogue de personnage
« Pour… pourquoi… maman et papa… sont parties ? Hein ? »


Subitement, la porte s’ouvre de nouveau et laisse apparaître ce monstre qui, sans le savoir, changera à jamais notre vie.

Publié le 14 Février 2022 vers 22h


Les cris de ton frère te brisent davantage le cœur que les oreilles. Toi, tu restais silencieuse, le chemin barré par la canne de l'inconnu. Tu t'effondres en larme, mais à la différence de Jurojin, tu restais silencieuse. Seul ton souffle accéléré émettait une sonorité angoissante. De tes yeux mouillés, tu regardais ton frère accourir vers la porte, déjà close que tes parents avait emprunté. En vain, puisque la canne qui, la seconde auparavant te barrait le chemin, s’abattit sur ses jambes, le faisant chuter. Tu accourus vers lui, afin de le prendre dans tes bras, sous le regard médisant de celui qui était devenu votre propriétaire. Ses paroles acerbes donnaient le ton pour la suite... Tu ne réalisais pas encore la réalité de cette situation. Tu ne comprenais pas pourquoi vos parents étaient partis sans vous, bien loin de t'imaginer que vous aviez été une monnaie d'échange...

Vous marchiez alors derrière l'individu, dans un silence que seule vos pleurnichement venait trahir. Tes yeux, bien qu'embués par les larmes, se posaient de part et d'autre. Tantôt sur une statue, tantôt sur un tableau. Cependant, la qualité de la bâtisse s'amoindrissait au rythme de votre progression jusqu'au moment, où tu en étais certaine, cela ne pourrait être pire. Après avoir passé une porte au bois mité, vous arriviez dans un silence où quelques individus semblaient habiter ce lieu. Leurs peaux était d'un pale maladif et leurs maigreur inquiétante. Quelque toux ressemblant à un crie d'agonie fit mettre la main devant sa bouche au propriétaire de ce lieu. Enfin, je sentis une main se poser sur mon dos, bien évidemment, cela n'était en rien un geste de tendresse, mais nous forçait seulement à continuer notre marche jusqu'à une minuscule pièce qui nous fut expliquée comme étant notre chambre. Tes sanglots reprirent à cet instant précis... Ce n'était pas une chambre, simplement une pièce dont les interstices entre les planches de bois qui servait de murs laissaient pénétrer l'air froid de l'extérieur. Tu aurais voulu contester, mais tu craignais de recevoir une punition...

L'homme vous laissa cinq minutes. Alors, tu profitas de ce court instant pour laisser Jurojin se réfugier dans tes bras. Tu le sentais trembler sous tes caresses. Probablement que lui aussi, sentais tes grelottements. Tu reniflais négligemment, tentant de ravaler tes larmes. Ton petit frère avait besoin de toi. Tu avais le rôle de grande sœur, tu ne pouvais te laisser ébranler. Alors, à sa question, le visage étouffé sur ton corps, tu vins lui caresser les cheveux avec un instinct maternel.

Dialogue de personnage
« Ils vont revenir ! J'en suis certaine ! »


Alors que tu étais en train de réconforter ton frère, la porte s'ouvrit de nouveau. Ton regard accourut vers celle-ci, espérant voir vos parents derrière et comprendre que tout cela, n'était en réalité, qu'un simple malentendu. Mais hélas, ce ne fit pas le cas. Derrière le bois, apparut seulement l'homme qui venait de vous acheter, accompagné d'une femme dont la sévérité de son regard n'avait que d'égale la quantité de rides qu'elle possédait. Tu reçus un regard désapprobateur de sa part avant que tes mains ne viennent recevoir un coup de trique douloureux...

Dialogue de personnage
« Hum ! Ce jeune garçon doit s'endurcir ! Et cela ne se fera pas sous des caresses consolatrices ! Allez, allez... Séparez-vous ! »


Ta main te faisait souffrir. Le coup n'était pas réellement violent, seulement sec et sévère, suffisant pour faire rougir le dessus de celle-ci. Tu poussas alors avec une certaine délicatesse Jurojin, ne désirant nullement que lui, ou toi, ne reçoive un nouveau coup. Tu reniflais à nouveau, tentant tant bien que mal de contenir tes larmes.

Dialogue de personnage
« Désormais, vous m'appellerez Maître Wataru et vous répondrez aux ordres de la gouvernante Ume. »


Sa voix était sec, stricte et dénuée d'émotion, son regard ne laissait rien transparaître, contrairement à la vieille femme, qui elle, semblait jouir de la situation.

Dialogue de personnage
« Croyez-moi les enfants, j'ai les coups de trique faciles... Alors, ça a intérêt de filer droit ! Je ne vais pas me laisser marcher dessus par deux petits orphelins ! »


Orphelin ? Non, tu étais à ce moment, certaine qu'il y avait erreur sur la personne. Vous n'étiez pas orphelin puisque vos parents étaient là quelques instants auparavant. Tout cela n'était qu'un mal entendu, et tu souhaitais le faire savoir, afin que tout puisse rentrer dans l'ordre au plus vite.

Dialogue de personnage
« Il doit y avoir erreur, nous ne sommes pas orphelins, nos... »


La trique vint s'abattre violemment sur ton dos, laissant t'échapper un léger cri de surprise et de douleur. Les larmes te remontaient directement aux yeux, sous le regard cruel de la gouvernante Ume, et détachaient du Maître Wataru.

Dialogue de personnage
« Vous ne parlerez que lorsque vous y serez invités, mal élevé ! »


Dialogue de personnage
« Afin que tous soient clairs. Vos parents... Vous ont vendu pour une somme... En réalité, bien médiocre... Vous avez été pour eux, le seul ticket leur permettant d'espérer refaire fortune dans la cité d'Aisu... »


Vendu... Vous aviez été vendu... Tes jambes te trahir et tu vins tomber sur tes genoux sous le regard amusé de la gouvernante. Vos propres parents vous avaient vendu... Vous étiez le "Prêt à tout" de votre père... Tu compris à cet instant la raison des larmes de votre mère. Elle pleurait votre perte, mais avait, cependant, accepté cette situation... Tu ne comprenais pas encore tout ce que cela signifiait, ni la raison d'un tel acte. Cependant, ton cœur sembla se briser en un nombre de morceaux incalculable. Tu ne pouvais désormais, plus arrêter le torrent de larmes qui sévissait sur tes joues. Tu criais de désespoir, sans même avoir conscience que ce cri strident provenait de toi. Ton monde tout entier semblait disparaître. Tu semblais t'écrouler intérieurement sous la tristesse qui t'envahissait...
Ton regard fixait le vide, tu ne te rendais aucunement compte que votre maître quittait la pièce, probablement insupportée par les cris de deux enfants détruit. Seule la gouvernante restait là, devant vous avec un sourire malaisant...

Dialogue de personnage
« Vous êtes désormais des esclaves à qui, nous allons trouver une utilité... »


Un léger rire cristallin émanait de sa bouche, qui cependant, ne pouvait rivaliser avec le torrent de vos cris...

Publié le 15 Février 2022 vers 12h


Les délicates attentions de ma sœur ne suffisaient plus à calmer mes terribles sanglots. Loin d’assimiler la situation, je ressentais au fond de moi que quelque chose n’allait pas et que cette situation ne serait pas qu’une mauvaise aventure à passer. Pendant que je tentais de calmer cette souffrance, les reniflements de Kannon résonnaient dans ma tête. Ses efforts pour dissimuler ses larmes étaient vaines, elle aussi, elle perdait espoir. Mes tremblements continuaient, peut-être même qu’ils empirent, mais tout cela était incontrôlable pour un si jeune garçon. Même les mots qui suivent ne résolvent pas ces spasmes imprévisibles. Non, Kannon, ils ne reviendront pas et nous ne tarderons pas à le savoir.

La porte de notre nouvelle chambre miteuse et froide s'ouvre de nouveau. Si l’espoir de voir nos parents m'effleurent également l’esprit, il n’en ai rien. A la place, c’est encore une fois cet homme qui apparaît, mais en compagnie d’une dame au regard noir, sévère et intransigeant. Subitement, la trique qu’elle tenait en main vint frapper les mains de ma sœur. Soit fort, pensais-je, mais ma souffrance était bien trop grande. Je suis effrayé et je n’ose pas intervenir. Sans rechigner, je laisse Kannon se dégager de moi, effrayé de recevoir à mon tour un coup. Loin de ma sœur, beaucoup trop loin à mon goût, nous découvrons l'étendue de la situation et plus rien ne porte à croire qu’un jour, nous retrouverons nos parents.

Dialogue de personnage
« Où sont Maman et Papa ? »


Demandais-je sans comprendre la signification du mot orphelin.

Un violent coup de trique s'abattit sur le dos de Kannon puis sur le mien. Pourquoi sont-ils si méchants ? J’ai toujours été gentil avec maman et papa, est-ce que j’ai fait une bêtise ? Ou est-ce que c’est toi, Kannon ?

Très rapidement, nos interrogations trouvèrent leurs réponses. Wataru, qui se présentait comme notre maître, utilisa des mots simples. Des mots que, du haut de mes cinq ans, j’étais capable de comprendre. Nos parents nous ont abandonnés… pour de l’argent. Finalement, tout le l’amour que nous avions reçu n’était qu’une facette, un simple jeu qui a fini par rapporter un petit pactole.

Dialogue de personnage
« Ils ne reviendront jamais ? »


Nouveau coup de trique sous des hurlements de douleur et de tristesse. Il fallait se taire, ne plus dire un mot, se taire, ne pas parler, oublier, se taire ! Le visage enfoui dans mes mains, je restais abasourdi face à une telle épreuve.

Sous les rires de Wataru et Ume, le mot esclave venait d’être prononcé. Voilà où tout à commencé…

Dialogue de personnage
« Maintenant que nous sommes bien clair, nous allons vous trouver des occupations. Suivez-moi ! »


Poussé par ma sœur, j’emboîte le pas, les yeux imbibés de sang et le visage humide. Nous descendons les escaliers miteux et grinçants pour enfin retrouver toute la beauté du château. Les lumières de diamant et de cristal brillaient encore de mille feux. Cette fois-ci, nous empruntons un chemin différent qui nous mène directement vers une énorme buanderie. Tout se trouvait à l’intérieur. Des machines à laver, des sèche-linge, des fers à repasser et tout autres ustensiles et produits servant à l'entretien des textiles. A proximité de nous se trouvaient deux jeunes filles, plus âgées que nous. Leurs visages marqués ne permettaient pas de leur donner un âge exact, entre dix et quinze ans, pas plus. De sa trique, la gouvernante désigne l’un de fer à repasser à ma grande sœur. Suivie d’un geste de la tête, elle lui ordonne de s’en saisir. Ce qui lui était demandé ne laissait aucun doute à l’interprétation. Puis, sans attendre, elle pose son regard sur moi en me tapotant l'épaule du bout de sa trique.

Dialogue de personnage
« Quant à toi… »


Calmement et le sourire en coin, elle s’approche des laves linges puis tapote chacune d’entre elles. Le bruit assourdissant que cela provoque ne m’aidait pas à comprendre ce qu’elle voulait.

Dialogue de personnage
« Quoi ? »


Le regard amusé, le sourire narquois, elle me demande d’approcher de son index ridé. D’un geste brusque, elle me saisit par mon écharpe pour me mettre face à l’une de ces machines. Riant de la situation, elle ouvre le hublot avant de se glisser dans mon dos. D’un coup de pied, elle me jette à l’intérieur, tête la première.

Dialogue de personnage
« Je veux que tout soit niquel. Au boulot ! »


Impuissant, désespéré, je restais là, complètement inerte. Mes larmes coulaient, mais plus aucun son ne sortait de ma bouche. Si la tristesse me submergeait, je découvrais cette nouvelle sensation étrange et puissante, la haine.

Étonnement, je me retrouvais à nettoyer cette machine jusque dans les endroits les plus inaccessibles, le visage de moins en moins expressif et vide d’émotion.

Publié le 15 Février 2022 vers 23h


Tu avais passé toute l'après-midi à repasser du linge. Tantôt une tunique, tantôt une robe. Si au commencement, le fer à repasser t'avait parut bien léger, au fil des heures qui défilait sous son maniement, il te semblait aussi lourd qu'un sac de riz. Tu avais versé de nombreuses larmes, silencieusement, ci-tôt elles s'échappaient de ton visage, ci-tôt elles se retrouvaient séché par la chaleur du fer. L'après-midi avait été sous le signe du silence, les deux filles qui se trouvaient dans la même pièce que toi, n'avait pas prononcé le moindre mot, ni même posé le moindre regard sur toi. Elles semblaient vides... Mortes de l'intérieur... Tu ignorais à cet instant qu'elle servait le maître depuis déjà de nombreuses années. Ta perspective d'avenir se trouvait devant tes propres yeux, bien que tu n'en avait pas encore conscience. Tu ne cessais de jeter des regards à ton petit frère, qui lui, se retrouvait dans le cylindre des machines, équipé de chiffon, nettoyant chaque recoin dont seul un jeune enfant pouvait atteindre. Vous étiez devenu bien silencieux, probablement trop pensif au sujet de ce qui vous arrivait. Tu te rejouais la scène de la matinée d'innombrable fois. Cherchant à comprendre ce que tu avais loupé. Cherchant l'erreur que vous aviez pu avoir commis pour être puni de la sorte. En vain... Car la réalité était tout autre... Vous n'aviez rien fait de mal...

La journée avait défilé ainsi. Tes bras douloureux par le maniement répétitif du fer et tes muscles peu habituer à ce genre de travail. Ton dos avait souffert de quelques coups de trique, lorsque la gouvernante faisait irruption et que tu avais opté pour une pause, visiblement, pas autorisé. Vous aviez été relégué dans votre "chambre", si une telle pièce pouvait être appelée ainsi. Une simple planche en bois qui faisait office de lit, aucune couverture pour réchauffer vos chaires, aucun cousin pour reposer vos têtes, rien... Malgré tout, tu décidas de t'allonger dessus, fatigué et meurtris par ta journée.

Dialogue de personnage
« Vient petit frère... »


Tu l'attirais vers toi, afin de vous allonger l'un contre l'autre, tant pour s'offrir mutuellement un réconfort que pour vous permettre de vous tenir chaud l'un et l'autre. La position n'avait rien d'agréable, tant le bois était dur. Cependant, vous n'aviez d'autre choix que de vous y accoutumer... Du moins... Un certain temps... Car déjà, tu savais que tu n'envisagerais pas de rester ici.

Dialogue de personnage
« Tu n'as pas trop mal Jurojiin ? Mes bras souffrent le martyr ! »


Alors, la porte s'ouvrit et le visage médisant de la gouvernante fit de nouveau son apparition. Tu ne l'a connaissait que depuis seulement quelque heures, mais déjà, ses traits, ses manières et ses mimiques s’énervait au plus haut point. Toi qui d'ordinaire étais une fille agréable et de bonne compagnie, tu t'étonnais à la détester férocement. Pire que cela... À lui souhaiter du mal pour le calvaire qu'elle vous avait fait vivre cette après-midi.

Dialogue de personnage
« Voilà votre repas ! Mangez et dormez... Demain, vous retournerez à vos postes de travail ! »


Elle avait déposé à même le sol deux misérables bols avant de tourner les talons et de quitter la pièce. S'ensuivit un bruit de loquet. Vous étiez prisonnier de votre chambre. Une sécurité pour qu'aucun des esclaves ne puisse prendre la fuite... Comme l'avait dit le maître à vos parents : il dépensait une fortune pour se fournir ce genre de main d’œuvre.
Tu te rapprochas des bols pour y découvrir un semblant de bouillons avec quelques morceaux de légume peu ragoûtant ainsi qu'un morceau de pain trempé directement dedans. Tu n'étais pas habitué à ce genre de repas, même lorsque vos parents étaient ruinés, vous mangiez mieux que cela... Cependant, vous n'aviez aucunement le choix que de vous contentez de cela.

Dialogue de personnage
« Ça ne donne pas envie... Mais si on veut survivre... On n'a pas le choix... Manges Jurojin... Et prends ma part, je ne veux pas que tu restes sur ta faim... »

Publié le 17 Février 2022 vers 22h